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Lifestyle - Patrimoine

Tournée vers le futur, Luanda se transforme en ville sans âme

La capitale angolaise, une des villes les plus chères au monde, néglige son architecture coloniale au profit de promoteurs immobiliers sans scrupules.

Luanda a été conçue sous l’ère coloniale pour abriter 500 000 habitants. Mais sa population a décuplé et la ville tentaculaire accueille aujourd’hui près d’un tiers des 18,5 millions d’Angolais. Photo Issouf Sanogo/AFP

Luanda, jungle de grues et de tours flambant neuves au cœur d'un pays en pleine reconstruction après une guerre civile de 27 ans, se métamorphose à vue d'œil, au détriment d'un patrimoine architectural vieux de plusieurs siècles. « Nous avons beaucoup de mal à arrêter le processus de destruction. Parce que la loi ne fait pas peur. Il y a un problème d'impunité », regrette l'architecte Angela Mingas. « Et puis il existe toujours l'argument politiquement correct selon lequel le pays a d'autres problèmes à résoudre » après les destructions de la guerre (1975-2002), ajoute-t-elle.
Luanda a été conçue sous l'ère coloniale pour abriter 500 000 habitants. Mais sa population a décuplé pendant le conflit et la ville tentaculaire accueille aujourd'hui près d'un tiers des 18,5 millions d'Angolais, selon l'ONU.
Mme Mingas tente d'alerter les autorités pour que les dernières maisons de l'époque de l'esclavage, les « sobrados » qui ont plus de 300 ans, soient préservées et restaurées. « En trois ans, la moitié des sobrados qui restaient à Luanda ont été détruits. Aujourd'hui, il n'en reste que 14 », affirme-t-elle. « Le plancher de ces maisons était fait avec du bois dont on remplissait les cales des navires d'esclaves qui revenaient à vide du Brésil. Ce sont des caractéristiques qu'on ne retrouvera jamais. » Certains édifices de l'époque coloniale ont bien été restaurés, comme celui de la Banque nationale d'Angola, qui trône sur la Marginale, une avenue bordée de palmiers le long de la baie de Luanda. Mais « une grande partie du patrimoine est en ruine », s'attriste l'architecte, ajoutant : « Parce qu'il y a une ici une idée fausse du progrès et de la modernité, associée à des bâtiments neufs. »
Attablé à la terrasse du Club naval, sur la baie de Luanda, Eleuterio Freire se désole devant le paysage de grues et de nouveaux immeubles chinois : « C'est de la folie complète ! » Cet homme d'une soixantaine d'années a dirigé le bureau angolais du Conseil international pour les monuments et sites (Icomos), lié à l'Unesco, jusqu'au début des années 1990. « Une des premières lois qui ont été votées à l'indépendance a été celle du patrimoine culturel. Il y avait la volonté, à l'époque, mais il manquait les moyens, se rappelle-t-il. Puis dans les années 1990, avec le changement de politique (l'abandon du marxisme), les gens ont commencé à venir faire des affaires et ont détruit cet héritage pour construire des tours. »
Il existe bien un Institut national du patrimoine culturel (INPC), qui a pour rôle de recenser les bâtiments anciens et de poser des plaques sur les immeubles classés, ce qui les protège en théorie. Mais, bien souvent, l'Institut est placé devant le fait accompli. Sonia Domingos, qui dirige l'INPC depuis quelques mois, admet que « parfois, on arrive au bureau le lundi matin et des immeubles classés ont été détruits pendant le week-end ».
Le marché de l'immobilier a atteint des sommets vertigineux ces dernières années dans le centre de la capitale angolaise, tirés vers le haut par l'afflux d'expatriés et le boom pétrolier. Institutions et sièges de sociétés ont envahi le centre de la ville, une des plus chères au monde, où les appartements se louent à prix d'or : jusqu'à 15 000 dollars par mois pour quatre pièces dans un immeuble neuf. Devant l'appât du gain, la préservation du patrimoine architectural passe au second plan.
Une collègue d'Angela Mingas a voulu acheter un sobrado pour y vivre. Mais un promoteur immobilier qui voulait le terrain pour y construire un immeuble de huit étages a offert deux millions de dollars cash au propriétaire, raconte l'architecte, affirmant d'un ton résigné : « On ne peut pas lutter contre ça ! »
Luanda, jungle de grues et de tours flambant neuves au cœur d'un pays en pleine reconstruction après une guerre civile de 27 ans, se métamorphose à vue d'œil, au détriment d'un patrimoine architectural vieux de plusieurs siècles. « Nous avons beaucoup de mal à arrêter le processus de destruction. Parce que la loi ne fait pas...

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