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Économie - Analyse

Quand la finance gazouille sur Twitter

Les réseaux sociaux apparaissent de plus en plus comme des outils plus complémentaires que concurrents des médias traditionnels.

« Twitter est une immense éponge, qui capte tout ce qui se dit. » Photo AFP

Vendredi 13 janvier 2012, il est un peu plus de 22h30 à Paris lorsque la France perd officiellement son triple A après la décision de l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) d’abaisser d’un cran la note de crédit du pays. Cette nouvelle n’en est toutefois pas une pour les habitués des réseaux sociaux, en particulier de Twitter où la rumeur a commencé à circuler dès le début de l’après-midi.
Cet épisode n’a rien d’anecdotique pour le microcosme financier. Il a suffisamment marqué les investisseurs, dubitatifs jusqu’alors sur l’utilité des réseaux sociaux comme source d’information, pour les convertir à leur utilisation au même titre que d’autres outils nés avec Internet : sites forums et blogs spécialisés (Zero Hedge, Boursier.com ou Boursorama).
Si la palette des réseaux sociaux est très large avec aussi bien Twitter, son équivalent spécialisé sur les marchés financiers américains StockTwits ou encore Facebook, le réseau représenté par un oiseau bleu est toutefois le plus prisé, celui-ci étant jugé plus accessible et ressemblant à un fil d’informations d’agences telles que Reuters (groupe Thomson Reuters) ou Bloomberg.
« Twitter est devenu un outil très performant. C’est surtout très utile pour avoir les rumeurs de marché, auxquelles on ne pouvait avoir accès jusqu’ici qu’à travers les tchats Bloomberg ou Reuters », commente Nicolas Chéron, analyste chez FXCM, très actifs sur ce réseau social.

« Une immense éponge »
Ce dernier prévient en revanche qu’au-delà de 200 personnes suivies, il est difficile de ne pas être noyé sous l’information. Il n’est en effet pas rare, y compris de la part de gens dits « sérieux », d’avoir des commentaires sur leur déjeuner ou le temps qu’il fait à l’extérieur.
« Twitter est une immense éponge, qui capte tout ce qui se dit », résume Pierre-Antoine Dusoulier, président de Saxo Banque France.
Au début des années 2000, les fonds américains comme celui de George Soros payaient très cher des agences de communications européennes pour savoir ce qui se passait en Europe et connaître le sentiment des habitants et des investisseurs dans un pays, rappelle Pierre-Antoine Dusoulier, soulignant que Twitter permet de faire la même chose en temps réel aujourd’hui.
Pour cette raison et compte tenu de l’engouement pour les réseaux sociaux, des sociétés comme Saxo Banque ont développé un indice mesurant le sentiment des investisseurs à l’aide d’algorithmes recueillant et interprétant les « tweets » – messages ou gazouillis envoyés via Twitter.
Précurseur en la matière, le courtier en ligne DCM Capital a créé un tel indice à la suite d’une étude publiée en 2010 intitulée « Twitter mood predicts the stock market ».
Selon cette étude rédigée par Johan Bollen et Huina Mao, chercheurs à l’université de l’Indiana, la précision des prédictions de Twitter sur l’évolution quotidienne de l’indice Dow Jones s’élève à 87,6 %.

« Un indicateur avancé des mouvements de marché »
« Le sentiment de marché dérivé des données de Twitter est un indicateur avancé des mouvements du prix des actifs. Si le sentiment baisse soudainement, nous avons tendance à observer une chute des cours quelques jours après et vice versa », explique Paul Hawtin, directeur général de DCM Capital.
« Twitter constitue une source d’informations très précieuse pour les investisseurs. (...) Mais je pense que Bloomberg et Reuters restent des sources d’informations très importantes et je ne voudrais pas investir sur le marché en me reposant uniquement sur les données de Twitter », nuance-t-il cependant.
Les réseaux sociaux apparaissent donc plus complémentaires que concurrents des sources d’informations plus traditionnelles, celles-ci permettant de rassurer des investisseurs très sensibles à la sécurité en vérifiant des commentaires ou des rumeurs.
« Il y a beaucoup de faux comptes (et) il est très facile de se faire pirater son propre compte Twitter, ce qui nécessite une extrême prudence dans l’utilisation de Twitter. Pour toutes ces raisons, on continue d’avoir besoin d’un environnement sérieux », explique Pierre-Antoine Dusoulier.
Autre grief des investisseurs, les réseaux sociaux ne sont pas en mesure d’être régulièrement en avance sur les agences spécialisées ou à répondre à la diversité des profils financiers et donc de leurs besoins en matière d’information.

Remise en cause des médias traditionnels
Au quotidien, les gérants de fonds utilisent d’ailleurs assez peu Twitter en raison de son côté chronophage, pour lire les informations et pour trouver les bonnes personnes « à suivre », une phase de test de trois à six mois étant en général nécessaire sur ce dernier point.
« Sur Bloomberg ou Reuters, l’information est stockée alors que la recherche sur Twitter est très compliquée. Si l’on n’est pas au courant d’une information, on ne la retrouve pas. Twitter va faire bouger les choses pendant deux heures avec une news et si l’on est absent à ce moment-là, on va rater l’information en question », note Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis AM.
Pour ce dernier et d’autres analystes, les réseaux sociaux sont avant tout intéressants dans leur capacité analytique, Twitter permettant d’éclairer et d’interpréter, à travers les réactions et commentaires postés, l’information distillée par les agences de presse ou les journaux.
Les réseaux sociaux ont cependant remis en cause l’ancien modèle des médias traditionnels, incitant ces derniers à réagir et à s’adapter à un public plus jeune, habitué à Internet et à des plates-formes plus réactives.
D’un modèle très fermé, jugé parfois désuet, les agences spécialisées évoluent vers des plates-formes plus adaptées permettant à leurs utilisateurs et clients de commenter l’actualité ou offrant des services formatés comme Twitter intégrant par exemple... les rumeurs de marché.
(Source : Reuters)
Vendredi 13 janvier 2012, il est un peu plus de 22h30 à Paris lorsque la France perd officiellement son triple A après la décision de l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) d’abaisser d’un cran la note de crédit du pays. Cette nouvelle n’en est toutefois pas une pour les habitués des réseaux sociaux, en particulier de Twitter où la rumeur a commencé à circuler...

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