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Actualités - OPINION

Le bloc-notes de Abdo Chakhtoura Le roi nu

Le président Michel Sleimane est un homme fondamentalement honnête ; honnête jusqu’à la lie (sic) en pensée, par action et même par omission ; ce dernier mot pour préciser qu’il a les nerfs solides, qu’il sait encaisser et attendre le bon moment pour agir ou même réagir. Tel est le commentaire entendu, lors d’un dîner en ville, de la bouche d’une jeune femme, proche du chef de l’État pour être, comme lui, originaire de la région de Jbeil, connue, par ailleurs, comme étant mesurée, réfléchie, bien pensante et loin de tout enthousiasme partisan. Pour rassurant qu’il soit, ce jugement favorable ne manque pas de susciter également de sourdes inquiétudes dans un pays où la politique est souvent, plus qu’ailleurs, synonyme de ruses, d’intrigues, de mensonges et de coups tordus ; sans compter cette fâcheuse tendance de certains protagonistes – on l’a vu à Beyrouth, dans la Montagne et ailleurs – à recourir aux armes pour conquérir le pouvoir. Aucun Libanais, sauf à être de mauvaise foi, ne peut, en ce début de sexennat, mettre en doute les qualités du président de la République. Il a jusqu’à présent réussi un sans-faute, malgré les innombrables pièges qui lui ont été tendus, dans ses tentatives d’apaiser les tensions, de renforcer les institutions et d’amener les adversaires à composer. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres car la mission est ardue sinon impossible. Sur qui alors peut-il vraiment compter pour l’aider dans cette tâche, mis à part son ami et fidèle conseiller, l’ancien député Nazem Khoury, réputé pour être tout aussi honnête que lui ? Les 14 chevaliers de la table (pas ronde) de dialogue ? Jugez-en par vous-mêmes. Aussitôt réunis, aussitôt fatigués (ce doit être sûrement les chaises !). La seule décision prise au bout de trois heures de conciliabules, c’est de se donner, il n’y a pas péril en la demeure, un long congé de 50 jours. Cinquante jours seulement dans une région hautement inflammable, qui peut basculer en quelques heures dans un conflit sanglant. Une répétition de la guerre aveugle contre le Liban comme en 2006 ? Possible, puisqu’Israël et le Hezbollah n’en finissent pas d’échanger les menaces mettant le pays à la merci du premier dérapage venu. Et ce ne sont pas les ah si j’avais su ! de sayyed Hassan Nasrallah qui empêcheront de nouveaux morts et de nouvelles destructions, autant aux frontières qu’à l’intérieur du pays, avec le danger de rallumer cette redoutable fitna entre Libanais. Un bombardement américain ou israélien sur l’Iran ? Également possible, avec les retombées que l’on redoute contre notre territoire, le Hezbollah étant le bras armé de Téhéran aux portes de l’État hébreu. Mais tout ceci n’est que bagatelle pour nos preux chevaliers qui, quoi qu’il advienne, ne rejoindront la table que le 5 novembre prochain au lendemain de la présidentielle US. Qui d’autre peut donc aider le président ? Le gouvernement ? Empêtré dans ses contradictions, paralysé par la règle imbécile sur la minorité de blocage, le Conseil des ministres peine à taire ses divergences et à étouffer la contestation en son sein. Un ministre, Alain Tabourian, décide-t-il de démocratiser l’électricité et de la distribuer de manière égale entre les régions, il est rapidement désavoué par ses collègues, les uns et les autres s’accusant de menées électoralistes. Un autre ministre, Ibrahim Chamseddine, s’insurge-t-il contre l’atmosphère qui préside aux discussions du Conseil, c’est un cri dans le désert salué par des sourires entendus sur la révolte du bleu en question. Et le Parlement ? Occupés en apparence à préparer la nouvelle loi éléctorale, les députés pensent, dans le meilleur des cas, à assurer leur réélection ; tandis que d’autres du 14 Mars soutiennent mordicus qu’il n’y aura pas de législatives et que, le moment venu, la Chambre votera la prorogation de son propre mandat. Un troisième courant libre, si l’on peut dire, ne cache pas son souhait, plusieurs fois exprimé, de remettre en cause l’élection du chef de l’État pour vice constitutionnel. Quid de l’armée ? Malmenée dans toutes les régions, mobilisée depuis plus de trois ans, elle en est réduite à compter les coups qui ne l’épargnent même pas. Allez, le président va sûrement être aidé par sa propre communauté ! Évidemment pas puisqu’elle est occupée à s’entredéchirer allègrement, les armes à la main. Reste l’opinion publique me diriez-vous ? Pas mieux ! À part la toute petite minorité désormais complètement silencieuse, elle est devenue, au mieux, une somme d’opinions privées, rattachée chacune aveuglément à son chef politique ou communautaire. Le tableau est sombre, admettons-le, et à moins d’un sursaut qui redonnerait du tonus à Michel Sleiman, le pays pourrait être entraîné, de nouveau, dans la spirale sans fin d’une terrible violence. Dans ce cas, après avoir eu, pendant six mois interminables, une république sans président, le Liban risque fort d’avoir, pour beaucoup plus longtemps, un président sans république. Abdo Chakhtoura
Le président Michel Sleimane est un homme fondamentalement honnête ; honnête jusqu’à la lie (sic) en pensée, par action et même par omission ; ce dernier mot pour préciser qu’il a les nerfs solides, qu’il sait encaisser et attendre le bon moment pour agir ou même réagir.
Tel est le commentaire entendu, lors d’un dîner en ville, de la bouche d’une jeune femme, proche du chef...