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Liban - Un été à Beyrouth

TiTics, tocs – et ma bière à Tyr

Le 15 août est le point d’inflexion de la traversée de l’été. La nuit des perséides est passée : celle où, couchés sur la terrasse de l’immeuble, les enfants ne veulent pas aller au lit avant d’avoir vu, tous et chacun, son étoile filante. On se moque de pointer du doigt les comètes. Ramadan traîne en longueur. La vie s’anime sur les places de villages au détriment de la place du centre-ville, en attendant la nouvelle lune.
Les expatriés prennent leurs derniers mezzés et font à rebours toutes les visites de wejbets qu’ils avaient accomplies à leur arrivée. Les familles sont soulagées de les voir repartir avant qu’une énième guerre israélienne n’effraie les brus étrangères. Y a-t-il eu moins de visiteurs que prévu ? Peur d’une fermeture de l’aéroport alors que la traversée par la Syrie pose problème. Et quel problème !
Une dernière virée à Tyr, sur la plage publique, pour se saouler d’horizon et se baigner dans l’eau la plus propre du pays. Une virée au Sud pour constater, une bière à la main, que Tyr est bien plus tolérante que Saïda (un dernier discours du sayyed pour constater que son public féminin est bien plus avenant, bien plus riant que son public masculin. Un dernier discours pour l’entendre dire son refus d’accountability).
Y a-t-il encore des familles qui, dans leur bourg de montagne, préparent les provisions pour l’hiver ?
Il reste un petit mois, jusqu’au 14 septembre, pour arracher aux tomates leur rebb, épépiner le sumac, griller les graines de sésame et mélanger le zaatar maison. Bourgoul, pois chiches et haricots pullulent davantage sur les étagères des supermarchés que dans les grands sacs en lin qui remplissaient naguère les greniers. Et que celles qui ont encore des bocaux de compotes de fruits et de confitures, fièrement alignés dans leur cuisine, lèvent la main. Quid de la provision de labné de chèvre : entre Ambariss et Darfiyyé, qui sera assez courageux pour braver leur fièvre de Malte ?
À part quelques grains de sable nichés entre leurs orteils et quelques sacs de pain libanais, qu’emporteront les vacanciers dans leurs valises ? Un sempiternel bain familial, rempli de tics et d’habitudes obsolètes qui leur manquent tant durant l’année et qui les exaspèrent aussitôt qu’ils y sont plongés. Seront-ils aussi heureux de repartir qu’ils l’étaient en atterrissant ? L’anarchie de nos vies les confortera-t-elle dans leur décision de repartir ? De vivre ailleurs ? D’essayer de se faire une vie, plus loin ? Depuis la guerre, tous les Libanais vivent le cul entre deux chaises, deux insatisfactions, deux incomplétudes. Que de grands-mères frustrées de ne pouvoir dire, à l’année : « To’borné téta ! »
Est-ce mieux ailleurs ?
À voir les nouvelles de Norvège et les larmes du Premier ministre Jens Stoltenberg serrant dans ses bras les rescapés d’Utoeya après la tuerie de Breivik, on pense aux larmes de Fouad Siniora, atterré par la barbarie israélienne en 2006.
On a, sous tous les cieux, les misères qu’on peut.
Le 15 août est le point d’inflexion de la traversée de l’été. La nuit des perséides est passée : celle où, couchés sur la terrasse de l’immeuble, les enfants ne veulent pas aller au lit avant d’avoir vu, tous et chacun, son étoile filante. On se moque de pointer du doigt les comètes. Ramadan traîne en longueur. La vie s’anime sur les places de villages au...

commentaires (7)

Joli petit mot. Classe, émouvant tout en évitant de tomber dans le mélodrame. A la prochaine!

Nicolas Rubeiz

15 h 02, le 19 août 2011

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Commentaires (7)

  • Joli petit mot. Classe, émouvant tout en évitant de tomber dans le mélodrame. A la prochaine!

    Nicolas Rubeiz

    15 h 02, le 19 août 2011

  • Un article plein de poesie qui m'a fait monter les larmes aux yeux! BRAVO!!! C'est fou comme on peut oublier les choses toutes simples dont nous sommes tous fiers et qui nous unissent tous en tant que Libanais!

    Margot EL KHOURY

    07 h 09, le 19 août 2011

  • Si Beyrouth est sitt ed Dunia comme l'avait écrit Nizar Kabbani, Carla Yared est sitt Beyrouth.

    alain chémali

    03 h 55, le 19 août 2011

  • - - Et je dirai même plus cher Bruno ; Exceptionnellement SPLENDIDE ce témoignage de Carla Yared sur Tyr la martyre , Tyr l'incomprise , Tyr la non soumise , Tyr la mal jugée , Tyr la tolérante , Tyr de la bible , de nos illustres ancêtres , Sour comme diraient certains avec sa citadelle et son histoire millénaire ,,, Visiter Tyr et profiter de ses plages et de l'eau pure la plus propre du pays avec une ( BIERE ) a la main SVP , montre que Tyr est plus tolérante que Saida , et c'est ça le message qu'à voulue passer l'excellente Carla Yared , qui met fin aux fausses rumeurs propagées ici et la de temps en temps , a propos de certaines restrictions et interdictions qui ne sont que fausses rumeurs ... A votre santé messieurs et tout ceci , en plein Ramadan SVP .

    JABBOUR André

    03 h 48, le 19 août 2011

  • n’effraie les brus étrangères.....les brus typiquement quebecois comme mot

    georges abou antoun

    21 h 25, le 18 août 2011

  • S-P-L-E-N-D-I-D-E! Merci!

    Bruno Tabbal

    20 h 24, le 18 août 2011

  • Le Liban d’ici et d’ailleurs. A Ottawa on me dit : On a peine à croire que tu es Nord- et Sud-Américain. . Si ce n’est l’octroi par sa gracieuse majesté la citoyenneté du Québec pour service rendu, (après avoir refusé celle du Royaume-Uni), je me serais contenté de celle du Brésil. En fait c’est ma mère qui ne cessait de nous parler des plantes du Liban qui l’ont finalement décidée à rentrer au pays, ça fait de nombreuses années de cela. Plantes et provisions sensibles aussi au cœur de la chère Carla. Son témoignage de sa visite à Tyr m’a incité à y aller aussi prendre la bière de la tolérance une fois de retour bientôt, au mois durant lequel dans les bourgs de montagne on prépare savamment les provisions pour l’hiver.

    Samir EL KHOURY

    19 h 27, le 18 août 2011

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