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Moyen Orient et Monde - Religion

Les Suisses disent non aux minarets

Le résultat du scrutin, qui exprime une vraie peur sur la question de l'islam, va entraîner la modification de la Constitution helvétique.

La droite populiste n’a pas fait dans la nuance avec ses affiches représentant une femme complètement voilée devant le drapeau suisse couvert de minarets évoquant des missiles.Fabrice Coffrini/AFP

Les Suisses ont créé une « immense surprise » en votant hier à une majorité écrasante de 57,5 % l'interdiction des minarets à l'appel de la droite populiste. « La construction de minarets est désormais interdite en Suisse », a annoncé le gouvernement helvétique dans un communiqué officiel publié seulement quatre heures après la fermeture des bureaux de vote à midi. « Les quatre minarets existants ne sont pas concernés », ont précisé les autorités. Sur les 26 cantons de la Confédération helvétique, seuls quatre cantons (Bâle-ville et les cantons francophones de Genève, Vaud et Neuchâtel) ont rejeté la proposition soutenue par le parti UDC de la droite populiste et le petit parti chrétien de droite UDF.
Ce vote va entraîner la modification de la Constitution suisse, dont le préambule proclame, « au nom de Dieu Tout-Puissant », l'esprit « de solidarité et d'ouverture au monde » du peuple et des cantons suisses. L'interdiction de la construction de minarets sera présentée dans l'article 72 de la Constitution sur les relations entre l'État et les religions comme une mesure « propre à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses ».
Les commentateurs ont unanimement qualifié ce résultat « d'immense surprise », car il contredit les sondages qui prédisaient durant la campagne un rejet de la proposition de la droite populiste par 53 % des votants. Malgré un front commun du gouvernement, des autres partis et des représentants de toutes les communautés religieuses présentes en Suisse, l'UDC a réussi à convaincre, en martelant qu'il ne s'agissait pas de priver les musulmans de lieux de culte, mais de refuser les minarets comme « symbole apparent d'une revendication politico-religieuse du pouvoir, qui remet en cause les droits fondamentaux ». Pour l'emporter, les partisans de l'interdiction n'ont pas fait dans la nuance, avec des affiches représentant une femme complètement voilée par une burqa devant le drapeau suisse couvert de minarets, dont la silhouette stylisée évoquait des missiles. Après les affiches appelant à bouter les « moutons noirs » étrangers hors de Suisse, la propagande de la droite populiste avait encore fait scandale.
Cette image « attise la haine », avait estimé la Commission fédérale contre le racisme (CFR), un organisme public consultatif, tandis que le Comité des droits de l'homme de l'ONU s'était inquiété de cette campagne « d'affiches sinistres ». Pourtant, pour le vice-président de l'UDC, Yvan Perrin, le parti populiste « a gagné en respectabilité » grâce à ce scrutin. Déclarant « assumer » le résultat, M. Perrin a reconnu « qu'un mouvement d'humeur des pays musulmans est possible ». « Mais si nos entreprises continuent à produire des produits de bonne qualité, elles n'ont rien à craindre », a-t-il assuré.
L'intellectuel musulman controversé Tariq Ramadan a jugé « catastrophique » le résultat du référendum. Pour M. Ramadan, qui vit à Genève et enseigne à l'Université britannique d'Oxford, « les Suisses ont exprimé une vraie peur, un questionnement profond sur la question de l'islam en Suisse ». Ce vote est « l'expression de certaines craintes au sein de la population au sujet des courants islamistes extrémistes » qu'il faut « prendre au sérieux », a déclaré la ministre de la police et de la justice, Eveline Widmer-Schlumpf, une transfuge de l'UDC qui s'était opposée à l'interdiction. Le parti des Verts a déclaré envisager un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg pour violation de la liberté religieuse garantie par la Convention européenne des droits de l'homme.

Réduire l'accès des Européens au marché du travail
D'autre part, la ministre de l'Économie, Doris Leuthard, qui prendra la semaine prochaine la présidence de la Confédération, envisage de faire jouer dès 2010 la clause de sauvegarde pour protéger le marché du travail helvétique de l'afflux de travailleurs de l'UE. Pour la prochaine présidente de la Confédération, le gouvernement a fait « une erreur » en décidant en mai dernier de ne pas actionner la clause dite de sauvegarde prévue par les accords de libre circulation avec l'UE, ce qui aurait permis de réintroduire des quotas de travailleurs européens. Selon les accords entre la Suisse et l'UE, les travailleurs peuvent venir travailler sur le territoire helvétique sans être soumis à un régime de quotas de permis de travail. Une clause permet cependant d'introduire des restrictions temporaires si l'immigration enregistre une hausse annuelle de plus de 10 % par rapport à la moyenne des trois années antérieures.

Les Suisses ont créé une « immense surprise » en votant hier à une majorité écrasante de 57,5 % l'interdiction des minarets à l'appel de la droite populiste. « La construction de minarets est désormais interdite en Suisse », a annoncé le gouvernement helvétique dans un...

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