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Liban - Conférence

Au musée de l’AUB, Bassam Élias égrène son chapelet de perles

C'est de la Mésopotamie que semble provenir la première perle à pâte de verre et à motif œil de chat. Élément de parure et monnaie d'échange dans l'Antiquité, elle n'a connu sa production en Italie qu'à partir du XIe siècle de notre ère.

« Eye beads » phéniciens.

Le chercheur Bassam Élias a donné au musée de l'Université américaine de Beyrouth une conférence, abondamment illustrée, sur l'origine des perles à pâte de verre et leur rôle dans l'Antiquité. Considérée comme « objet mineur » par les archéologues mais très en vogue en Europe et aux États-Unis où les collectionneurs ont créé des « beads societies » pour financer les recherches en la matière, la perle antique a connu une industrie florissante depuis 1 600 avant l'ère chrétienne jusqu'à la période islamique, a indiqué le conférencier.
Depuis la nuit des temps, a-t-il souligné, les hommes fabriquaient des parures de coquillage, d'os ou de noyaux de fruits. Les fouilles effectuées au cours des deux dernières décennies, en Afrique du Sud, du Nord et au Proche-Orient, ont permis d'exhumer des coquillages marins perforés datés de 70 000 à 100 000 ans. Certains d'entre eux portent des traces d'ocre ou sont noircis, ce qui laisse supposer qu'ils ont été chauffés avec de la matière organique pour créer des parures de couleurs différentes que les hommes enfilaient sur des tiges de roseau ou de ligaments d'animaux, signale Bassam Élias. Datés du début du paléolithique supérieur, soit autour de 40 000 ans avant notre ère, des fragments de pierre utilisés en parures ont été également exhumés. Ces « perles de cailloux » étaient taillées « avec des pierres plus dures ayant la forme d'un burin », a-t-il expliqué, ajoutant toutefois que la production en grande quantité n'a commencé que vers 4500 avant J-C avec l'invention d'outils plus perfectionnés. En Égypte, en Mésopotamie et dans tous les foyers de civilisations, les bijoux les plus recherchés étaient en pierres : la turquoise d'Iran, le lapis-lazuli d'Afghanistan, l'agate et la serpentine, plus tendre à travailler.
Vers 3500-2000 avant J-C, les premières perles de silice se développent. Mélange de quartz mis en poudre avec de la silice et des oxydes, comme le cuivre, pour obtenir une coloration turquoise ou le manganèse pour des nuances noires et violettes, permettant d'imiter l'améthyste et certaines agates, ces perles dont la surface a subi une sorte de glaçage sont appelées « perles de faïence ». Puis un jour, l'artisan loupant son alliage, la silice séparée du quartz se mélange avec la potasse et l'homme découvre la pâte de verre dont la fabrication massive va se développer entre 1500 et 1700 avant J-C. « Contrairement à ce qu'on imagine, ce n'est pas en Égypte, mais au royaume de Mittani, qui s'étendait de l'Irak à la Syrie, que la perle en pâte de verre a été créée et que la technique a été élaborée avant d'être abondamment fabriquée en Égypte à partir de la septième dynastie et jusqu'à la période islamique », a indiqué en substance le conférencier, soulignant que, pour produire ses perles, l'Égypte importait la pâte de verre : « Les fouilles ont mis au jour des quantités de lingots provenant de Syrie ; l'étude des plantes mélangées à la silice l'a prouvé. » Le conférencier ajoutera d'autre part que les perles de la période islamique constituent la base et la source d'inspiration des maîtres verriers vénitiens qui prendront à partir du XIVe siècle le contrôle de la production dans le bassin méditerranéen et même au-delà.
Bassam Élias relève aussi que le peuple Nuzi (du royaume de Mittani) était le premier à avoir créé le motif « œil de chat ». Bien avant de le reproduire sur des perles de verre, il l'avait représenté sur des pierres, particulièrement des agates dont les couches aux teintes contrastées étaient taillées de sorte à faire ressortir le dessin.
Les beads les plus répandues avaient une forme oblongue, puis en affinant leurs techniques les artisans ont réussi à façonner des rondes et à créer les perles « mosaïquées ». Elles étaient décorées de motifs floraux et géométriques ou de pénis et de femmes enceintes, souvent aux hanches pleines, pour symboliser la fécondité...
Dans sa fonction d'origine, la perle était un bijou décoratif, un talisman destiné à protéger la personne qui la porte. Ainsi dans l'Égypte Antique le mot « sha » signifiait bonheur, et « sha sha », perle, a dit le conférencier, racontant une légende selon laquelle les Indiens avaient troqué l'île de Manhattan contre un lot de perles !
Quant aux maîtres verriers phéniciens, ils produisaient des éléments de parure surprenants, représentant des têtes et des figurines saisissantes à trois dimensions qui ont traversé le monde, a poursuivi le conférencier, citant à titre d'exemple un lot de perles phéniciennes découvert dans une tombe Viking ; un entrepôt de ces mêmes perles mis au jour à Malte ; un trirème (datant de 1200 avant J-C) repêché, il y a moins de cinquante ans, au large des côtes turques, qui transportait des marchandises dont des lingots de pâte de verre. « Ce bijou a toujours été une pièce d'échange commercial », a souligné Bassam Élias, signalant que les phéniciens l'échangeaient contre l'étain, par exemple, qu'ils importaient des pays celtes pour fabriquer le bronze... Le dernier atelier de perles en pâte de verre a été découvert à Tyr. Il date du XIVe siècle après J-C.

 M. M. 
Le chercheur Bassam Élias a donné au musée de l'Université américaine de Beyrouth une conférence, abondamment illustrée, sur l'origine des perles à pâte de verre et leur rôle dans l'Antiquité. Considérée comme « objet mineur » par les archéologues mais très en vogue en...

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