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Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

Bien triste campagne

Mai 2009, le Liban est en campagne électorale, le peuple devant élire ses députés le 7 juin, le jour même où, hasard du calendrier, les Européens choisiront leurs parlementaires pour Bruxelles et où les Iraniens choisiront leur président.
Cette coïncidence, au moment où pour ma part je rentre d'une mission universitaire et d'un voyage  riche en découverte  en Iran, autorise des comparaisons sur les campagnes électorales. Le Liban n'en sort pas vainqueur. La campagne en cours y est pitoyable. Les candidats et les partis en lice n'y défendent pas vraiment de programmes et se bornent à s'invectiver et à riposter aux invectives reçues.
Ainsi, lorsque le Tayyar axe sa campagne sur le changement (sans en préciser les contours) avec des slogans très professionnels sur le plan du marketing mais vides (« I vote for change » ; « 2009, change »), les Forces libanaises répondent en suggérant que le changement générerait une nouvelle république avec, de ce fait, un nouveau drapeau. Au drapeau libanais rouge et blanc avec un cèdre vert succéderait, sur le visuel, un drapeau jaune (symbolisant l'État hezbollahi) avec un cèdre orange (couleur du parti du général Aoun). Lorsque les affiches ne sombrent pas dans la riposte malsaine, elles ne sont guère plus intelligentes et peu porteuses de programme. Le Courant du futur décline ainsi une campagne en disant que « le ciel est bleu » pour rappeler la couleur associée au parti. Ainsi, oubliant qu'autrefois certains de ses dirigeants s'accommodaient de la présence syrienne, pouvait-on
lire : « Ils ne reviendront pas et le ciel est bleu. » Ses slogans romantiques aideront-ils le peuple libanais à affronter les défis du XXIe siècle ? La riposte en préparation du Tayyar (« Tout est faux et le ciel est bleu ») ne les aidera pas davantage. Quant à l'image de la femme, elle n'en sort pas grandie même si la publicité provocante du Tayyar trouve, de fait, son fondement dans la réalité psychosociologique de nombre de femmes libanaises de la classe moyenne ou de la classe aisée qui sont fort occupées la journée par le shopping, le salon de coiffure et de manucure et leurs interventions chirurgicales pour se faire refaire le nez, la poitrine ou que sais-je... Souvenons-nous qu'au cours de la révolution du Cèdre (en mars 2005), certains journaux caricaturaient ces femmes en présentant un dessin montrant une Sri Lankaise manifestant et portant une pancarte ou il était inscrit : « Madam says : Syria out »...
À celles-ci, le Tayyar a d'abord dit sur ses affiches : « Sois belle et vote. » La dernière campagne est encore moins élogieuse. On y voit une jeune femme à la bouche pulpeuse recouverte de rouge à lèvres orange qui dit : « Je vote orange. » Bien modeste slogan.
Dans le même temps en Iran, les trois candidats sérieux à la présidentielle iranienne (Ahmadinejad, Karoubi, Moussawi) essaient de formuler des propositions parfois totalement utopistes (Mehdi Karoubi a ainsi promis, s'il était élu, d'offrir 5 dollars par mois à chaque citoyen iranien...) et de convaincre leurs électeurs de leur potentiel d'action sociale. C'est sur ces bases que de nombreux Iraniens cherchent à se faire une opinion pour fonder leurs choix limités (tous les candidats étant des défenseurs de la révolution islamique, les opposants à celle-ci étant préalablement écartés). Cette comparaison des slogans et des programmes leur permet au moins quelques espoirs, ce que ne permettent pas les campagnes libanaises. Plusieurs Iraniens nous confiaient ainsi qu'ils espéraient qu'Ahmadinejad réussisse des réformes sociales qu'il n'avait pu conduire pendant son premier mandat. Paradoxalement, sur le plan du débat politique, la démocratie bridée, à l'iranienne, semble plus prometteuse que la démocratie virtuelle à la libanaise. Pour les Libanais, il est encore temps de changer et ils ont la chance (à la différence des Iraniens) d'avoir la possibilité de le faire.

Thierry LEVY-TADJINE
Français, professeur associé à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK)

Cette coïncidence, au moment où pour ma part je rentre d'une mission universitaire et d'un voyage  riche en découverte  en Iran, autorise des comparaisons sur les campagnes électorales. Le Liban n'en sort pas vainqueur. La campagne en cours y est pitoyable. Les candidats et les partis en lice n'y défendent pas vraiment de programmes et se bornent à s'invectiver et à riposter aux invectives reçues.Ainsi, lorsque le Tayyar axe sa campagne sur le changement (sans en préciser les contours) avec des slogans très professionnels sur le plan du marketing mais vides (« I vote for change » ; « 2009, change »), les Forces libanaises répondent en suggérant que le changement générerait une nouvelle...