Bien malin qui pourrait expliquer l'origine d'un schisme que certains datent de quelques siècles, d'autres de plus de deux millénaires. Mais plusieurs ouvrages renvoient à une légende fondatrice commune, selon laquelle Bouddha aurait convié les animaux à participer à une course pour choisir les douze représentants du Zodiac éternel. Le Chat et le Rat, alors amis, se seraient réfugiés sur le dos du bœuf pour traverser le fleuve. Mais à l'approche de la rive, le fourbe rongeur aurait poussé le chat dans l'eau, déclenchant ainsi une ancestrale inimitié.
Au Vietnam dit-on, ce serait plutôt l'Empereur de Jade, un dieu taoïste, qui aurait organisé la compétition. Mais le Chat, cette fois, savait nager...
« On peut utiliser les explications anthropologiques et culturelles », tempère Philippe Papin, historien à l'École pratique des hautes études (EPHE) à Paris. Mais l'explication la plus probable est linguistique, alors qu'une majorité du Vietnamien contemporain vient du Chinois. « Mão en chinois (lapin) se rapproche de mèo en Vietnamien (chat). Il s'agit d'un glissement du sens en suivant la pente du son, comme souvent. »
Légende, histoire ou langue, peu importe. Nul, au Vietnam, ne songerait à s'aligner sur l'Empire du Milieu. Car la Chine a occupé le Vietnam pendant pas moins de mille ans. Et si ce dernier en a gardé des mots, des génies et mille autres choses, il n'en cultive pas moins un profond besoin de distinction. « C'est une question d'honneur national de n'avoir pas copié la Chine en tout point », souligne Benoît de Tréglodé, directeur de l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (Irasec). « Cette forme d'imitation dans la distinction est présente partout dans la culture vietnamienne. »
« Le chat est plus proche des Vietnamiens que le lapin », relève de façon plus prosaïque Hoang Phat Trieu, un comédien de 76 ans à la retraite . « La plupart des Vietnamiens sont des paysans et le lapin n'a rien à voir avec eux, alors que le chat a toujours été leur allié, en tuant les rats qui détruisent les récoltes. »
Mais au Vietnam comme en Chine, pour le coup, chacun s'accommode comme il peut des prédictions astrologiques. « Cette année est une année moyenne, selon les voyants », explique Dao Thanh Huyen, une journaliste indépendante. « Mais j'ai déjà un antidote, ou plutôt deux : mon mari et mon fils sont Chien. Et on sait que Chat et Chien... »
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