Je m’étais endormie avec une drôle d’intuition. Vêtue uniquement d’un tee-shirt Marilyn Monroe by Andy Warhol XXS et de quelques gouttelettes de Guerlain, je lisais Anaïs Nin (sa correspondance avec Henry Miller), une Diablerie de Boulgakov et le cinquième tome des Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin – je lis toujours au moins trois livres en même temps. Mon amie Dietrich qui me manque follement chantonnait en allemand sur le gramophone installé dans le boudoir adjacent à ma chambre où ne trône qu’une sculpture géante de Camille Claudel que mon arrière-grand-mère m’avait expressément laissée dans son testament. Alain (à moins qu’il ne s’appelle Julien ou Tarek, je ne sais plus) ronflotait à côté de moi comme si de rien n’était : son match de foot après ses cours l’avait épuisé. Je sirotais gentiment ma coupe de Veuve Clicquot quand je me suis rendu compte abruptement que quelque chose n’allait pas bien se passer. J’ai suçoté lentement un délicieux Stilnox, éteint la petite lampe, mis mon masque aubergine dessiné pour moi par mon amie Chantal Thomass, repoussé le petit Alain (Julien ? Tarek ?) venu se coller un peu trop à mon corps inquiet, soupiré d’agacement (je sentais vraiment que quelque chose allait advenir), avalé une dernière gorgée de bulles, déchaussé mes montures Chanel, les ai remises pour écouter mon cœur battre de plus en plus fort, je ne comprenais pas, je suis familière de ce genre de feelings, mais celui-là me gênait, m’inquiétait plus que d’habitude, mes phalanges blanchissaient, l’intuition gonflait. J’ai pris mon téléphone pour appeler mon ami Gaby Nasr : ce fripounet sait balayer mes angoisses en me faisant rire, il n’a évidemment pas répondu, il était une heure du matin passée, j’ai essayé Lydia qui a répondu, cette sotte se faisait un gommage mi-concombre mi-fruits de la passion, elle a essayé de me calmer, elle m’a énervée davantage, sans compter la pollution sonore des sinus de l’imperturbable toyboy endormi décidément comme une masse. Je me suis précipitée les jambes en coton (l’intuition gonflait encore et encore) dans la cuisine pour engloutir à la cuillère à soupe des hectogrammes entiers de Nutella. J’ai croqué dans deux Stilnox – deux. J’ai allumé mon écran de télévision extrasupermégaplat en cherchant un supplément soporifique, allumé une énième cigarette écrasée après une bouffée à peine dans mon cendrier Philippe Starck que j’ai failli balancer sur l’écran tellement les images qui s’y succédaient étaient imbéciles, j’ai couru vers le lit pour réveiller Alain (Julien ? Tarek ?) et exiger de lui quelque assaut efficace et rapide, mais je l’ai stoppé net : je déteste la mollesse. J’ai fini par m’endormir je ne sais comment sur mon canapé, une énoooooooorme boule d’angoisse dans l’œsophage, me suis réveillée extrêmement chiffonnée, Louisa m’a apporté mon anis-gingembre-champagne, je suis entrée dans ma salle de bains, fait ce que je fais chaque matin, puis poussé un hurlement barbare, viscéral, infini, Louisa et Alain (Julien ? Tarek ?) ont déboulé comme des fous, l’une en répétant Madame Margot, Madame Margot comme une idiote, l’autre en pleurant des Qu’est-ce qu’il y a mon amour ? avec toute la mièvrerie de ses 19 ans, je n’ai pas cessé de hurler, je déteste mes intuitions plus que tout : ma balance m’a craché une ignoble vérité. J’ai pris 1,800 gramme. En 24 heures. En plein démarrage de la saison des plages, des maillots, du bronzage. Pas miam miam. Plus miam miam.
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Je m’étais endormie avec une drôle d’intuition. Vêtue uniquement d’un tee-shirt Marilyn Monroe by Andy Warhol XXS et de quelques gouttelettes de Guerlain, je lisais Anaïs Nin (sa correspondance avec Henry Miller), une Diablerie de Boulgakov et le cinquième tome des Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin – je lis toujours au moins trois livres en même temps. Mon amie Dietrich qui me manque follement chantonnait en allemand sur le gramophone installé dans le boudoir adjacent à ma chambre où ne trône qu’une sculpture géante de Camille Claudel que mon arrière-grand-mère m’avait expressément laissée dans son testament. Alain (à moins qu’il ne s’appelle Julien ou Tarek, je ne...