Demain, le roi Momo – avec ses 160 kilos – recevra la clé symbolique de la « ville merveilleuse » des mains du maire de Rio pour son règne de cinq jours de fête. Il s’y est préparé en suivant un régime strict, en faisant du vélo d’exercice et par des massages. Après une semaine de défilés de rue, dits « blocos », qui entraînent des centaines de milliers de fêtards dans toute la ville, l’apothéose, sont les luxueux défilés des treize meilleures écoles de samba sur le Sambodrome. Elles se disputent, dans les nuits de dimanche et lundi, le titre de « championne du carnaval », une compétition suivie avec la même ardeur que les grands matchs de football. « Nous rêvons toute l’année de gagner. Un défilé doit avoir des costumes, de la musique, de la joie, mais ce qui ne doit manquer à aucun prix, c’est l’émotion. Il faut que le public ait la chair de poule quand il voit passer un char. C’est ce qui fait d’une école la championne », a déclaré André Cerazi, le « carnavalesco » (directeur artistique) de Beija-Flor, championne du carnaval en 2011.
Les défilés se déroulent devant un public privilégié de 72 500 personnes sur le Sambodrome, au centre-ville, qui vient d’être rénové et agrandi pour retrouver le projet original réalisé il y a 30 ans par l’architecte Oscar Niemeyer (104 ans).
Mais que représente le carnaval pour un carioca ? « Le carnaval permet aux gens de se travestir. L’homme s’habille en femme, la femme en homme, le pauvre en riche », explique Alex de Souza, carnavalesco de l’école de samba Uniao da Ilha, tandis qu’il supervise les derniers préparatifs dans les ateliers de la Cité de la samba. « Pendant le carnaval, la folie commence, mais c’est une bonne folie où on abandonne tristesse et problèmes », dit Flavio Rocha, un avocat âgé de 49 ans dont la passion est de confectionner et revêtir de luxueux costumes. Cette année, il se transformera en oiseau argenté en haut d’un char.
Chaque école dépense de deux à cinq millions de dollars pour son défilé, financé en grande partie par les mafieux des jeux clandestins. Mais de plus en plus d’entreprises brésiliennes et étrangères investissent dans le carnaval, retransmis par les télévisions du monde entier. En 2008, en vue de la Coupe du monde de football de 2014 et des Jeux olympiques de 2016, les autorités de Rio ont entrepris de rétablir la sécurité dans la ville et repris le contrôle de nombreuses favelas dominées par les trafiquants de drogue. Samedi dernier, des centaines d’habitants de la favela do Tuiuti, « pacifiée » depuis novembre, ont défilé pour la première fois avec la police, après des décennies d’hostilités mutuelles, dans les ruelles de cette communauté contrôlée encore récemment par les mafieux de la drogue.
À Salvador de Bahia (Nord-Est), la troisième ville du pays, le carnaval aura finalement bien lieu après une grève de douze jours de la police qui a déclenché une vague de violences ayant fait 176 morts, plus du double de la moyenne habituelle.
(Source : AFP)