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Moyen Orient et Monde - Reportage

À Owessat, les Irakiens peinent à prendre les opérations en main

Lancement d'une opération de grande envergure à Owessat, zone contrôlée par le réseau d'Oussama Ben Laden.

Une trentainede soldats irakiens, casqués et protégés par des gilets pare-balles trop grands, sont alignés devant le lieutenant Gordon Bostick, un géant américain. « Je veux celui-ci dans mon unité. Et celui-là aussi », dit-il en désignant deux d'entre eux. Il fait nuit noir sur le camp Falcon, dans le sud de Bagdad, et le lieutenant Bostick choisit les soldats irakiens pour une opération de grande envergure à Owessat, une zone rurale longtemps contrôlée par el-Qaëda, à une vingtaine de km au sud-ouest de la capitale. Préparée depuis plusieurs semaines, l'opération est, selon le vocabulaire officiel de l'armée américaine, « menée à 100 % par les Irakiens ». Mais vue du camp Falcon, la réalité est bien différente : le transport, la logistique, le nombre de soldats et les ordres sont américains.
Près de 300 soldats américains somnolent depuis deux heures en utilisant leurs casques comme oreiller quand arrivent une quarantaine d'Irakiens. À 02h30, cinq hélicoptères Chinook pouvant embarquer chacun 44 soldats avalent la troupe. Après vingt minutes de vol au-dessus de l'Euphrate, ils se posent dans des champs boueux. Américains et Irakiens sautent et courent pour se mettre à couvert dans les ornières sous une pleine lune, « lumière idéale pour ce genre d'opération », selon le capitaine Brian Bonnema, commandant de l'opération au sol. L'attente commence. Les accès à Owessat sont contrôlés par les soldats américains à plat ventre, l'œil collé à leur lunette de tir, épaulés par les soldats irakiens.
À l'aube, les lieutenants américains donnent leurs ordres. Un soldat irakien vient faire son rapport au capitaine Bonnema. « Les sahwas (milice sunnite anti-el-Qaëda) lui ont dit qu'il y avait une cache d'armes à environ 700 mètres », dit le traducteur. Vers 6 heures, des femmes et des enfants sortent de leurs maisons de torchis. Mais aucun homme en vue, sinon quelques vieillards. El-Qaëda est parti ou bien se fait discret. La radio d'un officier irakien crachote. « Il y a peut-être une cache d'armes dans une maison du village, ils aimeraient aller voir », dit le traducteur. Le capitaine américain hésite avant de lâcher: « OK, allez-y. »
L'orage est proche. À 08h45, le lieutenant Bostick ordonne à un soldat irakien de « trouver des refuges ». L'averse passée, les soldats américains et irakiens patrouillent dans le village, mais fatigués après une nuit blanche, les Irakiens ne prennent plus la peine de se mettre à couvert.
À un barrage, les sahwas quêtent des médicaments auprès des Américains. L'un d'eux soulève sa dichdacha blanche pour montrer des taches noires qui grêlent son torse. « Dites-leur que je ne peux rien faire. Nous sommes en opération. C'est le gouvernement et l'armée irakiens qui les gèrent maintenant », dit le lieutenant Bostick. « L'armée irakienne ? » répondent, consternés, les sahwas.
En fin d'après-midi, les soldats américains finissent par trouver sept obus enterrés sur les bords de l'Euphrate. « A priori, ils sont là depuis longtemps, peut-être deux ou trois ans. Mais ils peuvent être utilisés pour faire des bombes artisanales », assure un lieutenant américain. « Je considère cette opération comme une grande réussite. Nous avons découvert une cache avec des obus de 155 mm et nous empêchons el-Qaëda d'utiliser Owessat. C'est une opération planifiée et conduite par les Irakiens », assure sans sourciller le capitaine Bonnema.
« Il n'y a pas eu un seul coup de feu, c'est bien. Mais le jour où on sera parti, je ne suis pas certain que les Irakiens pourront gérer tout seuls », estime un soldat américain sous le couvert de l'anonymat. « Ils progressent, mais ne sont pas prêts. Et on a du mal à les responsabiliser », ajoute-t-il.


Karim TALBI (AFP)

Une trentainede soldats irakiens, casqués et protégés par des gilets pare-balles trop grands, sont alignés devant le lieutenant Gordon Bostick, un géant américain. « Je veux celui-ci dans mon unité. Et celui-là aussi », dit-il en désignant deux d'entre eux. Il fait nuit noir sur le camp Falcon, dans le...

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