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Diaspora

Une Libanaise à la tête du Conseil de surveillance de Harvard

C'est une première dans l'histoire de la prestigieuse Harvard University. La Libanaise Leïla (Tarazi) Fawaz, qui s'est taillée une solide réputation dans le monde universitaire fermé de Harvard, vient d'être élue présidente du Conseil de surveillance de la gouvernance de Harvard (Board of Overseers).

Leïla Fawaz et Robert Shapiro, présidente et vice-président du Conseil de surveillance de Harvard.

Leïla Fawaz sera présidente du Conseil de surveillance pour l'année 2011-2012. Robert N. Shapiro, ancien président de la Harvard Alumni Association et de la Harvard Law School Association, deviendra vice-président. Les deux assumeront leurs fonctions en mai après la remise des diplômes. C'est la plus haute distinction des organismes directeurs de cette université.
Leïla Fawaz compte plus d'une corde à son arc : elle est directrice du Fares Center for Eastern Mediterranean Studies à Tufts University - un centre qu'elle a fondé -, professeur de diplomatie à la Fletcher School of Law and Diplomacy, qui compte de nombreux étudiants libanais, professeur d'histoire et spécialiste du Moyen-Orient. Elle prend aussi le temps de participer à d'autres associations universitaires.
À l'annonce de cette nomination, la réaction d'un éminent bienfaiteur et philanthrope de Harvard, qui lui a dépêché aussitôt un arrangement floral pour la féliciter, ne se fait pas attendre. « Cette occasion est unique, assure-t-il. Cinquante ans plus tôt, on n'aurait jamais élu une femme à ce poste...Car une personne extérieure à l'établissement traditionnel aurait eu peu de chances de se faire élire présidente de cet organisme. »

Harvard, un monde d'excellence et de tradition
Créé en 1673 par le comité du collège à New Towne, par ordonnance de la Cour générale de la colonie de la baie de Massachusetts, le Conseil de surveillance date des premiers jours de Harvard. Il est le plus grand des deux conseils d'administration de Harvard, dont la Harvard Corporation groupant le président et les membres de l'université. « S'appuyant sur l'expérience diversifiée de ses membres, le Conseil exerce une influence générale sur les orientations stratégiques de Harvard, donne des conseils à la direction de l'université sur les priorités et plans, a le pouvoir de consentir à certaines actions de la Harvard Corporation et supervise le processus de visite par lequel les diverses écoles de Harvard et les services sont régulièrement revus et évalués », explique Leïla Fawaz lors d'une interview accordée à L'Orient-Le Jour.
Motivée, enthousiaste et dynamique, Leïla Fawaz ne cache pas sa gratitude. Elle « s'attend à ce que les priorités du Conseil pour l'année prochaine soient définies dans les mois à venir. Nous allons réfléchir sur l'importance pour Harvard de s'impliquer dans un programme international de façon innovante à l'enseignement et à l'apprentissage applicable aux écoles et à l'université, ainsi que sur les plans académique et administratif », souligne-t-elle. Avec ses collègues du Conseil, elle espère soutenir la présidente Drew Faust et ses collègues « dans leurs efforts vigoureux pour s'adapter aux changements et à maintenir le statut de Harvard comme l'une des meilleures universités dans le monde ».

Une pensée « émue » pour le Liban
Quelle est la portée de cette nomination ? En livrant ses impressions, Leïla Fawaz a aussitôt une pensée émue pour son pays d'origine, son passé, son enfance et sa vie au Liban. « Au moment où se tenait la réunion des membres du comité de surveillance du dimanche 6 février pour élire les président et vice-président de ce comité pour l'année 2011-2012, et pendant que j'attendais à l'extérieur le résultat du vote, tout un pan de ma vie a défilé devant mes yeux : ma jeunesse au Liban, les étés passés à Dhour Choueir, ma vie insouciante à Beyrouth », dit-elle. « Et au moment où les applaudissements ont accueilli mon arrivée dans cette grande salle majestueuse toute garnie de portraits imposants, je me suis sentie envahie d'un immense honneur et de sa signification pour moi. Dire qu'une Libanaise vient d'être choisie comme présidente de l'un des deux conseils d'administration de la meilleure université au monde, qui sera chargée de diriger un groupe extrêmement brillant d'anciens élèves de Harvard composés d'universitaires, d'artistes, d'hommes d'affaires et de diplomates appartenant à un monde d'excellence et de tradition, me semblait incroyable », raconte-elle.
Et d'ajouter : « Il est évidemment plus facile de réussir dans ce cercle d'élite académique si l'on naît et grandit à Boston Brahma, ou si l'on appartient à une famille proéminente de la politique américaine, de la diplomatie, de l'université ou des affaires. Et je ne suis rien de tout cela ! » s'exclame-t-elle.

