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La route Fouad Boutros à Achrafieh : ce projet des années 50 reste-t-il valable pour 2013 ?

Décongestionner le quartier ou augmenter le trafic ?

Plan de l’espace vert au-dessus du tunnel de la Sagesse. Les militants font remarquer que l’espace vert se réduit à des arbres en bordure ou au milieu des routes. Ils constatent également l’exiguïté de ce qui devrait servir de voie de passage entre une partie et l’autre de la ville. (Photo CDR)

Le patrimoine est loin d’être le seul point d’orgue entre concepteurs et détracteurs de la route Fouad Boutros. Présentée comme une solution au trafic très dense sur toute une zone allant de Charles Malek jusqu’à Charles Hélou en passant par la Sagesse et la rue d’Arménie, cette route est considérée comme obsolète et inutile par les opposants au projet. Ils pensent même qu’elle favorisera la formation de bouchons aux différentes intersections et sur les routes latérales. Voici les arguments des uns et des autres.
Élie Hélou, responsable du dossier au CDR, explique d’emblée que cette route est le dernier tronçon qui vient compléter l’infrastructure de l’entrée est de Beyrouth. La voie commence par un pont qui enjambe l’avenue Charles Malek, mais cette dernière ne sera pas pour autant exempte de travaux. M. Hélou souligne qu’à l’endroit où il y a aujourd’hui un feu rouge réglant le trafic qui va dans quatre sens différents (vers Alfred Naccache, vers la Sagesse, vers Tabaris ou vers Bourj Hammoud), sera construit un passage inférieur, une sorte de petit tunnel qui permet aux voitures se dirigeant vers Tabaris ou dans le sens contraire, vers Bourj Hammoud, de continuer leur route sans s’arrêter. Ceux qui veulent regagner la route Alfred Naccache devront emprunter une bretelle, alors que ceux qui vont vers la Sagesse n’auront qu’à prendre le pont. « L’idée est de diviser le trafic, ce qui réduira considérablement le temps d’attente sur ce carrefour embouteillé », affirme-t-il.
« Ils veulent éviter les carrefours embouteillés ? Cela suppose de concevoir des routes adaptées à la réalité de la ville. » Raja Noujaim, militant de la société civile et coordinateur de la campagne contre ce projet, affûte ses arguments contre les travaux prévus à Charles Malek. « Le problème résidera dans le passage inférieur et la rampe centrale qui devra être nécessairement aménagée sur l’avenue, afin d’obliger les automobilistes à se diriger en sens unique vers ou à partir de ce petit tunnel, dit-il. Cela signifie que tout le flux d’automobilistes qui veulent bifurquer vers Bourj Hammoud ou dans le sens contraire se dirigeront nécessairement vers la bretelle qui longe le passage inférieur (aujourd’hui, on a la possibilité de prendre un virage au milieu de l’avenue). Or cette route latérale ne comprend qu’une seule voie, elle aurait dû en comporter deux et être dotée d’un parking pour suffire à tout ce trafic. Vous imaginez l’embouteillage à venir ! »
Interrogé sur la question, Élie Hélou confirme que les routes latérales n’ont qu’une seule voie. « Mais le flot de voitures qui bifurque aujourd’hui de Charles Malek pour remonter vers Alfred Naccache n’en a pas plus, dit-il. Des routes latérales d’une seule voie ne devraient pas poser problème si les gens respectent le code de la route. » Mais ils ne le font pas pour le moment, et cette bretelle est située à proximité d’une école où les parents déposent et reprennent leurs enfants. « Quand on conçoit une infrastructure, c’est pour des décennies à venir, répond-il. On n’arrête pas de construire une route parce que la loi n’est pas appliquée aujourd’hui. Nous sommes de plus convaincus que cet axe réglera beaucoup de soucis auxquels font face les habitants d’Achrafieh, on ne va pas les pénaliser pour une heure le matin et une autre l’après-midi. »
Sur l’entrée du pont Charles Malek, Raja Noujaim fait part d’une autre inquiétude. « L’axe Alfred Naccache est déjà embouteillé aujourd’hui, constate-t-il. La raison en est simple : un flux de trois files de voitures se termine en étranglement au niveau de l’Hôtel-Dieu. Avec toutes ces voitures qui voudront prendre le pont à l’autre bout de la rue, à Mar Mitr, et tant qu’Alfred Naccache ne peut être élargie, nous courons à la catastrophe avec un embouteillage aggravé. »
Pour Élie Hélou, la présence du pont divise tout simplement le flux sortant ou entrant à Alfred Naccache en deux niveaux, ne donnant pas lieu à un embouteillage supplémentaire.

