Une semaine. Cela fait une semaine que je ne sors plus de chez moi. Nulle part, je ne vais nulle part. Une semaine que personne ne rentre chez moi. Ni mes ami(e)s ni, encore moins, bien sûr, mes toyboys de dix-neuf ans aux muscles doux, au ventre blanc et aux dents nacrées. Une semaine que je me bats comme une lionne. Comme un vampire. Contre mon 1,800 gramme enregistré il y a quelques jours sur ma balance extrêmement fiable. Contre tous les autres grammes que je risque de prendre durant cet été. Contre ma cellulite qui se jette sur moi comme la misère sur le peuple. Je me bats comme personne. Je suis en guerre contre moi-même. Contre la nature. Contre le temps. Absolument : contre le temps. Drapée d'une abaya conçue pour moi par le délicieux Rabih Keyrouz, je mène ma bataille à partir du centre de gravité warholien de mon existence : de mon lit, dessiné par Mies Van der Rohe. Louisa, ma fidèle et très silencieuse femme de chambre depuis des lustres, m'y apporte, depuis la monstrueuse découverte de mon excédent pondéral, ce qui m'aide à tenir le coup : à 11h15, mon sacro-saint anis-gingembre-champagne ; à 14h55, deux radis ; à 17h25, une salade de radis noirs avec quelques gouttelettes de jus de citron vert ; à 22h05, des tagliatelles de radis roses assorties d'une mousse de laitue à l'orchidée mauve ; et, enfin, à 00h45, deux autres, deux derniers, deux misérables, deux cruels radis. Une semaine. Une semaine que je ne consomme que ces monstrueuses racines rosâtres, à peine m'autorisé-je une barre de céréales Special K que Michèle de Freige, une de mes filles adoptives, m'a recommandées : elle connaît mon indulgence pour la lettre K. C'est d'ailleurs grâce à cette barrette céréalée que j'ai réussi à éviter de raccrocher le téléphone au nez de ce brave Gilles Jacob qui m'a appelée pour me supplier (il est mignon) de monter les marches avec Monica Bellucci et Sophie Marceau. Je lui ai dit que j'étais souffreteuse - qu'ils aillent au diable. Mes Christian, Lacroix et Louboutin, m'ont envoyé un télégramme pour me dire que tout est prêt pour le festival de Cannes, je n'ai naturellement pas répondu : même mes pieds, ces pieds pour lesquels Jackson Pollock se damnait, ont grossi. Une semaine ! Une semaine que je me morfonds comme une souris en cage de laboratoire, avec, pour seule compagnie, ces photos sépia que j'ai ressorties, les larmes à l'œil, et que je compulse frénétiquement, une nano-coupe de Veuve Clicquot à la main (ces Ponsardin sont ridicules : cela fait des années que je les appelle pour qu'ils me fabriquent mon champagne light et c'est à chaque fois la même réponse : cela est malheureusement impossible, chère madame...), des photos de Rudolf Noureev et moi, moi à côté de laquelle Kate Moss aurait ressemblé à une vache normande, moi belle comme un astre et heureuse de vivre, des photos de Rudik et moi prises pour la plupart par Robert Mapplethorpe à New York, à chaque heure du jour et de la nuit, lorsque, en parfaits jumeaux, nous partagions tout, absolument tout, mon Rudik et moi. Je touche une photo du bout de mes doigts carminés Blue Satin by Chanel, je croque un radis du bout des dents, je me convaincs comme une sotte que l'on peut à la fois avoir été et être, et je me force à répéter, dix fois, douze fois, miam miam.
P.-S. : On m'a gentiment créé une adresse mail. On l'effeuillera pour moi. Je répondrai à tout. Évidemment. Il s'agit de : margueritek@live.com
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