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Liban

Le cri du cœur et des tripes de Marie Seurat

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde intitulée « Honte aux chrétiens syriens! », Marie Maamarbachi-Seurat, écrivaine, veuve de Michel Seurat assassiné en 1986 par le Hezbollah, s’indigne (fortement) et raconte...
« Le 22 août, je me rends à Damas pour retrouver Michel Kilo, l’opposant effronté à la langue bien pendue, râpeuse comme du papier de verre. Il avait, en 2000, avec quelques autres, saisi l’occasion du parachutage de Bachar el-Assad, de son inexpérience du pouvoir pour lui forcer la main, lui tordre le bras même, pour le contraindre à entamer les réformes que les Syriens attendaient depuis longtemps. Nous connaissons la fin de l’histoire. Cette année-là, le printemps de Damas sera mort-né. Michel finit pour la deuxième ou la troisième fois, je ne sais plus, dans un cachot de la banlieue de Damas. “Ahlan, ahlan... sitt Mary.” La voix dense de Michel. Il apparaît derrière elle, grand et droit, à l’image de ceux qui sortent victorieux des pires sévices. Ceux qu’on n’a pas réussi à broyer. Malgré des yeux assombris par la gravité de la situation, son regard est encore plus vif que dans mon souvenir. “Alors... Tu viens prendre le pouls du pays ?” me demande-t-il. “Oui, on peut dire ça comme ça.” “On va les dégager.” “Combien de temps ça prendra, tu crois ?”. Il lève les yeux au ciel. Nous évoquons Aboul’Miche (Michel Seurat, mon mari, mort dans les geôles du Hezbollah), ses interminables questions sur le régime de Hafez el-Assad et l’acharnement avec lequel il rédigeait De la tyrannie aujourd’hui... Nous énumérons aussi les atrocités commises durant les dernières quarante-huit heures.
« Puis j’attaque. Des chrétiens viennent d’inaugurer deux boîtes de nuit à Alep. J’ai honte pour eux. Ce ne sont pas des chrétiens. Je ne sais plus ce qu’ils sont, ce qu’ils font. “Ils dansent”, me dit Michel, et l’odeur de la mort se répand jusqu’aux maisons de ceux qui pleurent leurs martyrs. « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux. Que font-ils de ces paroles de Jésus rapportées par Matthieu ? Aucun diocèse, évêché, archevêché ou patriarcat ne s’est exprimé sur les exactions. « Je n’irai pas jusqu’à suggérer à tous ces ministres du culte de monter au sommet des clochers pour clamer leur désapprobation ou de faire sonner le tocsin face à l’interminable succession des cercueils de ceux qui sont tombés pour avoir réclamé la liberté.
Que sommes-nous devenus? Des moutons attrapés au lasso, isolés dans l’enclos d’églises qui nous séparent de ceux avec qui nous avons toujours vécu. Depuis quarante ans, qu’ont-elles fait d’autre que de nous assujettir ? Nous sommes devenus les serfs de ceux qui, pour régner, ordonnent “Shoot to kill”.
 « Dieu merci, certains jeunes s’en affranchissent pour rejoindre la multiconfessionnelle et œcuménique Église du Net. Hier encore, Myriam H. placardait sur les murs de son quartier un appel aux chrétiens de la porte Saint-Thomas à rejoindre la manifestation du vendredi prévue dans le quartier musulman de Midane. La jeune femme n’a pas reparu depuis.
« Deux patriarches se sont exprimés sur les exactions subies par les Syriens. Le premier essaie de ménager la chèvre et le chou en demandant au président “de ne plus rester sourd (et muet ? ) face aux souffrances de son peuple”. Il lui propose même de travailler, main dans la main, pour appliquer les réformes déjà entamées, tout en incriminant l’ingérence des Arabes et des Occidentaux, ingérence qui, pour le peuple syrien, tarde à venir. Voilà pour le grec- catholique, Sa Béatitude Grégoire III Laham, patriarche non seulement d’Antioche et de tout l’Orient, mais aussi d’Alexandrie et de Jérusalem.
« Quant au maronite, j’en reste bouche bée. C’est ainsi qu’il s’exprimait à Paris à propos de Bachar el-Assad : “Le pauvre, lui, il ne peut pas faire de miracles.” La multiplication des morts me fait penser à une autre multiplication, celle du pain. Son Éminence donne une leçon d’Orient aux prélats de France en leur précisant que, “en Orient, les problèmes de l’Orient doivent être résolus avec la mentalité de l’Orient”.
Mais quelle est donc cette mentalité de l’Orient, Votre Éminence ? Celle des despotes, décrite dans les récits des voyageurs où le grand vizir se délecte devant le supplice de l’empalement ou de l’écorchement, châtiments, paraît-il, typiquement orientaux. Je crains aussi que le patriarche maronite pense tout bas ce que j’ai déjà souvent entendu tout haut au sujet des musulmans. “Ils ne sont pas capables de démocratie.”“Des animaux, il n’y a que la force pour les administrer.”
« Que le patriarche maronite cesse de se comporter comme un greffon qui peine à prendre et qu’il cesse de faire semblant de croire que son salut est lié aux alliances sur des sables mouvants. L’histoire suivra son cours qu’on le veuille ou pas, et nous passerons peut-être au travers du tamis. « Nous assistons sans doute, en temps réel, à notre dislocation. Mais, de grâce, Ô Eminences, du moins celles d’entre vous qui ne se sont pas encore exprimées – grecs et arméniens orthodoxes, arméniens catholiques, syriaques et jacobites, chaldéens et autres – taisez-vous ! Épargnez à notre peine la honte d’une alliance avec les assassins. »
Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde intitulée « Honte aux chrétiens syriens! », Marie Maamarbachi-Seurat, écrivaine, veuve de Michel Seurat assassiné en 1986 par le Hezbollah, s’indigne (fortement) et raconte...« Le 22 août, je me rends à Damas pour retrouver Michel Kilo, l’opposant effronté à la langue bien pendue, râpeuse comme du papier de verre. Il avait, en...
commentaires (1)

Brillant. J'étais un ami de Michel Seurat. Jusqu'aujourd'hui, je reste révolté par la raison pour laquelle Michel a été assassiné par le hezb. A la demande des syriens qui ont décidé son élimination après la publication de son livre au CERMOC justement sur le régime de terreur en Syrie. Et c'était déjà à cette époque le rôle du Hezbollah de faire le sale boulot. Vive la république du Hezbollah.

Saleh Issal

15 h 49, le 19 septembre 2011

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Commentaires (1)

  • Brillant. J'étais un ami de Michel Seurat. Jusqu'aujourd'hui, je reste révolté par la raison pour laquelle Michel a été assassiné par le hezb. A la demande des syriens qui ont décidé son élimination après la publication de son livre au CERMOC justement sur le régime de terreur en Syrie. Et c'était déjà à cette époque le rôle du Hezbollah de faire le sale boulot. Vive la république du Hezbollah.

    Saleh Issal

    15 h 49, le 19 septembre 2011

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