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Actualités - OPINION

Perspectives au Moyen-Orient II.- En attendant une nouvelle administration US

L’impasse que je viens de décrire aboutit pour le moment à des prises de position qui révèlent pour le moins l’absence d’une communauté de vues entre les parties prenantes au conflit et dans chaque camp. Je n’en citerai que quelques-unes, répondant ainsi à la deuxième question. Sur l’Irak, la question la plus brûlante est celle de l’avenir des troupes américaines dans ce pays. Le 7 juillet, le Premier ministre Nouri el-Maliki demande que dans l’accord soit précisé un calendrier de retrait de l’armée américaine. Or le lendemain, le porte-parole de la Maison-Blanche s’y oppose. Sur l’Iran, le 30 juin, une source du Pentagone déclare au Washington Post que si l’Iran enrichissait l’uranium à un degré avancé et que s’il obtenait le système de défense antiaérien russe SA20, les États-Unis l’attaquerait. Cette information fut démentie le lendemain par la Maison-Blanche1. Le 29 juin, le journaliste Simon Hirsch dévoile dans le New Yorker que le président Bush a obtenu du Congrès 400 millions de dollars pour déstabiliser l’Iran, alors que le 24 du même mois, la secrétaire d’État évoquait la possibilité d’ouvrir un bureau de représentation d’intérêts communs à Téhéran, initiative saluée positivement par Manouchehr Mottaki, ministre des Affaires étrangères iranien. À la suite des propositions des grandes puissances à l’Iran pour l’inciter à geler l’enrichissement de l’uranium, la réponse du président Ahmadinejad fut un refus ferme. Ce qui n’était pas l’avis du conseiller de l’imam Khamenei, Ali Akbar Willayati, qui critique les provocations de son président et lui demande d’accepter les incitations de l’Occident (Voir L’Orient-Le Jour du vendredi 18 juillet 2 008). La Syrie, tout en menant des négociations avec Israël et en déclarant par la bouche de son président que l’ambiance au Moyen-Orient est propice à un accord de paix, a signé le 26 juin un accord de coopération militaire avec l’Iran. Le Premier ministre israélien déclare vouloir faire des concessions douloureuses, dont la restitution du Golan. Mais une loi proposée entre autres par un député de Kadima passe le 30 juin en première lecture au Parlement. Elle stipule que pour restituer le Golan, il faut soit le vote positif des deux tiers des voix de la Knesset, soit l’organisation d’un référendum populaire. Or les deux tiers de la Knesset ne sont pas acquis à cette restitution et un sondage d’opinion effectué par l’Institut Menahem Bégin indique que 70?% des Israéliens y sont opposés. Si le Hamas refuse toujours de reconnaître Israël, Khaled Mechaal déclarait le 24 mars qu’il accepterait un État palestinien dans les frontières de 1967. Tout cela veut dire que toutes les options sont encore ouvertes, la paix comme la guerre. S’il faut prévoir dans quel sens penchera la balance, il faut avant répondre à la troisième question?: quelles sont les constantes de chaque pays?? Pour les États-Unis, la sécurité d’Israël et celle de ses approvisionnements en pétrole occupent le haut de liste. S’y ajoute une retraite honorable d’Irak et le souci d’y laisser un régime allié. L’Iran cherche désespérément le moyen de sortir de l’affrontement stérile qui l’oppose à l’Occident pour pouvoir reconstruire un pays exsangue par 29 ans de confrontation, tantôt armée contre l’Irak, tantôt économique avec les sanctions que les grandes puissances lui imposent. La flambée des prix du pétrole qui ne saurait durer éternellement est une opportunité que l’Iran ne veut pas perdre. Il souhaite également que son rôle de puissance régionale lui soit définitivement reconnu. La Syrie – qui subit le même isolement?–, si elle récupérait le Golan, une reconnaissance internationale et garantissait le maintien de son régime, serait prête pour la paix. Israël veut, elle aussi, la paix et la disparition de toutes les menaces qui remettent en cause son existence dans les frontières qu’elle-même est en train de définir pour la première fois de son existence. Ses limites seraient celles du mur qui la sépare des territoires occupés, la frontière internationale avec le Liban et la mer. Les Palestiniens, toutes factions confondues, veulent un État viable, Jérusalem-Est comme capitale et le droit de retour de la diaspora dans ce futur État. Or pour ce qui est de l’Iran, le conflit tourne autour de son programme nucléaire. Celui-ci, tel qu’il est conduit actuellement par le régime, est absolument absurde. L’Iran possède dans son sous-sol de l’uranium apte à être enrichi, pour une durée maximale de dix ans, et ce, pour faire tourner uniquement trois centrales. Il ne possède pas les moyens techniques pour en traiter les déchets. Et le plutonium que doit produire l’usine d’eau lourde de Natanz est destiné à un type de centrale dont il ne dispose pas et qu’il n’a jamais annoncé l’intention d’acquérir. En Irak et dans le monde arabe, l’Iran mène une politique expansive. Celle-ci, qui lui coûte cher, n’a réussi jusqu’à présent qu’à monter les gouvernements arabes, à l’exception de la Syrie, contre cette expansion et à mettre en danger toutes