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Moyen Orient et Monde - Tribune

Comment gérer la crise syrienne

Christopher R. Hill, ex-secrétaire d’État adjoint pour l’Asie de l’Est, est doyen de l’École Korbel d’études internationales à l’université de Denver.

Alors que diplomates russes et américains préparent la conférence pour la paix en Syrie, le Moyen-Orient est en proie à des convulsions sans pareil depuis le printemps arabe il y a deux ans. Les troubles en Syrie, qui semblaient de prime abord de même nature que ce à quoi on assistait ailleurs, se sont transformés en une guerre civile qui déborde les frontières du pays et affecte tous ses voisins. Du point de vue historique, c’est la crise syrienne et non le printemps arabe qui restera probablement l’événement marquant de cette décade au Moyen-Orient, décisif quant à son avenir.
La dimension de la crise exige de la part de toutes les parties, et en particulier des USA, attention, sagesse et leadership. Gérer les forces historiques qui apparaissent au grand jour suppose de dépasser le débat vain sur quel type d’aide délivrer et à quel acteur du conflit.


Disparu, le point de vue simpliste d’un conflit opposant des partisans de la démocratie à un dictateur irascible, l’explication habituelle (mais pas tout à fait exacte) du printemps arabe. Aspirant à la démocratie, combattants de la liberté, jihadistes, extrémistes sunnites et éléments d’el-Qaëda (tous soutenus par les pays arabes sunnites) sont du même côté de la ligne de bataille. De l’autre se trouvent le président Bachar el-Assad et ses affidés, les groupes activistes chiites qui se battent pour protéger leur lien vital avec l’Iran, des minorités religieuses préoccupées par l’après-Assad, et de manière plus inquiétante, l’Iran et son agent libanais, le Hezbollah.


Avec des enjeux aussi élevés, le projet des Russes et des Américains d’une conférence de paix est non seulement bien accueilli, mais aussi considéré comme une initiative indispensable, à préparer avec soin. On va sans doute entendre parler de reports dans les jours qui viennent, les différentes parties devant choisir leurs représentants. Mais la patience est essentielle, parce qu’une fois la conférence commencée, il faut qu’elle aboutisse. Car si elle n’était pas couronnée de succès, les efforts entrepris n’auront servi à rien. Le débat public en Amérique sur le point de savoir s’il faut armer l’opposition syrienne et, dans ce cas, comment le faire, est sans doute intéressant, mais il est d’importance secondaire. Il laisse de côté la signification et la complexité des forces historiques mises en mouvement qui avancent irrésistiblement et commencent à mettre en pièces le paysage politique de la région.


De la même manière, la méfiance sans limite de l’Amérique à l’égard du rôle de l’Iran dans cette crise régionale ne doit pas être utilisée pour limiter sa participation à la conférence. L’Iran est peut-être une partie du problème, mais que cela plaise ou non, il est aussi une partie de la solution. La résolution du conflit syrien pourrait être l’occasion d’une coopération avec l’Iran qui conduise à des progrès dans les négociations moribondes sur le programme nucléaire iranien. « Pour résoudre un problème, il faut l’amplifier », a dit un jour Eisenhower. Mais nous devons aussi comprendre que les aspirations de l’Iran n’existent pas dans le vide. Elles ont leur place dans une stratégie de plus grande ampleur dont certains aspects se manifestent dans la crise syrienne.


Cette crise déborde maintenant chez tous les voisins de la Syrie, le dernier en date étant la Turquie, avec l’exportation des attentats-suicide dans la paisible ville turque de Reyhanli. Le président Obama a eu raison d’inviter à Washington le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, un allié de l’OTAN, pour discuter de la Syrie et de la conférence de paix en préparation. Aucun autre pays que la Turquie n’a peut-être manifesté davantage d’inquiétude quant à la crise syrienne.
Mais c’est l’Irak (un autre pays pour lequel les USA devraient manifester le plus grand intérêt) qui est maintenant le plus exposé à la contagion de la crise syrienne. Certaines voix prétendent que la montée de la violence en Irak (à un niveau jamais atteint depuis 2008) n’a rien à voir avec la Syrie. Selon elles, toute la responsabilité en revient au Premier ministre Nouri al-Maliki, un politicien chiite inflexible qui a mené le vénérable parti Dawa à la tête d’une large coalition chiite qui l’a aidé à remporter un deuxième mandat en décembre 2010. Les chiites représentent la majorité de la population irakienne et les sunnites doivent accepter cette réalité. Il y a sûrement de bonnes raisons de s’inquiéter du caractère de Maliki, de son petit groupe de conseillers, de sa tendance au pouvoir personnel et de sa réputation partiellement méritée de faire des promesses vides.


Mais les extrémistes sunnites ont commis 50 attentats-suicide le mois dernier, tuant 500 personnes, essentiellement des civils chiites. Ils ont même pris d’assaut le ministère de la Justice au centre de Bagdad, faisant 30 tués, et pour faire bonne figure se sont attaqués à des intérêts kurdes à Kirkouk et à Mossoul. Nous ne sommes donc pas à un moment où un dirigeant peut faire davantage de concessions à l’opposition. Aujourd’hui, inspirés par leurs coreligionnaires de Syrie, les sunnites de la province irakienne d’Anbar organisent des « armées tribales » pour combattre l’armée nationale irakienne – un défi porté à l’autorité centrale qu’aucun dirigeant ne peut ignorer.
Le sort de toute la région pourrait dépendre du résultat de la conférence à venir. De nombreux intérêts seront alors en jeu, notamment pour les USA. Espérons qu’ils y seront préparés.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz.
©Project Syndicate, 2013.

Alors que diplomates russes et américains préparent la conférence pour la paix en Syrie, le Moyen-Orient est en proie à des convulsions sans pareil depuis le printemps arabe il y a deux ans. Les troubles en Syrie, qui semblaient de prime abord de même nature que ce à quoi on assistait ailleurs, se sont transformés en une guerre civile qui déborde les frontières du pays et affecte tous...

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