Cette sortie, Nando Rollando, guide italien chargé par la Fondation Aga Khan (AKF) de dispenser les premières leçons de ski de l'histoire de la région, l'appréhendait. Il n'avait eu aucune difficulté à trouver une douzaine d'élèves chez les garçons du cru. Mais quand, avec la mission locale de l'ONU, il a avancé l'idée de faire une leçon spéciale pour les femmes, il a senti des réticences. Y compris chez certains de ses collègues : « L'un d'eux m'a dit qu'il y enverrait son fils skier, mais pas sa fille. Cela m'a refroidi. » L'un de ses meilleurs élèves, Saïd Shah, 13 ans, vient de Khoshkak, où il guette lui aussi les skieuses ce jour-là. Il porte ses lunettes de soleil fétiches, copie de grande marque qu'il arbore également sur les pistes. Mais les femmes, « si elles veulent skier, elles devraient mettre la burqa, ou au moins se couvrir le visage », juge-t-il.
Dans les campagnes de cette province réputée parmi les moins conservatrices, plus de la moitié des femmes portent la burqa, selon un cadre local de l'ONU. Mais dans la capitale de la province, Bamiyan, on n'en compterait guère plus de 20%. Les apprenties skieuses sont, à l'échelle afghane, l'antithèse des « ombres bleues » paysannes. Âgées de 20 à 30 ans, étudiantes ou employées en ville, « elles viennent de familles progressistes », selon l'AKF. Malgré leurs appréhensions, elles n'ont pas grand-chose à craindre de leur première piste, à peine inclinée. Parfois tractées du bout des skis par Nando, elles crient, soufflent, tombent en riant entre elles. « C'est la première fois que je fais une chose pour moi-même ! », confie l'une d'elles aux organisateurs. Une autre les remercie : « Vous m'avez donné l'occasion de mieux me connaître. » Zahra, 28 ans, a le dos supplicié par les chutes. Mais cette employée de l'ONU à Bamiyan a aimé le ski, « très excitant ». La timide Naz Dana, lycéenne de 16 ans, jolis yeux en amande sous son foulard jaune d'or, a comme d'autres entendu les « mauvais commentaires » de certains hommes « et aussi de femmes » à propos des skieuses. Mais elle ne se démonte pas. La burqa ? « C'est impossible de voir la piste avec », constate-t-elle. Mais elle est surtout superflue, car le ski peut être « compatible avec l'islam » sans cet artifice. Sur les hauteurs de Bamiyan, Saïd Nasrullah Waezi, jeune mollah de 36 ans, ne la dément pas : « Si la femme est correctement couverte des orteils à la tête, avec un foulard, elle n'a pas besoin de burqa. » Il préconise par ailleurs « que le moniteur soit une femme », sinon « un homme qui sait garder ses distances ».
Une synthèse que le volley-ball, sport le plus prisé des jeunes filles de Bamiyan, n'a pas encore réussi à composer : faute de gymnase fermé, à l'abri des regards masculins, la ville ne compte toujours pas d'équipe.
©AFP
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