Hier, un avocat âgé d'une quarantaine d'années a tenté de mettre fin à ses jours en se faisant brûler devant le siège du gouvernement au Caire, tandis qu'à Alexandrie (Nord), un chômeur de 25 ans, présenté comme déficient mental par les autorités, est décédé à l'hôpital de ses brûlures. Un cas supplémentaire a peut-être été évité, avec l'arrestation d'un homme qui se dirigeait vers le Parlement au Caire avec deux bidons d'essence, la police présumant qu'il voulait lui aussi se sacrifier.
Suite à ces immolations, al-Azhar, la plus haute institution d'enseignement de l'islam sunnite, a assuré hier que le suicide était « interdit » en islam « sous quelque raison que ce soit » et ne permet pas de se séparer de son corps pour exprimer un malaise, une colère ou une protestation.
Pour Amr Hamzawi, du centre pour le Moyen-Orient de la fondation américaine Carnegie, basé à Beyrouth, ces immolations témoignent du « désespoir total » d'une grande partie des populations arabes et de l'incapacité des régimes autoritaires qui dominent ces pays d'y répondre. Ces actes sont « clairement inspirés par les événements de Tunisie », où le suicide par le feu de Mohammad Bouazizi, 26 ans, a déclenché les révoltes qui ont abouti vendredi à la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali, ajoute-t-il. « Il y a déjà eu des cas de suicides motivés par des protestations en Égypte, mais c'est la première fois que l'on voit des immolations », relève pour sa part le politologue égyptien Amr al-Chobaki, du Centre d'études al-Ahram.
Pour Hefny Kedri, professeur de psychologie politique à l'Université Aïn Shams du Caire, ces tentatives de suicide par le feu sont bien un message de désespoir dirigé vers les autorités, dans une région où la vie politique et sociale n'offre souvent pas d'exutoire aux mécontentements. « Il n'y a pas de différence entre un suicide par noyade ou un suicide par immolation, mais ce dernier contient un message pour le pouvoir qui est de dire : "Je proteste." C'est cela qui est important du point de vue psychologique », affirme-t-il.
La situation en Tunisie et ses conséquences pour les autres pays arabes seront au centre d'un sommet économique des chefs d'État de la Ligue arabe aujourd'hui dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge.
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