Épuisés par la misère, les enfants de réfugiés syriens au Liban sont rongés par le traumatisme de la guerre. Le massacre de leur famille sous leurs yeux, la fuite effrénée de Syrie, la frayeur d’être capturés, écartelés ou égorgés, comme l’ont été plusieurs de leurs frères, sœurs ou parents, même violés parfois sous leurs yeux – témoignages à l’appui. Ce traumatisme, apaisé au Liban par un semblant de paix, a cédé la place aux soucis du quotidien. Mais il persiste chez les enfants syriens comme le feu sous la cendre. Il s’exprime ponctuellement par séquences de larmes, de crises, de violence verbale et physique, mais aussi de pensées excentriques qui s’échappent de la bouche de l’enfant, comme les cris d’une bête agitée, apeurée, réfugiée dans la candeur d’une âme saccagée (voir par ailleurs).
Si la destruction est irréversible, la thérapie sert à neutraliser les effets du traumatisme. L’art-thérapie est intéressante en ce sens qu’elle incite à l’expression, ou du moins à exprimer des bribes du vécu traumatisant.
« Donner un sens à la souffrance »
Mise en œuvre depuis 2012 au Liban par des ateliers simultanés et synchronisés d’écriture, de danse, d’arts graphiques et d’arts de la scène, par les spécialistes de médiation artistique et thérapeutique Wissam Koteit, Mira Saad, Aya Mhanna, Soraya Baghdadi, en partenariat avec l’actrice Zeina Daccache, l’art-thérapie a récemment été conduite auprès de groupes d’enfants syriens âgés de 6 à 12 ans, dans le cadre d’un programme de l’association Himaya pour la protection de l’enfance, initié par Wissam Koteit, grâce au financement de l’Unicef. « Il s’agit de les aider à représenter, à donner un sens et une consistance à ce vécu », précise Wissam Koteit, psychologue clinicien et art-thérapeute. Le travail de groupe permet de partager les émotions qui endurcissent l’enfance, mais l’art-
thérapie en soi sert d’outil pour toucher individuellement à l’émotion refoulée, difficilement cernable. Dans le geste, le dessin, le mot, la souffrance recouvre un visage. Identifiée, ressentie, conscientisée, elle devient propice au processus de guérison.
Mais il existe une différence entre le jeune étudiant ou professionnel libanais, participant à l’un des ateliers organisés à Beyrouth, qui défoule ses émotions en déformant par des taches de peinture vives le carton blanc qu’on lui a donné, avant de le piétiner, pour lui donner du sens et exprimer ce qui le traverse, et l’enfant syrien heurté trop tôt à la laideur des violences, qui prend conscience petit à petit de la possibilité d’une telle souffrance. « Déjà, dans le premier cas de figure, le participant prend part à l’atelier de plein gré, mû par une volonté de découverte de soi, tandis que les enfants syriens, sélectionnés par Himaya ou l’Unicef, se trouvent dans une espèce d’échanges qui visent à provoquer en eux une réaction de communication avec soi. »
Ce qui est intéressant à relever en outre au niveau des résultats obtenus est moins l’intensité des émotions, pouvant être la même chez un enfant de guerre que chez une personne en deuil, que « le retour actuel, chez les Syriens, vers une même problématique (la perte, la maison, l’espoir...) », ajoute-t-elle.
Si, par ailleurs, « l’art n’est pas l’art-thérapie, quand bien même il peut être thérapeutique », comme l’explique Mira Saad, art-thérapeute de formation, l’art-thérapie vise par définition à guérir. Le processus implique un suivi de la personne concernée, une écoute de ce qu’elle exprime avec facilité, indépendamment de son intensité et de ce qui la bloque. C’est pourquoi la méthode de travail, entre l’accompagnement et la liberté donnée à l’expression, ne saurait se résumer à des exercices préconçus. L’enjeu est d’ailleurs d’établir un lien entre l’intérieur et l’extérieur, d’affronter ses émotions propres à travers l’autre.
Himaya : une même lutte pour deux peuples
Une thématique récurrente d’ailleurs, mais sous une autre forme, au niveau de l’approche de l’association Himaya pour l’innocence en danger, dont les activités visent à assurer une protection globale aux enfants contre toutes les formes d’abus, c’est-à-dire physiques, psychologiques et sexuels.
Association sœur d’arcenciel (association à vocation caritative et sociale, ayant des branches sur tout le territoire), elle a pu élargir son terrain d’action pour atteindre les enfants en danger, les victimes de violence qui peinent à la comprendre, à l’exprimer et encore moins à la dénoncer. L’un des principaux défis a été de briser « le tabou de l’abus sexuel dont sont victimes les enfants », comme l’explique Sara Kilany, responsable de programme au sein d’arcenciel.
Le centre de résilience de Himaya à Damour, qui reçoit entre 20 et 40 jeunes internes, victimes d’abus, initie à surmonter la douleur, à assimiler le traumatisme subi afin de le surmonter. Comme une leçon difficile dont on ne garde qu’un souvenir de défi relevé. Une grande part du travail de Himaya est consacrée en outre à établir des liens solides entre l’enfant, les parents et les éducateurs. Cette communication est également amorcée au sein de la population de réfugiés syriens. Ainsi, un autre volet du projet de Himaya avec les réfugiés syriens est d’organiser des sessions de formation aux adultes, afin de les aider à détecter les abus physiques et sexuels subis par les enfants, mais aussi par les adultes.
Ces deux mondes qui se retrouvent par la force des choses, la société libanaise et celle des réfugiés syriens, sont ébranlés par des violences différentes, mais tout aussi sournoises. Aujourd’hui, Aya Mhanna et Mira Saad organisent deux nouveaux ateliers au siège d’arcenciel à Taanayel. Dans deux semaines, le 29 juin, elles dirigeront avec Wissam Koteit, sur l’invitation de la municipalité de Jbeil, dans le décor estival du vieux souk, des ateliers de médiation thérapeutique ouverts au grand public...
