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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Solana, le discret, laisse derrière lui un bilan mitigé

Le politicien espagnol quitte aujourd'hui ses fonctions de diplomate en chef de l'Union européenne sans dévoiler ses projets futurs.

Âgé de 66 ans, Javier Solana avait été plusieurs fois ministre en Espagne avant de devenir secrétaire général de l’OTAN et, enfin, haut représentant de l’UE pour la Politique étrangère.        Thierry Roge/Reuters

Après dix ans à la tête de la diplomatie européenne, l'Espagnol Javier Solana quitte aujourd'hui ses fonctions sur un bilan en demi-teinte au moment même où la Britannique Catherine Ashton, qui lui succède, voit son poste nettement renforcé par le traité de Lisbonne.
À 66 ans, cet homme discret au sourire affable, lunettes à fine monture surplombant une éternelle barbe de trois jours, « a fait ce qui a été possible dans le cadre institutionnel limité qui a été le sien », juge Thomas Klau, analyste à l'European Council on Foreign Relations (ECFR), un groupe de réflexion sur la politique étrangère européenne. Son grand regret sera sans doute celui de ne pas avoir vu la Constitution européenne entrer en vigueur fin 2006, alors que la perspective de devenir le premier vrai « ministre des Affaires étrangères de l'UE » lui avait été promise en 2004 par les dirigeants européens.
L'ex-secrétaire général de l'OTAN - il a notamment engagé l'Alliance atlantique dans la guerre au Kosovo au printemps 1999 - caressait de grands espoirs lorsqu'il fut promu haut représentant de l'UE quelques mois plus tard, en octobre. À ce nouveau poste, il dut essuyer les plâtres d'une politique étrangère de l'UE encore embryonnaire. En particulier les divisions apparues entre les Européens à l'occasion de la crise irakienne, en 2003, qui ont montré les limites de sa fonction. Il avait alors lui-même considéré comme un « échec » son incapacité à concilier partisans et adversaires d'une intervention aux côtés des États-Unis.
Selon Thomas Klau, l'un de ses plus grands succès reste la Macédoine, où « son action a été essentielle » dans le retour au calme en 2001, quand le pays était au bord de la guerre civile. Mais après l'Irak, « Javier Solana a engagé une politique délibérée de non-intervention dans certains dossiers », estime le chercheur, en relevant qu'il est resté peu présent dans les relations avec la Chine ou la Russie, faisant le choix de n'agir que sur un nombre limité de dossiers, comme celui du nucléaire iranien.
Si les négociations des grandes puissances avec l'Iran pour dissiper les craintes de le voir se doter de l'arme nucléaire n'ont guère avancé, M. Solana a eu le mérite d'être « resté un interlocuteur » pour Téhéran quand les États-Unis n'en étaient plus un, relève un autre analyste de l'ECFR, Daniel Korski. Au final, « il aura accompli bien davantage en matière de politique de sécurité et de défense qu'en politique étrangère », juge Daniel Korski. Javier Solana a ainsi lancé quelque 23 opérations civiles ou militaires européennes, dans les Balkans, en Afrique, en Géorgie ou en Indonésie. Certaines, persiflent ses détracteurs, se sont bornées à reprendre le flambeau de l'OTAN ou de l'ONU, une fois qu'il n'y avait plus de danger. Les deux plus importantes, au Tchad ou au large de la Somalie, ont néanmoins été des succès purement européens.
Quelques gaffes auront également émaillé ses deux mandats de haut représentant, comme celle faite en octobre dernier lors d'une conférence à Jérusalem. Il avait jugé qu'Israël était « un membre de l'Union européenne sans être membre de ses institutions », entretenant avec les 27 une relation « plus forte que celle de la Croatie », un pays en passe de conclure ses négociations d'adhésion.
Avant sa venue à Bruxelles, Javier Solana avait géré plusieurs portefeuilles en Espagne, en siégeant sans interruption de 1982 à 1995 dans les gouvernements socialistes de Felipe Gonzalez, dont il fut trois ans durant (1992 à 1995) ministre des Affaires étrangères. Vieux militant de gauche et fils de républicains espagnols, il avait fait une partie de ses études au Royaume-Uni et aux États-Unis après avoir été expulsé à Madrid de l'université pour son opposition au pouvoir franquiste. Interrogé hier sur le fait de savoir s'il pourrait continuer à jouer les intermédiaires avec l'Iran sur la question du nucléaire, il n'a pas souhaité faire de commentaire à ce sujet. Mais son entourage a précisé qu'il avait été jusqu'ici mandaté par les Six puissances à titre personnel et non en tant que haut représentant de l'UE. Et que rien n'empêchait donc, sur le principe, qu'il soit mandaté pour poursuivre cette mission. Également interrogé sur ses activités futures et notamment sur une information de la presse espagnole selon laquelle il s'apprêterait à rejoindre le groupe espagnol privé Acciona, M. Solana a précisé n'avoir « rien décidé pour le moment ».

Yann OLLIVIER (AFP)
Après dix ans à la tête de la diplomatie européenne, l'Espagnol Javier Solana quitte aujourd'hui ses fonctions sur un bilan en demi-teinte au moment même où la Britannique Catherine Ashton, qui lui succède, voit son poste nettement renforcé par le traité de Lisbonne.À 66 ans, cet homme discret au sourire affable,...

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