Un rond-point (in)efficace ?
Au niveau de l’évêché maronite, le pont se transforme en tunnel. « Mais il n’empêche que du pont, une bretelle mène vers l’évêché pour ceux qui ne veulent pas poursuivre leur route plus loin, et idem pour le sens contraire », affirme M. Hélou. Le tunnel se termine au niveau de la rue Salah Labaki où d’autres sorties sont prévues. Le haut du tunnel sera doté d’un rond-point permettant de se diriger dans un sens ou dans l’autre, ou vers le secteur de l’hôpital Saint-Georges, ce qui réduit considérablement l’embouteillage dans ces quartiers, selon l’ingénieur.
« Notre objectif est d’annuler les feux et de créer des carrefours à niveaux », poursuit-il.
Raja Noujaim doute beaucoup de l’efficacité de ce rond-point. « Les routes alentour sont toutes étroites et à sens unique, dit-il. Pour arriver à ce rond-point et se diriger dans le sens que l’on veut, il n’y a qu’une possibilité : le flot de voitures venant de quatre ruelles doit se déverser dans la rue Salah Labaki, qui est elle-même exiguë. Là aussi, l’embouteillage sera encore plus infernal et le projet ne résoudra rien. »
Le dernier tronçon est constitué du pont qui enjambe Mar Mikhaël jusqu’à Charles Hélou, et se termine en bretelles qui mènent vers le centre-ville ou vers le nord de la capitale. Cette route peut évidemment être empruntée en sens inverse. Raja Noujaim s’interroge sur le bien-fondé de diriger encore plus le trafic vers le secteur déjà très embouteillé de Charles Hélou, émettant également des doutes sur la conception des bretelles à ce niveau.

« Un flot supplémentaire dans un secteur saturé »
Toutes ces interrogations amènent le militant à se demander si une étude de trafic digne de ce nom a été faite préalablement à l’adoption finale de ce projet. Élie Hélou nous indique qu’une telle étude a été menée en 2001, et qu’elle a confirmé que ce projet est bien nécessaire à la région. N’est-elle pas déjà ancienne ? « Logiquement, la densité du trafic n’a fait qu’augmenter au cours de ces dernières années, dit-il. D’où le fait que ce qui était adapté il y a douze ans l’est encore plus aujourd’hui, puisque le nombre de voitures a augmenté. »
Pour Raja Noujaim, un simple comptage des voitures et une estimation du flot qui se dirige vers telle ou telle direction ne suffisent pas. « À mon avis, toute étude poussée sur la viabilité de ce projet les obligerait à le jeter à la poubelle, dit-il. Cette route aggravera le trafic, notamment sur les routes latérales et les bretelles, en d’autres termes les entrées et sorties, sans rien résoudre. » Il ajoute que les opposants ont un plan alternatif (lire la suite du dossier demain). « Le problème essentiel, c’est que cette route qui traverse Achrafieh et relie la route de Damas au port en passant par ce quartier apportera un flot supplémentaire dans un secteur déjà saturé, affirme-t-il. Pourquoi en aurions-nous besoin alors que l’autoroute Émile Lahoud, avec ses bretelles vers le port et vers Achrafieh, remplit déjà cette fonction ? »
Élie Hélou dément catégoriquement la similitude entre les deux axes. « Émile Lahoud est une autoroute, une voie rapide sans arrêts, et c’est elle qui assure le lien entre la route de Damas et le port, dit-il. Pourquoi une voiture ou un camion qui veulent un lien direct entre ces deux secteurs prendront-ils la peine d’entrer à Achrafieh ? Ils préfèrent à coup sûr rester en périphérie. La route Fouad Boutros est conçue pour desservir les habitants du quartier et leur en faciliter l’entrée et la sortie sans devoir passer nécessairement par Charles Malek, comme c’est le cas aujourd’hui. »
Pour Raja Noujaim, le pari de cette route est un pari perdant. « Il faut ouvrir le débat aujourd’hui, car une fois qu’une telle infrastructure sera en place, il sera trop tard pour regretter les erreurs », dit-il.
Le patrimoine est loin d’être le seul point d’orgue entre concepteurs et détracteurs de la route Fouad Boutros. Présentée comme une solution au trafic très dense sur toute une zone allant de Charles Malek jusqu’à Charles Hélou en passant par la Sagesse et la rue d’Arménie, cette route est considérée comme obsolète et inutile par les opposants au projet. Ils pensent même...