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Lifestyle - Portrait

Nada Sardouk, une « tornade » au ministère du Tourisme

Première femme à avoir accédé au poste de directrice générale du ministère du Tourisme, Nada Sardouk remplit sa fonction avec un dosage réussi de fermeté et de féminité. Au lendemain de la Journée internationale de la femme, « ladies first »... 
Les bureaux dont a hérité Nada Sardouk sont visiblement très masculins. Le grand fauteuil noir n'est pas à sa taille, la table souffre de trop de rigueur. Mais il a suffi de quelques fleurs, de photos de ses deux enfants et petits-enfants, d'un désordre organisé, et les locaux, « avec les moyens de bord », se sont vite enrobés d'un parfum plus doux. Ce matin de janvier 2002, la surprise est en effet double lorsque sa nomination inattendue au ministère du Tourisme est annoncée. Une femme d'abord, et qui plus est, venant du monde de l'éducation... « Je l'avais moi-même appris au journal télévisé. D'abord paniquée par cette lourde responsabilité, je me suis rapidement attelée à étudier les lois, connaître chacun des fonctionnaires, il y en avait 160, les rouages du métier. À me faire connaître avant de m'imposer. »
Il est 10 heures, la journée de madame la directrice a déjà démarré depuis un moment. Une petite réunion informelle s'est improvisée avec ses proches collaborateurs. Entre deux voyages rapides, autant de salons à voir - « le shopping, ce sera pour une autre fois ! » - et des projets à finaliser, elle donne ses dernières consignes debout. Deux cafés entamés et vite refroidis sont abandonnés sur la table, auprès des livres, guides et autres dossiers en cours. « Allez-y ! », lance-t-elle à sa troupe avec le sourire. Pas étonnant que ses enfants l'appellent « la tornade ! » « Je suis transparente, confie-t-elle. Très "porte ouverte". » Éteint donc, le bouton rouge au mur, ce fameux sésame qui donne accès au bureau du « boss ». Exit, le formalisme superflu. Nada Sardouk, qui n'a pas de temps à perdre, répond au téléphone si sa secrétaire est absente. N'hésite pas à interrompre une discussion pour appeler certaines autorités et les prier, au nom d'un tourisme civilisé et du respect de l'autre, de remplacer en termes plus nobles l'insultant panneau « espace réservé aux bonnes », à l'aéroport Rafic Hariri.
« Il faut souvent être persévérante, voire harceler, pour atteindre ses objectifs. » Dans ce monde d'hommes où elle a été combattue, « haïe même », précise-t-elle, elle a dû imposer ses marques. En véritable femme d'intérieur, elle avoue avoir « fait le ménage ». « J'ai dérouillé une machine assez lourde. Tout ce qui était écrit a été relifté. J'ai essayé de simplifier les choses et de faciliter l'accès aux informations. » Son guide du Liban, clair et actualisé, traduit en 12 langues - une version braille est même en cours -, en est un exemple.

Parcours de combattante
« J'ai eu la chance de grandir dans un milieu où les mots-clefs étaient dynamisme, positivisme, ouverture d'esprit, » confie-t-elle. Enfant de Ras el-Nabeh, élève de la Mission laïque française, « mon père était très attiré par les deux mots magiques : laïcité et francophonie », elle se tourne vers le journalisme puis la pédagogie et les langues.
Mariée et jeune mère, un Capes sous le bras, Nada Sardouk Ghandour entre dans l'enseignement secondaire comme on entre au couvant. « Une mission difficile, absurde par moments, lorsqu' il fallait enseigner Emma Bovary à des jeunes dans un contexte où le seul langage courant était la guerre et la violence. » Quelques années plus tard, « j'ai senti que ça suffisait », elle intègre l'Inspection centrale et devient un fervent inspecteur pédagogique. « C'était un chantier passionnant. Nous avons travaillé durant dix ans sur la réforme des programmes, des manuels scolaires et sur la formation des éducateurs, pour développer chez l'élève, parallèlement au savoir, un savoir-faire et un savoir-être. »
Et puis un jour, « mes enfants avaient grandi, j'avais un peu de temps, je me suis réinscrite en fac ! ». Son DEA sur « les compétences langagières » lui donne envie d'encore plus. « J'ai commencé à rédiger mon doctorat et... surprise : alors que j'avais présenté mon dossier à l'Inspection pour le poste de directeur général, je me retrouve sans coup de pouce dans un monde qui ne m'était pas familier. » Dans des conditions difficiles, un manque de budget, une situation locale inquiétante, notamment pour le tourisme, des attentats et des saisons gâchées par des décisions guerrières, son ministère a poursuivi sa tâche de fourmi, par moments don Quichottienne. Les étés ensoleillés, elle redevient cigale, heureuse de constater, et les chiffres sont là pour l'appuyer, que les étrangers ont continué à venir à Beyrouth, « the place to be », selon les termes du New York Times.
 
Un calendrier chargé
C'est avec la même énergie que l'inspecteur, devenu directrice générale, entraîne son armée dans des projets à venir. Son calendrier 2009 foisonne d'événements qui auront lieu au Liban, parmi lesquels, la Journée mondiale de la Francophonie, le 20 mars, le lancement de « Beyrouth, capitale mondiale du livre », le 23 avril et, enfin, les VIes Jeux de la Francophonie, du 27 septembre au 6 octobre.
Le ministère travaille également sur la réactualisation des brochures devenues obsolètes sur « les lieux de culte au Liban » et le lancement en mai, inch'allah, des « 20 sentiers de la foi » : un itinéraire religieux d'un ou deux jours, toutes religions confondues, proposé aux agences de voyages et accompagné de cartes, d'imprimés et d'un petit livre. Enfin, trois publications illustrées pour enfants, sous le titre Kazdoura, leur permettront de se promener dans leur ville.
« Il nous reste tellement de choses à faire », conclut la femme pressée. Elle court, elle court, Nada Sardouk, qui a même participé au Marathon de Beyrouth. « J'ai triché un peu, mais c'était pour la bonne cause ! » 
Les bureaux dont a hérité Nada Sardouk sont visiblement très masculins. Le grand fauteuil noir n'est pas à sa taille, la table souffre de trop de rigueur. Mais il a suffi de quelques fleurs, de photos de ses deux enfants et petits-enfants, d'un désordre organisé, et les locaux, « avec les moyens de bord », se sont vite enrobés...

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