Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Cimaises parisiennes Les marcheurs d’un Liban blessé

« Arrêt sur le Liban : Traces », une exposition à Sully-sur-Loire de Sybille Friedel. Dans la vaste nef de l’église Saint-Germain de Sully-sur-Loire, longtemps désaffectée et récemment restaurée, le Liban se décline, jusqu’au 19 octobre, sous forme d’idéogrammes en bois, dessinés ou sculptés par Sybille Friedel, sur une mise en scène de Nabil el-Azan et avec le soutien du service culturel de la mairie de Sully-sur-Loire. Le visiteur qui pénètre dans la très belle église du XVe siècle est aussitôt accueilli par les chuchotements de récitants disant les vers chargés de rêves ou de nostalgie des poètes du Liban, Fouad Abi Zeyd, Adonis, Etel Adnan, Ounsi el-Hage, Vénus Khoury-Ghata, Fouad Naffah, Georges Schéhadé, Salah Stétié, Nadia Tuéni. Ce sont les détecteurs d’une installation poétique insolite imaginée par Nabil el-Azan pour faire parler les « marcheurs », sculptures en bronze de Sybille Friedel, qui peuplent l’église et qui complètent les dessins calligraphiques exposés par l’artiste. Sous le regard de Jésus et de ses apôtres, sculptés sur un bas-relief magnifique à la peinture écaillée trônant dans la nef centrale, le visiteur est invité à une expérience sensorielle mêlant peinture, sculpture et poésie. Cette expérience reproduit parfaitement le drame libanais qui a inspiré l’artiste. Les œuvres calligraphiques exposées ou les formes en bois sculptées flottant dans l’air en grappes verticales sont en effet les « traces » d’un voyage effectué par Sybille Friedel au Liban, à l’automne 2006, au moment où les plaies de la guerre de juillet sont encore vives. De ce séjour au pays du Cèdre, Sybille Friedel retire des impressions, des sensations, qu’elle transcrit en encre de Chine sur papier de riz, à son retour en France. Le résultat est une série de traits noirs, de dégradés de gris et de jeux de transparence, qui reproduisent tous le même thème : une foule immobile, que l’on pourrait assimiler à des stèles ou des monolithes. Le contraste est posé avec ses sculptures élancées de « marcheurs » qui, eux, semblent aspirer à la transcendance. Il ne faut pas demander à Friedel ce qu’elle a voulu exprimer à travers ce qu’elle expose. « C’est une impression du Liban que j’ai retenue et qui est sortie comme un jaillissement. C’est purement personnel, je n’ai pas du tout envie de l’expliquer », dit-elle. Quant à ces superpositions de gris et de noirs sur fond blanc, elle affirme : « Moi je les vois en couleurs. Je vois des vibrations de lumière. » C’est Nabil el-Azan qui intervient pour donner un sens à tout cela, que ce soit au niveau du ressenti ou de l’installation réalisée pour mettre en valeur et en paroles le « feeling » de Friedel. « En voyant ce même paysage de rassemblement que Sybille a peint sur toutes ses toiles, j’ai cru voir des gens debout, vivants et morts, se demandant ce qui leur est arrivé, explique-t-il. Ce sont des Libanais qui se rassemblent jusqu’à l’abstraction, une volonté de s’arracher aux traces dramatiques, de les transcender. D’où le sens des marcheurs. C’est finalement un message universel car cela concerne tout le monde, pas seulement les Libanais. » Sur le choix des poèmes, il dit avoir délibérément choisi des textes de poètes ayant vécu au moment de la naissance du Liban. « Je voulais des poètes qui ont cru à l’universalité de ce pays, à sa diversité, et qui l’ont reflété dans leurs écrits, affirme-t-il. À partir du drame de l’appartenance, il fallait atteindre à l’universalité, s’arracher aux traces de la guerre, à la mutilation des corps et de la mémoire, et suivre une quête métaphysique, qui est de l’ordre du rêve et du spirituel. Ce message prend encore plus de force en choisissant une église comme lieu d’exposition. » Quand le visiteur s’arrête au bout du parcours proposé, les détecteurs s’éteignent et le silence s’installe, comme un espace de méditation. Il reste, au fond, le murmure d’une voix récitant le dernier vers du poème de Georges Schéhadé, Le nageur d’un seul amour : « Comment mourir quand on peut encore rêver. » Tout le sens de l’exposition peut être condensé dans cette phrase. C. D. * * * La première sélection du prix Interallié Bruno de Cessole : L’heure de la fermeture dans les jardins d’Occident (La Différence) Christophe Bataille : Le rêve de Machiavel (Grasset) Antoine Sénanque : L’ami de jeunesse (Grasset) Colombe Schneck : Val de Grâce (Stock) Jean-Paul Enthoven : Ce que nous avons eu de meilleur (Grasset) Michel Le Bris : La beauté du monde (Grasset) Benoît Duteurtre : Les pieds dans l’eau (Gallimard) Serge Bramly : Le premier principe. Le second principe (Lattès) François Cérésa : Les moustaches de Staline (Fayard) Dominique Jamet : Un traître (Flammarion) Sorj Chalandon : Mon traître (Grasset).
« Arrêt sur le Liban : Traces », une
exposition à Sully-sur-Loire de Sybille Friedel.
Dans la vaste nef de l’église Saint-Germain de Sully-sur-Loire, longtemps désaffectée et récemment restaurée, le Liban se décline, jusqu’au 19 octobre, sous forme d’idéogrammes en bois, dessinés ou sculptés par Sybille Friedel, sur une mise en scène de Nabil el-Azan et avec le soutien du...