L’Icehotel doit ouvrir ses portes le 7 décembre et le temps presse. C’est une course contre la montre, explique une des responsables de l’établissement, Beatrice Karlsson. « Nous sommes complètement dépendants de la météo, nous avons un calendrier à respecter, mais il varie selon les années », dit-elle. Car après le gros œuvre il faut lancer la décoration et l’ameublement, spectaculaire, tout de glace et de jeux de lumières : lustres en glaçons, sculptures, bas-reliefs, sièges et lits taillés dans la glace. Un budget de cinq millions de couronnes (quelque 579000 euros) est dévolu à la décoration.
Les suites, au nombre de seize, sont chacune une œuvre d’art unique créée par des artistes venus des quatre coins de la planète, sélectionnés sur concours parmi une centaine de candidats. Fin novembre, la cuvée 2012/2013 de ces œuvres éphémères demeurait toujours un secret bien gardé par la direction de l’hôtel. Seule indiscrétion : des Français, des Argentins et des Américains sont parmi les créateurs retenus. Dans le passé, certains ont transformé la suite en intérieur de frigo, ou l’ont ornée de bouddhas ou cariatides de glace, créant un cadre insolite et irréel... L’hôtel compte aussi 49 chambres standards plus sobres. En guise de lit, des blocs de glace sont recouverts de peaux de rennes. Un sac de couchage est fourni par la réception aux clients, qui reçoivent une attestation prouvant qu’ils ont survécu à une nuit à -7 degrés. Les températures peuvent descendre jusqu’à moins quarante dehors, mais jamais sous -8 à l’intérieur, la glace isolant.
Spécialiste de l’architecture nordique, Rasmus Waern relève la singularité de ce type de construction en Suède. Pour lui, « c’est complètement original. Il n’y a aucune tradition en Scandinavie de construire avec de la glace ». Mais cela devient presque une tradition puisque chaque année depuis 23 ans, le même chantier apparaît puis disparaît au rythme des saisons sur les rives du fleuve Torne. « En mars, 5 000 tonnes de glace sont extraites du fleuve, puis conservées par blocs de deux tonnes dans deux entrepôts à une température comprise en -8 et -5 degrés Celsius », explique Jens Thoms Ivarsson, en charge de la décoration. À l’automne, quand les premiers grands froids polaires s’abattent sur l’extrême-Nord suédois, la construction démarre. « Ça se fait par étapes, et tout doit être prêt lorsque l’hôtel ouvre » début décembre, précise Beatrice Karlsson. Mais cinq mois plus tard, avec l’arrivée du printemps, quand les journées rallongent jusqu’au soleil de minuit, le bel édifice est emporté par la débâcle. « Nous rendons au Torne ce que nous lui avons emprunté », dit M. Thoms Ivarsson avec une pointe de reconnaissance pour ce fleuve sans lequel l’Icehotel n’existerait pas.
Inclassable, cet hôtel, aujourd’hui imité dans d’autres pays, n’a évidemment aucune étoile. Le prix d’une nuit varie entre 2 200 et 7 000 couronnes (entre 255 et 810 euros). Il compte aussi sur d’autres ressources pour financer cette incroyable entreprise, dont la direction ne souhaite pas communiquer le coût : les visiteurs qui débarquent par cars entiers et paient un droit d’entrée de 325 couronnes (38 euros), les mariages et baptêmes dans la chapelle de glace, et le bar... avec glaçons à gogo garantis dans des verres taillés dans la glace.
(Source : AFP)