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Moyen Orient et Monde - Le billet d’humeur

L’index Coca-Cola

Comment mesurer la gravité de la crise ?
En Occident, une foule d'indices sont disponibles qui peuvent satisfaire tous les tempéraments. Les adeptes du chiffre croiseront le taux de croissance de l'économie avec celui du chômage pour avoir une idée assez précise de l'ampleur du désastre. Les anthropologues dans l'âme privilégieront une analyse de terrain. En France, il suffit de jeter un coup d'œil par la fenêtre et d'observer ces rues qui, régulièrement, se transforment en fleuves houleux charriant des millions de manifestants. Attention, il s'agit toutefois d'avoir l'œil expert. La manifestation étant une pratique particulièrement courante dans l'Hexagone, il est indispensable de pouvoir évaluer l'ampleur de la manifestation et le niveau de mécontentement dans ses rangs. En France toujours, l'on pourra observer la multiplication des séquestrations de patrons. Jusqu'à présent, deux chefs d'entreprise ont été retenus par leurs employés, au-delà des horaires syndicaux, en deux semaines. Indice à surveiller, puisqu'un sociologue indiquait dans les colonnes du Monde que « les séquestrations se font souvent par contagion ».
Les adeptes de l'analyse statistique pourront, quant à eux, établir la fréquence à laquelle de grandes entreprises (AIG : 165 millions de dollars de primes distribués après injection de 180 milliards de dollars de fonds publics ; Natixis : 90 millions d'euros de bonus après une perte de 2,8 milliards d'euros et une aide prévue de l'État de 5 milliards d'euros...) ou de grands patrons (Thierry Morin, PDG de Valeo : 3,2 millions de primes, pour une perte de 207 millions en 2008) sont cloués au pilori à la une des journaux. En l'occurrence, la chasse aux bonus indécents est ouverte. Qu'un parachute doré se profile à l'horizon et l'ordre est donné : feu à volonté. Objectif, abattre le vautour.
Il existe donc tout un faisceau d'indicateurs, d'index et d'indices permettant d'évaluer, en Occident, l'ampleur de la crise. En Afrique, l'analyse est plus simple. Il suffit d'observer l'indice Coca-Cola.
Avec 36 milliards de bouteilles vendues chaque année, un réseau de distribution couvrant aussi bien les supermarchés des grandes capitales que les buvettes nichées dans la savane, le bilan commercial de Coca-Cola, premier employeur privé du continent noir, pourrait, selon The Economist, constituer un bon indicateur de prospérité et de stabilité en Afrique. « Nous sommes les premiers à détecter l'instabilité politique car nous descendons au plus profond du marché », déclarait en juillet dernier Alexander Cummings, président de Coca-Cola Afrique, à l'hebdomadaire britannique. De fait, les violences postélectorales de janvier 2008, au Kenya, peuvent être retracées en suivant la baisse des ventes de la petite bouteille marquée rouge et blanc dans les bidonvilles de Nairobi et les villages de l'ouest du pays. Le fonctionnement des usines Coca-Cola reflète en outre le fonctionnement de l'État. Ainsi en Érythrée, l'usine Coca tourne au ralenti, l'État totalitaire multipliant les obstacles à l'importation de certains produits nécessaires à la fabrication du breuvage pétillant. En Somalie, l'usine Coca a dû fermer ses portes, après des années de résistance, quand des pirates somaliens ont mis la main sur sa livraison de sucre. Sans surprise, l'usine Coca du Zimbabwe tente, très basiquement, de survivre.
Dans ce contexte, qu'en est-il de l'index Coca-Cola en ces temps de crise ? Eh bien l'index est mauvais. Très mauvais même puisque la presse rapportait, il y a quelques jours, que la petite bouteille a carrément disparu des gondoles et comptoirs d'Addis-Abeba. En raison du manque de devises et du resserrement du crédit, l'entreprise locale d'embouteillage, la East Africa Bottling Share Company, ne peut plus acheter l'opercule blanc qui se retrouve à l'intérieur des capsules métalliques. Or, sans opercule, pas de bulles. Donc, pas de Coca. Selon l'agence de presse américaine AP, c'est la première fois que Coca-Cola cesse ses opérations depuis son installation en Éthiopie en 1959. Quand on vous dit que c'est grave.
Comment mesurer la gravité de la crise ?En Occident, une foule d'indices sont disponibles qui peuvent satisfaire tous les tempéraments. Les adeptes du chiffre croiseront le taux de croissance de l'économie avec celui du chômage pour avoir une idée assez précise de l'ampleur du désastre. Les anthropologues dans l'âme...

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