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Culture - Spectacle

Quand Pinter soliloque

Au théâtre Tournesol, devant une salle presque vide, Harold Pinter se lâche en arabe... littéraire. Son « Monologue » est grinçant, nerveux. Un humour noir traverse un flot de phrases tendues.

Une mise en scène signée Sari Moustapha.

Un homme se réveille. Dans un décor de hangar désordonné. Chaises, lampes, fils, porte défoncée, haillons et mystère opaque pour un univers dominé par des objets hétéroclites et de pacotille. Dans un éclairage diffus, un quotidien terne, mais atteignant à la fois le risible, le dérisoire et le
tragique.
Debout, en noir tel un Lorenzaccio des temps modernes, cet homme a son alter ego muet, au visage enfariné, aux cheveux longs et ébouriffés de clown. Collés dos à dos comme pour des souvenirs qui ne vous quittent plus.
Et se dévide lentement, sur un tempo hystérique, l’écheveau de vocables qui révèlent des bribes et des pans de vie. Vieillissement et misère du corps, déception et éblouissement des attachements humains, rêves évanouis et élans cassés.
Théâtre du paradoxe psychologique (toutes les réactions et le dire de ce personnage complexe sont imprévisibles) qui tout en puisant du cœur même de la réalité sa force et son essence n’en tend pas moins vers un surréel inquiétant et angoissant. Une œuvre de l’écrivain et dramaturge britannique d’une mordante modernité, mais qui n’est ni provocante ni outrancière. Un constat de plus sur la déshumanisation actuelle.
Mise en scène avec une pesante gravité par Sari Moustapha (alliance d’un certain expressionnisme allemand au bande-son des films arabes à musiquette sucrée) et interprétée un peu lourdement par Wissam Abou Saab et Johnny Mehanna, cette production, aux accents et intonations syriens, pèche par sa noirceur accentuée.
Il est vrai que le mélodrame, pour trois quarts d’heure de représentation, en dépit de quelques libertés pour l’actualisation du sujet (Internet et réseaux sociaux n’étaient pas de 1972, date de l’écriture de Monologue, pas plus que l’association de Beethoven et Mahmoud Darwich, car à l’époque Harold Pinter n’avait pas encore des engagements politiques prononcés !), est porté ici à son paroxysme de noirceur.
Ce personnage dénué de toute caractérisation précise a du mal à communiquer ses peurs. Des peurs irraisonnées d’un extérieur plein de menaces. Conduite, gesticulation, comportements absurdes pour un monde et une vie absurde. Cette plongée dans le monde de Kafka, Beckett et Ionesco a ici quelque chose de déroutant, car le texte demeure ampoulé et guindé. Probablement à cause du choix de la langue arabe littéraire qui sied peu dans sa traduction à l’expression de Harold Pinter, lui qui fait un usage permanent au langage quotidien, son radotage, ses redites, ses méprises, sa vulgarité.
Un langage que rend plus efficace la remarquable science des silences qu’on retrouve si peu ici dans ce déluge agité de mots névrotiques et lancés sans perdre haleine ou prendre souffle.
Un homme se réveille. Dans un décor de hangar désordonné. Chaises, lampes, fils, porte défoncée, haillons et mystère opaque pour un univers dominé par des objets hétéroclites et de pacotille. Dans un éclairage diffus, un quotidien terne, mais atteignant à la fois le risible, le dérisoire et le tragique.Debout, en noir tel un Lorenzaccio des temps modernes, cet homme a son alter ego...
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