« Et pourtant personne ne me connaît au Liban »
Son impressionnant parcours est jalonné d'études et de réalisations qui lui ont valu les honneurs de ses pairs et contribué à sa réputation aux États-Unis. Ex-présidente de l'association Middle East Studies of North America et celle des anciens de l'AUB d'Amérique du Nord, Leïla Fawaz est aussi membre du prestigieux Council on Foreign Relations et du comité scientifique de la Maison méditerranéenne des sciences de l'homme à l'Université de Provence. Elle a siégé au conseil consultatif du Council for the International Exchange of Scholars et a présidé le Council's Fulbright Review Committee. Elle a été rédactrice en chef de la revue History and Society of the Modern Middle East (Histoire et société du Moyen-Orient moderne), publiée aux éditions Columbia University Press. Elle a enfin été rédactrice en chef de Middle East Studies in America, et du International Journal of Middle East Studies. Élue à la division professionnelle de l'American Historical Association, elle a également siégé au comité de rédaction de la American Historical Review.
Mais, comme dit le proverbe, « nul n'est prophète en son pays ». Bien que très respectée et écoutée dans ce monde universitaire, Leïla Fawaz, qui a remporté de nombreux prix, reste méconnue au Liban. « Je dois beaucoup à mon excellente éducation aux Dames de Nazareth, au Collège protestant, et aussi à l'Université Saint-Joseph où j'ai passé une année, et à l'AUB », où elle a obtenu un BA en 1967 et un MA en 1972. Elle poursuit ensuite ses études d'histoire à Harvard University couronnées d'un AM en 1972, et obtient enfin en 1979 son PhD. Auteure de nombreux ouvrages, cette historienne spécialiste du Moyen-Orient publie son premier livre aux éditions Harvard University Press en 1984, paru pendant la guerre civile libanaise. « Je n'ai donc pas pu le traduire en arabe et en français », s'excuse-t-elle.
« Mon second ouvrage a paru à la fin de la guerre. J'étais trop loin pour le publier en arabe et en français », dit-elle. « J'ai toujours regretté de ne les avoir pas publiés dans ces langues ainsi que les deux autres volumes que j'ai coédités au Liban. Car la reconnaissance de mon pays est importante et continue de l'être pour moi », ajoute-t-elle. Elle ajoute : « J'ai le sentiment que personne ne me connaît au Liban parce que ma carrière a pris son cours aux États-Unis. En Amérique, j'ai eu toute la reconnaissance que je pouvais espérer. Mais dans mon pays d'origine, personne ne me connaît professionnellement. ».
Née Tarazi et établie à Boston, Leïla est mariée au Dr Karim Fawaz, gastro-entérologue et ex-champion de tennis pendant une dizaine d'années consécutives et représentant de la fameuse Davis Cup pour le Liban.
Cette spécialiste du Moyen-Orient organise chaque année, dans le cadre du Fares Center for Eastern Mediterranean Studies à Tufts University, une conférence sur les enjeux actuels au Moyen-Orient et aux États-Unis. Devenue incontournable, cette conférence est le meilleur forum de discussions des relations entre les États-Unis et le Moyen-Orient. C'est donc en octobre prochain que la conférence se penchera sur la brûlante actualité de la mutation en cours dans la région.
Leïla Fawaz sera présidente du Conseil de surveillance pour l'année 2011-2012. Robert N. Shapiro, ancien président de la Harvard Alumni Association et de la Harvard Law School Association, deviendra vice-président. Les deux assumeront leurs fonctions en mai après la remise des diplômes. C'est la plus haute distinction des organismes directeurs de cette université. Leïla Fawaz compte plus...