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Moyen Orient et Monde - Le billet d’humeur

Le souci de la hiérarchie

Même dans l'adversité la plus sombre, les hommes gardent le souci de la hiérarchie. Dans certains régimes autoritaires, les opposants, quasiment tous passés par la case prison, ont établi entre eux une hiérarchie tacite. Dans la caste supérieure, se trouvent les contestataires ayant été condamnés à une peine à deux chiffres. Cette caste fait elle-même l'objet de sous-divisions en fonction de la prison dans laquelle l'opposant a fait son temps et de la durée de la peine, à savoir si elle flirte avec la dizaine ou avec la vingtaine d'années. Celui qui est passé par la prison la plus dure, y est resté très longtemps, voire y croupit toujours, accède au rang d'icône. Il incarne l'opposition. On l'évoque avec respect, déférence, d'une voix où perce une douleur partagée parfois mâtinée d'une pointe d'envie.
Les opposants dont la peine ne compte qu'un chiffre appartiennent à une autre caste. Reconnus, ils le sont sans l'ombre d'un doute, mais ils doivent encore gagner leurs lettres de noblesse. Restent les opposants non condamnés au-dessus desquels plane la lourde suspicion du double jeu.
En France, la communauté des politiciens ayant (eu) maille à partir avec la justice ne devrait pas échapper à ce souci de la hiérarchie. Étant donné l'actualité politico-judiciaire de l'automne, l'on imagine les discussions sous les lambris de la république.
« Alors, toi, tu as pris quoi ? Du sursis ou du ferme ? »
« Du sursis. »
« Combien ? »
« Six mois. »
« Ah, c'est tout de même beaucoup moins que Pasqua... » Petite tape légèrement condescendante sur l'épaule.
Jusqu'à présent, au niveau de la Ve République du moins, il semblerait en effet que Charles Pasqua ait décroché la palme, avec sa condamnation à un an de prison ferme et deux avec sursis, dans le cadre du procès de l'Angolagate, vaste affaire de trafic d'armes vers l'Angola.
Viendrait ensuite Henri Emmanuelli, trésorier du Parti socialiste, condamné en 1997 à dix-huit mois de prison avec sursis pour complicité de trafic d'influence.
Patrick Balkany, grand ami des Sarkozy et député UMP, a, lui, pris quinze mois de prison avec sursis en 1996 pour avoir utilisé, pour l'entretien de son domicile privé et de sa résidence secondaire, les services de trois employés municipaux.
Grande figure de la caste des condamnés à la prison avec sursis : l'ancien Premier ministre et maire de Bordeaux, Alain Juppé. Lui a écopé de 14 mois, en 2004, dans l'affaire des emplois présumés fictifs du RPR. On serait tenté de faire remonter Juppé dans le classement, car l'homme est tout de même tombé de haut.
Roland Dumas aurait pu, lui aussi, figurer bien plus haut dans le classement, puisqu'il a été condamné, en 2003, à six mois de prison ferme et deux ans avec sursis dans le cadre de l'affaire Elf. L'ex-ministre des Affaires étrangères et président du Conseil constitutionnel a néanmoins été relaxé en appel.
Aujourd'hui, le classement des hommes politiques rattrapés par la justice est ouvert. L'on attend notamment ce qu'il adviendra de Dominique de Villepin, contre lequel le parquet a requis dix-huit mois de prison avec sursis dans l'affaire Clearstream.
Et surtout, surtout, que va faire la justice de Jacques Chirac ? Un Jacques Chirac à la retraite bien agitée. Après ses problèmes de logement post-élyséen - problème réglé par la famille d'un ami libanais lui voulant du bien -, les états d'âme et accès de violence de Sumo, son bichon, et les regards noirs de Bernadette à chaque fois qu'il adresse un mot gentil à une blonde, Chirac est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics dans le cadre de l'affaire des chargés de mission de la Ville de Paris. À noter que, par rapport au reste de la communauté des politiciens titillés par un juge, Chirac, en étant le premier ancien président français à être renvoyé en correctionnelle, fait figure de pionnier. Ça pose son homme.
Pas de quoi, néanmoins, faire frémir l'oreille d'un Nixon.
Même dans l'adversité la plus sombre, les hommes gardent le souci de la hiérarchie. Dans certains régimes autoritaires, les opposants, quasiment tous passés par la case prison, ont établi entre eux une hiérarchie tacite. Dans la caste supérieure, se trouvent les contestataires ayant été condamnés à une...

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