« Dures leçons : l’expérience de la reconstruction de l’Irak » est le titre d’un pavé de 513 pages qui retrace les diverses étapes d’une tentative avortée, appelé à paraître dans un proche avenir mais dont, tant à Washington qu’à Bagdad, on peut déjà se procurer de larges extraits, répercutés par le New...
Actualités - OPINION
Le point Fin de mission Christian Merville
Par MERVILLE Christian, le 18 décembre 2008 à 00h00
Une guerre, qui n’a jamais voulu dire son nom, est sur le point de prendre fin ; une autre guerre (re)commence qui, en réalité, n’avait jamais cessé. Et le monde en cette heure de bilan de fin d’année s’interroge, n’ayant eu droit à ce jour, sur l’une et l’autre, qu’à des réponses évasives qui n’expliquent rien et justifient encore moins, aux pointes de l’Asie, des expéditions dont tout le monde s’accorde à prédire qu’elles étaient au départ condamnées à tourner court.
« Dures leçons : l’expérience de la reconstruction de l’Irak » est le titre d’un pavé de 513 pages qui retrace les diverses étapes d’une tentative avortée, appelé à paraître dans un proche avenir mais dont, tant à Washington qu’à Bagdad, on peut déjà se procurer de larges extraits, répercutés par le New York Times et par le site ProPublica. Édifiant. Ainsi de cet échange ubuesque, à la veille du déclenchement de l’opération « Shock and Awe », entre Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la Défense, et Jay Garner, appelé à devenir le premier et éphémère « haut commissaire » US sur les bords de l’Euphrate. Au sein de l’administration républicaine où l’on dresse des plans d’attaque, nul n’ignore que les dégâts seront énormes et qu’il faudra un vaste plan destiné à effacer les séquelles de la guerre à venir. Mais quel en sera le prix ? À cette question, Garner apporte une réponse prudente : « Je pense que cela coûtera des milliards de dollars. » La réaction fuse, sèche : « Mon ami, si vous croyez que nous allons dépenser là-bas un milliard de notre argent, vous vous trompez lourdement. » On était alors dans les derniers jours de février. Avant la fin de l’année, Washington faisait ses comptes et découvrait que près de 30 milliards avaient déjà été engloutis dans des projets à travers le pays. Et encore n’avait-on pas calculé le prix des opérations militaires elles-mêmes, ni celui des innombrables erreurs de jugement commises, bien entendu, au nom d’une douteuse efficacité dont on attend toujours les bénéfiques effets. Pour de plus amples détails, on est prié de se référer aux bilans de Halliburton, l’entreprise qui a fait son argent en multipliant dans le pays les chantiers hypothétiques.
Un exemple de la manière dont (dys)fonctionnait le système : dans les mois qui suivirent l’invasion, raconte aujourd’hui l’ancien secrétaire d’État Colin Powell, nous étions quotidiennement bombardés par le département de la Défense de détails sur les effectifs des forces de sécurité irakiennes, dont le total augmentait de jour en jour, au gré des besoins médiatiques de l’administration, bondissant de 20 000 à 80 000, puis à 120 000. Le tout sur fond de demandes de rallonges budgétaires destinées en réalité à satisfaire l’appétit de politiciens irakiens ou de chefs de tribu qui monnayaient au prix fort une allégeance sans cesse changeante. Les révélations du héros de la première guerre du Golfe, devenu chef de la diplomatie avant de se transformer en critique virulent de George W. Bush, sont confirmées par le général Ricardo Sanchez, qui fut un temps responsable des troupes US dans le pays.
Le plus frustrant, reconnaît-on aujourd’hui dans la capitale fédérale, c’est que les sommes colossales englouties dans les sables mésopotamiens n’ont servi qu’à restaurer ou à remplacer ce qui avait été détruit ou pillé. Bilan non définitif : 117 milliards de dollars, dont 50 proviennent des taxes du contribuable yankee.
C’est une réédition de cette débâcle, financière autant que militaire, que l’on prépare maintenant, en Afghanistan. Avec probablement des résultats tout aussi probants. En clair : le maintien sur place de 30 000 GI coûte au Pentagone le coquet montant de 2 milliards de dollars par mois. Or les États-Unis ont engagé aux côtés du régime de Hamid Karzaï quelque 36 000 hommes de troupe auxquels il convient d’ajouter 17 500 soldats enrôlés sous le drapeau des Nations unies et 18 000 spécialistes de la contre-insurrection. Dans un livre paru récemment (1), Ahmed Rashid dresse de la situation un tableau inquiétant. Citant l’organisation Rand Corporation, qui situe à 100 dollars per capita la somme nécessaire à la stabilisation d’un pays en guerre, il indique que Kaboul a reçu 57 dollars par habitant, contre 679 dollars pour la Bosnie et 526 dollars pour le Kosovo. L’économie continue de reposer pour l’essentiel sur la culture de l’opium (90 pour cent de la production mondiale) alors que 95 pour cent des habitants de la capitale sont privés d’électricité, que l’espérance de vie ne dépasse pas 45 ans et que l’unique manifestation d’un semblant de démocratie est représentée par la loya jurga, assemblée de notables aux jugements sans appel. Entre 2003 et 2005, 860 millions de dollars ont été consacrés à la formation de 40 000 policiers afghans, une mission confiée à DynCorp International et demeurée sans effet.
À Bagdad hier, le Premier ministre britannique Gordon Brown annonçait le plus sérieusement du monde le rappel, l’an prochain, de ses troupes, qui ont contribué à « bâtir une démocratie pour l’avenir ». La précision de temps est importante, car pour ce qui est du présent…
(1) Descent into Chaos, Ahmed Rashid – Viking 2008.
Une guerre, qui n’a jamais voulu dire son nom, est sur le point de prendre fin ; une autre guerre (re)commence qui, en réalité, n’avait jamais cessé. Et le monde en cette heure de bilan de fin d’année s’interroge, n’ayant eu droit à ce jour, sur l’une et l’autre, qu’à des réponses évasives qui n’expliquent rien et justifient encore moins, aux pointes de l’Asie, des expéditions dont tout le monde s’accorde à prédire qu’elles étaient au départ condamnées à tourner court.
« Dures leçons : l’expérience de la reconstruction de l’Irak » est le titre d’un pavé de 513 pages qui retrace les diverses étapes d’une tentative avortée, appelé à paraître dans un proche avenir mais dont, tant à Washington qu’à Bagdad, on peut déjà se procurer de larges extraits, répercutés par le New...
« Dures leçons : l’expérience de la reconstruction de l’Irak » est le titre d’un pavé de 513 pages qui retrace les diverses étapes d’une tentative avortée, appelé à paraître dans un proche avenir mais dont, tant à Washington qu’à Bagdad, on peut déjà se procurer de larges extraits, répercutés par le New...
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