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Actualités - OPINION

LE POINT Sisyphe irakien Christian MERVILLE

En Irak plus qu’ailleurs, si l’on veut éviter de brutaux réveils, il faut se garder de crier trop vite victoire. Désolante illustration de cet axiome : dimanche, sept pèlerins ont été abattus alors qu’ils se rendaient au sanctuaire de l’imam Moussa al-Kazem aux abords de la capitale, pour la 1 209e commémoration de son assassinat sur les ordres du calife abbasside Haroun al-Rachid. Hier, une série d’attentats perpétrés dans la capitale et à Kirkouk ont ensanglanté le pays. Bilan de la journée, la plus sanglante depuis des semaines : 50 tués au moins et quatre fois plus de blessés. Du coup, les démons que l’on croyait à jamais disparus ressurgissent, et avec eux les critiques des sceptiques qui n’avaient jamais cru possible, nous disent-ils maintenant, la fin imminente de cette guerre. Réveillés aussi les doutes sur les effets du « surge » décidé par les généraux américains et la confirmation que le fameux mirage démocratique que la Maison-Blanche a si longtemps fait miroiter aux yeux de l’opinion publique est décidément difficile, sinon impossible, à atteindre. Il y a neuf mois, les médias répercutaient la jubilation de l’état-major US, relayée par le gouvernement local et les grandes capitales. La réussite semblait alors à portée de main avec des chiffres pour le moins convaincants : pour le mois de septembre, les pertes civiles étaient en baisse de 52 pour cent par rapport au mois d’août et celles des militaires de 23 pour cent. Pour la période correspondante de 2006, les statistiques étaient plus impressionnantes encore, indiquant une chute de 77 pour cent pour les pertes civiles, de 10 pour cent pour les GI. Quatre mois plus tard, le réveil se révélait brutal, qui voyait les éditorialistes américains faire assaut de pessimisme et multiplier les interrogations et les constatations qui dérangent : le pays est moins sûr qu’annoncé ; l’oasis de paix promise par les stratèges du Pentagone tarde à être aménagée ; la violence a repris ses droits ; le tournant amorcé n’est plus que chimère. Dans les tout premiers jours de ce mois de mars 2008, deux bombes avaient explosé dans la banlieue chiite de Karrada, précédées de deux attentats à la voiture piégée. L’hécatombe avait été terrible : 92 tués, près de 200 blessés. La période des grands déplacements pour des motifs purement religieux coïncide avec des accidents qui prennent le plus souvent des allures cataclysmiques. Comme en 2005, quand une gigantesque bousculade causée par des rumeurs d’attentat sur un pont avait laissé sur le terrain un millier de morts, piétinés pour la plupart. Ainsi va la vie – ou plutôt la mort – sur les bords de l’Euphrate, non plus en ligne continue mais en pointillé, comme si le souffle, pris d’un affolement soudain, se mettait à alterner avec l’apnée. Manque de chance : la flambée au début de cette semaine – annonciatrice d’une nouvelle étape encore plus sanglante que les précédentes ? – survient au moment où la campagne présidentielle américaine amorce son dernier virage avant d’aborder la ligne droite précédant l’arrivée, au soir du 4 novembre. Et les deux candidats faisaient assaut, jusqu’à dimanche dernier, de propos laudatifs sur le succès de la pacification engagée par le général Petraeus. Le major général Mark Hertling, chef des opérations militaires dans le nord irakien, soulignait, pas plus tard que le week-end dernier, que des villes comme Mossoul et Baaqouba, jadis fiefs de la résistance contre les forces de la coalition, avaient retrouvé un semblant de normalité et se payaient même le luxe d’engager un vaste processus de reconstruction. Ce haut gradé citait l’exemple du marché de la grande métropole septentrionale, « qui regorge de clients aujourd’hui alors qu’il ressemblait il y a peu à une cité fantôme ». C’est donc dans un contexte nettement marqué par un regain d’optimisme que le Bureau du budget relevant du Congrès vient de publier ses chiffres sur le coût des guerres d’Irak et d’Afghanistan, comme en réponse au livre-brûlot de Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, The Three Trillion Dollar War. On apprend en lisant ce document que jusqu’en 2017, les États-Unis auront claqué entre 1,2 et 1,7 mille milliards de dollars, soit « seulement » la moitié du chiffre avancé dans le livre du prix Nobel d’économie. Quand on sait que cette somme colossale aura été généreusement prêtée au Trésor par des amis qui ne lui veulent pas que du bien, on comprend que le malheureux billet vert ne soit pas au mieux de sa forme, en dépit des assurances de M. George W. Bush, qui voit dans la santé chancelante de la monnaie nationale (et même internationale) une raison de croire en un redémarrage foudroyant des exportations. Pour l’instant, elle souffre d’anémie pernicieuse, l’économie de l’unique superpuissance, et avec elle c’est le monde entier qui risque de s’aliter. Tout cela pour une vaseuse histoire d’armes de destruction massive qu’on ne fait même plus semblant de chercher. Ou quand le rêve américain tourne au cauchemar…
En Irak plus qu’ailleurs, si l’on veut éviter de brutaux réveils, il faut se garder de crier trop vite victoire. Désolante illustration de cet axiome : dimanche, sept pèlerins ont été abattus alors qu’ils se rendaient au sanctuaire de l’imam Moussa al-Kazem aux abords de la capitale, pour la 1 209e commémoration de son assassinat sur les ordres du calife abbasside Haroun al-Rachid. Hier, une série d’attentats perpétrés dans la capitale et à Kirkouk ont ensanglanté le pays. Bilan de la journée, la plus sanglante depuis des semaines : 50 tués au moins et quatre fois plus de blessés. Du coup, les démons que l’on croyait à jamais disparus ressurgissent, et avec eux les critiques des sceptiques qui n’avaient jamais cru possible, nous disent-ils maintenant, la fin imminente de cette guerre. Réveillés aussi les...