les minorités chiites du monde arabe, soupçonnées d’allégeance au grand frère iranien. Tout cela veut dire que si les négociations venaient à aboutir avec les grandes puissances, sur un enrichissement de l’uranium en dehors du territoire iranien, et si l’Iran cessait son ingérence dans les affaires de ses voisins, l’Occident et le monde arabe seraient disposés à lui reconnaître un statut particulier et le réintégreraient dans le concert des nations. Le régime syrien, lui, bénéficiait jusque-là de l’indulgence israélienne tant qu’il tenait à bonne distance les groupuscules armés qui le menaçaient à partir de sa frontière ou celle du Liban. Or la donne actuellement a changé. Les intégristes du Hamas et l’Iran, par l’entremise du Hezbollah doté de milliers de missiles, sont aux portes d’Israël. Cela, l’État hébreu ne peut l’admettre. Un régime allié de l’Iran protégeant les extrémistes religieux devient une menace qu’il faut éliminer. Un premier coup de semonce fut le bombardement par Israël de la prétendue installation nucléaire syrienne. La Syrie aurait-elle compris le message?? L’assassinat de Imad Moghniyé, que beaucoup attribuent aux Syriens, et la mise à l’écart de Assef Chawkat seraient-ils les premiers gages de bonne volonté versés par la Syrie?? Sur le plan palestinien, la trêve entre le Hamas et Israël serait-elle le prélude à la reconnaissance de ce mouvement par les Israéliens?? Les efforts entrepris par l’Égypte, le Yémen et depuis peu par la Syrie de réconcilier le Hamas et le Fateh sont-ils les signes avant-coureurs d’une réconciliation interpalestinienne, condition nécessaire pour que les négociations avec Israël aboutissent?? Les propos, généralement pessimistes, de Mahmoud Abbas, le 1er juillet, sur un accord possible avec Israël avant 2009, sont-ils annonciateurs d’une avancée sur ce dossier?? Les événements des mois à venir, en répondant à toutes ces questions, détermineront le futur de la région. Cependant, aucune avancée significative dans une ou l’autre direction ne s’effectuera avant au moins un an, et cela pour deux raisons. La première est la mauvaise humeur de l’actuelle administration américaine, qui privilégie le statu quo. Le président Bush lors de sa visite d’adieu au Moyen-Orient en mai a déclaré à Charm el-Cheikh qu’il ne prévoyait sur le court terme que «?les contours d’un État palestinien?». À la Knesset, il a critiqué les régimes arabes et assuré les Israéliens du support des 300 millions d’Américains, et ce dans un discours fidèle aux idées de ses conseillers néo-conservateurs les plus zélés. Si les États-Unis encouragent les Israéliens et les Syriens à négocier directement, leur ambassadeur à Tel-Aviv déclarait le 3 juillet que son pays n’y interviendrait pas, malgré l’insistance de la Syrie. La secrétaire d’État aurait d’ailleurs dans un premier temps menacé Israël de restreindre la collaboration militaire entre les deux pays si Israël prenait langue avec la Syrie2. Sur les négociations interpalestiniennes, Mme Rice aurait signifié à Amr Moussa à Berlin en juin son opposition à tout dialogue entre le Hamas et le Fateh3. Le rôle de médiateur est pour l’instant dévolu à la Turquie qui, tel le Qatar comme je l’indiquais dans un article précédent, par sa politique d’ouverture sur l’ensemble des parties, est habilitée à jouer ce rôle. La France de Nicolas Sarkozy, allié des États-Unis, est vraisemblablement mandatée par celle-ci pour surveiller le déroulement des négociations et y jouer un rôle. Dans une importante kermesse, à l’occasion du lancement de l’Union pour la Méditerranée et du 14 Juillet, le président français a réussi la plus grande concentration de dictateurs, d’adversaires et d’ennemis au mètre carré, en attendant de les réconcilier avec leurs peuples et entre eux. Il faut reconnaître que les présidents libanais et mauritanien, par leur dignité, se démarquaient du lot. Donc il faut attendre une nouvelle administration américaine pour que des décisions importantes soient prises. La seconde raison, elle, empêcherait une initiative militaire de la part d’Israël et des États-Unis qui pourrait embraser toute la région, si cette option devenait inévitable. Cette raison est purement technique. Le système «?Amir?» antimissile israélien, dont les premiers tests ont été effectués en mai, ne sera pleinement opérationnel qu’en 2010. Le Liban dans tout cela?? J’ai évité d’en parler, pour la simple raison que son importance stratégique est mineure face aux enjeux. Mais ce que je peux avancer sans me tromper, c’est que si la foire d’empoigne qui s’est déroulée entre les candidats à l’Éden ministériel venait à se prolonger, il est certain que nous ne pèserons plus rien le jour du grand partage. Amine ISSA 1- Haaretz, 30/06/08 & 01/07/08 2-Washington Post, 26/05/08 3-Charq al-Awsat, 08/07/08
L’impasse que je viens de décrire aboutit pour le moment à des prises de position qui révèlent pour le moins l’absence d’une communauté de vues entre les parties prenantes au conflit et dans chaque camp. Je n’en citerai que quelques-unes, répondant ainsi à la deuxième question. Sur l’Irak, la question la plus brûlante est celle de l’avenir des troupes américaines...