Rechercher
Rechercher

Actualités

Être chrétien d’Orient Férial M. ASSHA

« Quel avenir pour les chrétiens d’Orient ? » C’est la question que mon père n’arrêtait pas de se poser avec des yeux si désespérés que la réponse ne se faisait pas attendre. Aujourd’hui, je me dis que la question en elle-même avait le mérite de révéler un certain optimisme. Il se sentait au moins « chrétien d’Orient ». Aujourd’hui, je me regarde dans la glace : je ne suis rien… Je préfère être de ceux qui ferment la porte de leur chambre et se retrouvent seuls pour prier. Je préfère vivre la Parole de Dieu dans le regard que je porte sur les autres. Toutes ces manifestations où Dieu ne s’est jamais senti aussi mal qu’enfermé dans toutes ces mises en scène taillées à la mesure de masses fanatisées par la peur et l’ennui, j’en suis revenue. Mais alors quelles seraient mon appartenance, ma culture ? Avec tout le respect que je dois à tous ceux qui ont donné leur vie pour que vivent les leurs, j’ai l’affreux sentiment de marcher entre les dépouilles de ceux qui sont partis pour une cause qui n’en est pas une… Ne sommes-nous pas réduits, nous héritiers d’une grande civilisation arabe, à nous battre pour des semblants de territoires tailladés par des guerres fratricides sanglantes alimentées par des manipulateurs qui font de nos faiblesses leur force ? Pourquoi nous, Arabes, nous sommes-nous laissé faire ? À la chute de l’Empire ottoman, qui sévit près de quatre siècles, succéda le colonialisme occidental dès la moitie du XIXe siècle, lequel s’est étendu de l’Afrique du Nord jusqu’aux confins de la péninsule Arabique en passant par l’Irak et la Grande Syrie. Pourquoi l’association secrète arabo-islamo-chrétienne de Beyrouth (1876) n’a-t-elle pas trouvé l’écho nécessaire pour faire de cette conception visionnaire du monde arabe une entité indéfectible, incomparable par ses richesses culturelles, géographiques, historiques et économiques, à l’instar de l’Union européenne aujourd’hui ? Pourquoi « le réveil de la nation arabe » prôné par Nagib Azouri en 1905 n’a-t-il pas soulevé les masses un siècle plus tôt : indépendance 1905 ? Pourquoi le rêve de cet empire arabe du Tigre et de l’Euphrate au canal de Suez, de la mer Méditerranée à la mer d’Oman, n’a-t-il pas vu le jour ? Était-ce trop beau pour nous ? Pourquoi le limogeage de Fayçal, qui se battait aux côtés d’Allenby durant la Première Guerre mondiale, n’a-t-il pas mobilisé les foules et empêché le morcellement de la région ? Michel Aflak et Antoun Saadé étaient-ils simplement des illuminés ou mesuraient-ils à juste titre la grandeur de la nation arabe ? N’est-ce pas la corruption et la complaisance des Arabes eux-mêmes qui ont aidé à l’implantation de la nation juive comme un mur de séparation entre le monde arabe de l’Ouest et celui de l’Est ? Pourquoi la solidarité d’un peuple qui se veut élu, et qui est traité en conséquence, défie-t-il tous les équilibres de force du monde ? Pourquoi nous, Arabes, ne serions pas des élus ? Ne sommes-nous pas issus de ce même peuple sémite ? Qu’avons-nous fait de notre arabité ? Qu’avons-nous fait de cette opportunité de se réveiller à Palmyre, de déjeuner à Baalbeck, de voir le soleil se coucher sur Jérusalem avant de repartir à l’aube pour Petra ? Ne sommes-nous pas des criminels pour avoir renié ce paradis ? Ne sommes-nous pas des ignorants pour qu’un siècle plus tard nous en soyons encore à tergiverser sur les moyens d’entente entre chrétiens d’une même place (la place Sassine en l’occurrence) ? Et la misère des Palestiniens dans les camps de Sabra et de Chatila, soixante ans après leur installation au Liban, qui en est aujourd’hui directement responsable ? L’État d’Israël peut-être ? Aujourd’hui, on me force à ne pas voir plus loin que le bout de ma rue… Non, de mon immeuble, car dans ma rue, les valets parking du restaurant d’en face m’empêchent de rentrer chez moi… Article paru le samedi 18 octobre 2008
« Quel avenir pour les chrétiens d’Orient ? » C’est la question que mon père n’arrêtait pas de se poser avec des yeux si désespérés que la réponse ne se faisait pas attendre.
Aujourd’hui, je me dis que la question en elle-même avait le mérite de révéler un certain optimisme. Il se sentait au moins « chrétien d’Orient ».
Aujourd’hui, je me regarde dans...