Si la destruction est irréversible, la thérapie sert à neutraliser les effets du traumatisme. L’art-thérapie est intéressante en ce sens qu’elle incite à l’expression, ou du moins à exprimer des bribes du vécu traumatisant.
« Donner un sens à la souffrance »
Mise en œuvre depuis 2012 au Liban par des ateliers simultanés et synchronisés d’écriture, de danse, d’arts graphiques et d’arts de la scène, par les spécialistes de médiation artistique et thérapeutique Wissam Koteit, Mira Saad, Aya Mhanna, Soraya Baghdadi, en partenariat avec l’actrice Zeina Daccache, l’art-thérapie a récemment été conduite auprès de groupes d’enfants syriens âgés de 6 à 12 ans, dans le cadre d’un programme de l’association Himaya pour la protection de l’enfance, initié par Wissam Koteit, grâce au financement de l’Unicef. « Il s’agit de les aider à représenter, à donner un sens et une consistance à ce vécu », précise Wissam Koteit, psychologue clinicien et art-thérapeute. Le travail de groupe permet de partager les émotions qui endurcissent l’enfance, mais l’art-
thérapie en soi sert d’outil pour toucher individuellement à l’émotion refoulée, difficilement cernable. Dans le geste, le dessin, le mot, la souffrance recouvre un visage. Identifiée, ressentie, conscientisée, elle devient propice au processus de guérison.
Mais il existe une différence entre le jeune étudiant ou professionnel libanais, participant à l’un des ateliers organisés à Beyrouth, qui défoule ses émotions en déformant par des taches de peinture vives le carton blanc qu’on lui a donné, avant de le piétiner, pour lui donner du sens et exprimer ce qui le traverse, et l’enfant syrien heurté trop tôt à la laideur des violences, qui prend conscience petit à petit de la possibilité d’une telle souffrance. « Déjà, dans le premier cas de figure, le participant prend part à l’atelier de plein gré, mû par une volonté de découverte de soi, tandis que les enfants syriens, sélectionnés par Himaya ou l’Unicef, se trouvent dans une espèce d’échanges qui visent à provoquer en eux une réaction de communication avec soi. »
Ce qui est intéressant à relever en outre au niveau des résultats obtenus est moins l’intensité des émotions, pouvant être la même chez un enfant de guerre que chez une personne en deuil, que « le retour actuel, chez les Syriens, vers une même problématique (la perte, la maison, l’espoir...) », ajoute-t-elle.
Si, par ailleurs, « l’art n’est pas l’art-thérapie, quand bien même il peut être thérapeutique », comme l’explique Mira Saad, art-thérapeute de formation, l’art-thérapie vise par définition à guérir. Le processus implique un suivi de la personne concernée, une écoute de ce qu’elle exprime avec facilité, indépendamment de son intensité et de ce qui la bloque. C’est pourquoi la méthode de travail, entre l’accompagnement et la liberté donnée à l’expression, ne saurait se résumer à des exercices préconçus. L’enjeu est d’ailleurs d’établir un lien entre l’intérieur et l’extérieur, d’affronter ses émotions propres à travers l’autre.
Himaya : une même lutte pour deux peuples
Une thématique récurrente d’ailleurs, mais sous une autre forme, au niveau de l’approche de l’association Himaya pour l’innocence en danger, dont les activités visent à assurer une protection globale aux enfants contre toutes les formes d’abus, c’est-à-dire physiques, psychologiques et sexuels.
Association sœur d’arcenciel (association à vocation caritative et sociale, ayant des branches sur tout le territoire), elle a pu élargir son terrain d’action pour atteindre les enfants en danger, les victimes de violence qui peinent à la comprendre, à l’exprimer et encore moins à la dénoncer. L’un des principaux défis a été de briser « le tabou de l’abus sexuel dont sont victimes les enfants », comme l’explique Sara Kilany, responsable de programme au sein d’arcenciel.
Le centre de résilience de Himaya à Damour, qui reçoit entre 20 et 40 jeunes internes, victimes d’abus, initie à surmonter la douleur, à assimiler le traumatisme subi afin de le surmonter. Comme une leçon difficile dont on ne garde qu’un souvenir de défi relevé. Une grande part du travail de Himaya est consacrée en outre à établir des liens solides entre l’enfant, les parents et les éducateurs. Cette communication est également amorcée au sein de la population de réfugiés syriens. Ainsi, un autre volet du projet de Himaya avec les réfugiés syriens est d’organiser des sessions de formation aux adultes, afin de les aider à détecter les abus physiques et sexuels subis par les enfants, mais aussi par les adultes.
Ces deux mondes qui se retrouvent par la force des choses, la société libanaise et celle des réfugiés syriens, sont ébranlés par des violences différentes, mais tout aussi sournoises. Aujourd’hui, Aya Mhanna et Mira Saad organisent deux nouveaux ateliers au siège d’arcenciel à Taanayel. Dans deux semaines, le 29 juin, elles dirigeront avec Wissam Koteit, sur l’invitation de la municipalité de Jbeil, dans le décor estival du vieux souk, des ateliers de médiation thérapeutique ouverts au grand public...
Épuisés par la misère, les enfants de réfugiés syriens au Liban sont rongés par le traumatisme de la guerre. Le massacre de leur famille sous leurs yeux, la fuite effrénée de Syrie, la frayeur d’être capturés, écartelés ou égorgés, comme l’ont été plusieurs de leurs frères, sœurs ou parents, même violés parfois sous leurs yeux – témoignages à l’appui. Ce traumatisme,...
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