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Culture - Solidarité

Partager la douleur du Japon au son du sakuhachi

Hier encore, le nord-est du Japon a tremblé... Tandis qu'à Beyrouth, au Musée Robert Moawad, à Zokak el-Blatt, une foule d'amis, au son d'un sakuhachi (flûte en bambou), était venue partager le deuil et la douleur des habitants du pays du Soleil-Levant. Et saluer leur courage et leur dignité dans l'adversité et la détresse.

Au son de la flûte en bambou (sakuhachi) de Kamal Hélou défilent les images du drame.  (Ibrahim Tawil)

À peine un mois que le Japon, encore en état de choc du séisme de Tohoku, tente de reprendre vie. Et de voir clair dans une région sinistrée, transformée, à travers boue et destruction massive, en une lamentable décharge publique.
Du 11 mars au 11 avril 2011, 27493 morts et disparus et plus de 150000 personnes évacuées. Incompréhensible acharnement de la nature quand on sait ce pays, troisième puissance économique mondiale, réputé pour ses érables et ses cerisiers en fleurs, à la pointe de la modernité, de l'hygiène et de la propreté de l'environnement. Une fois de plus, le Japon est exposé à une meurtrière secousse tellurique.
Debout, graves et silencieux, éclairés par un collier de bougies allumées, parsemées dans toutes les salles et entrées, les amis du Japon se sont réunis sous les boiseries finement ciselées et les marbres travaillés du Musée Moawad pour une minute de silence. Minute solennelle où les regards étaient rivés au sol. Ou dans un état contemplatif tournés vers Dieu.
Requiem d'espoir de Beyrouth quand l'invitation était libellée, en toute simplicité et toute humilité: «Priez pour le Japon.»
Des images du désastre ont été projetées sur un écran. Une flûte en bambou (sakuhachi) pour les accompagner de ses accents plaintifs, rauques, qui pénètrent le cœur comme le vent du Nord. Pour ces sons insulaires, pour ces mélodies mélancoliques ou chargées d'espoir, le talent de Kamal Hélou, maître karaté, en habit noir traditionnel nippon.
Et se sont succédé ces images insoutenables, plus que surréalistes ou apocalyptiques dans la folie d'une nature dérangée, régie par des humeurs massacrantes. Un chapelet d'images décousues et émouvantes : une voiture sur un toit d'immeuble dont plus rien ne subsiste, la défonce des vagues noires et aveugles d'un tsunami ravageur, la douleur d'un enfant qui s'agrippe à un ours en peluche, un vieillard qui n'arrive plus à avaler sa soupe de détresse ou de froid.
Des gravats, des montagnes de gravats, comme si la vie est à jamais balayée. Débâcle monstrueuse, fouillage pathétique dans une bouillie innommable, regards hagards et consternés, sacs en plastique remplis du dérisoire à sauver... Une vieille à califourchon sur le dos d'un policier pour un passage, comme la traversée de l'enfer de Dante, que la mémoire n'oubliera sans doute jamais. Une mer de cercueils blancs que les pelles tentent de recouvrir de terre. Des enfants enveloppés de nylon, au lieu d'une couverture en laine, car le froid a la morsure acide. Des maisons défoncées, ou ce qu'il en reste. Des routes fendillées quand elles ne sont pas d'effroyables béances.
Mais aussi, imprévisible, radieux, éblouissant, le sourire d'un enfant pour qui l'aire de jeu s'est indéfiniment agrandie.
Des enfants, étonnamment heureux, car inconscients d'un monde qui a chaviré, qui partagent joyeusement une tambouille de fortune. Un arbre au feuillage encore protégé, qui fait silencieusement ses adieux au crépuscule. Des cerfs-volants colorés en attente de caracoler dans l'azur, des fenêtres sans maisons, des rails qui n'ont plus de trains.
Et toujours ces merveilleuses endurance et dignité japonaises où la solidarité humaine et le sens de la reconstruction sont des chaînes indestructibles, comme de passerelles pour un espoir jamais abattu. Tout en reprenant, en toute opportunité, un mot du recueil de poésie Visage premier d'André Chédid: «Sous sa gangue d'argile, la vie toujours s'explore et se retaille vie.»
Les images ont fini de défiler sur l'écran et la flûte s'est tue.
Les amis sont toujours là. Toujours debout, graves, silencieux. Si ce n'est davantage qu'au début de cette invitation au recueillement et à la prière.
La chaleur et la fraternité humaines sont là. À travers donations (à la Croix-Rouge japonaise) et des oiseaux en papier faits main comme des symboles d'amitié et de solidarité. Et cette présence discrète et attentionnée. Et les bougies, à la lueur vacillante, accompagnent jusqu'aux dernières marches des escaliers et aux jardins les visiteurs, amis de ce pays lointain mais si proche du cœur.
À peine un mois que le Japon, encore en état de choc du séisme de Tohoku, tente de reprendre vie. Et de voir clair dans une région sinistrée, transformée, à travers boue et destruction massive, en une lamentable décharge publique. Du 11 mars au 11 avril 2011, 27493 morts et disparus et plus de 150000 personnes évacuées. Incompréhensible acharnement de la nature quand on sait...

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