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Actualités - OPINION

LE POINT Guerre tiède Christian MERVILLE

L’Ossétie du Sud (population : 99 000 âmes) mobilise ses réservistes, tandis que le président de l’Abkhazie (190 000 habitants), Serguei Bagapch, rompt tous les contacts avec Tbilissi « en raison de la politique de terrorisme d’État » suivie par la capitale géorgienne. Vu de loin, tout cela a des relents de Clochemerle qui prêteraient à sourire s’il n’y avait eu mort d’hommes et si le risque de dérapage ne risquait pas de mettre le feu à la poudrière de tout le Sud caucasien. On sait, n’est-ce pas, depuis l’enlèvement de la belle Hélène, que les guerres sont souvent déclenchées par des incidents mineurs qui finissent par des hécatombes. Cette fois, le signal de départ a été donné par une série d’incidents dont l’origine remonte au tout début des années quatre-vingt-dix quand, dans la foulée de la débâcle soviétique, la Géorgie accédait en 1991 à une indépendance dont elle n’allait pas tarder à constater la précarité. Dès le 28 novembre de cette même année, Tskhinvali (tel est le nom de la capitale ossète) se détachait de la jeune république, imitée le 23 juillet 1992 par Soukhoumi, capitale abkhaze, sans pour autant obtenir, l’une et l’autre, la reconnaissance d’un quelconque État. Au contraire même : la Russie se mettait à caresser l’espoir de les voir, un jour, réintégrer son giron – un rêve jugé réalisable par nombre de kremlinologues, en raison de la fragilité (essentiellement économique) de la jeune république. En effet, la plupart des quelque 5 millions de Géorgiens doivent de survivre à la manne mensuelle envoyée par leurs compatriotes (près d’un million) établis dans l’ancienne puissance tutélaire. En 2006, il avait suffi de frapper d’interdit, pour des raisons d’« hygiène », l’importation de vins, d’eau minérale et de mandarines pour que menace de se concrétiser une crise aux graves conséquences. Le semblant de normalisation entre les deux pays remonte à mars dernier, avec la reprise des vols aériens et le rétablissement des services postaux. Mais dans le même temps, le Kremlin décidait d’envoyer des forces de maintien de la paix dans les deux nations nouvellement « indépendantes », désormais soutenues financièrement mais tout juste pour leur permettre de maintenir la tête hors de l’eau. Peu après, Vladimir Poutine franchissait un pas supplémentaire en offrant à leurs ressortissants des passeports et en annonçant l’établissement de liens officiels avec certaines de leurs institutions « étatiques ». Ce qui n’a pas empêché son successeur, Dmitri Medvedev, d’appeler son homologue géorgien, Mikhaïl Saakachvili, à éviter tout acte susceptible de provoquer des hostilités entre leurs deux pays alors qu’ils assistaient, la semaine dernière, aux festivités organisées au Kazakhstan par le président Noursoultan Nazarbaïev pour le dixième anniversaire de sa jeune capitale, Astana. Le brutal réchauffement du conflit, ces trois derniers jours, n’aura surpris personne. Il y a le vieux contentieux tchétchène qui continue de peser lourd dans la balance des rapports depuis l’époque où Tbilissi était accusée d’apporter une aide substantielle (ou de faciliter l’envoi d’armes et de munitions) aux indépendantistes, quand ils n’étaient pas autorisés à se réfugier auprès de leurs frères vivant dans les gorges du Pankisi. Mais il y a, beaucoup plus grave aux yeux du pouvoir russe, la volonté affichée par la Géorgie d’adhérer à l’Alliance atlantique. Sur ce point, la chancelière allemande Angela Merkel s’était prononcée le 10 mars, quand elle avait décrété que « les États ayant des conflits en suspens ne peuvent devenir membres de l’organisation ». On imagine en effet quelle aurait été l’issue de l’actuelle crise si l’OTAN avait compté dans ses rangs un aussi encombrant vingt-septième partenaire… Dans la délicate partie – diplomatique pour l’instant – qui se joue aujourd’hui, rares sont ceux qui croient inévitable une issue militaire. Nul n’a envie de se battre pour quelques arpents d’une terre désolée et, du coup, de remettre en cause le célèbre « Décalogue » signé à Helsinki et vieux maintenant d’un tiers de siècle. Certes, il est difficile pour des hommes nourris dans les sérails des années 70-80 d’imaginer un monde d’où seraient bannies les tensions inhérentes à la guerre froide. Il serait tout aussi impensable d’entendre le canon tonner à nouveau. L’issue logique pour l’Alliance serait de faire miroiter aux yeux de Tbilissi la promesse d’une certaine forme de partenariat, aux contours plutôt flous, en attendant des jours meilleurs. Autrement dit, des dispositions russes plus favorables. À cet égard, l’expérience de l’Estonie et de la Lettonie, au tout début des années quatre-vingt-dix, constitue un exemple que l’on peut juger encourageant. Pour peu que l’on soit doté d’une solide dose d’optimisme.
L’Ossétie du Sud (population : 99 000 âmes) mobilise ses réservistes, tandis que le président de l’Abkhazie (190 000 habitants), Serguei Bagapch, rompt tous les contacts avec Tbilissi « en raison de la politique de terrorisme d’État » suivie par la capitale géorgienne. Vu de loin, tout cela a des relents de Clochemerle qui prêteraient à sourire s’il n’y avait eu mort d’hommes et si le risque de dérapage ne risquait pas de mettre le feu à la poudrière de tout le Sud caucasien. On sait, n’est-ce pas, depuis l’enlèvement de la belle Hélène, que les guerres sont souvent déclenchées par des incidents mineurs qui finissent par des hécatombes.
Cette fois, le signal de départ a été donné par une série d’incidents dont l’origine remonte au tout début des années quatre-vingt-dix quand, dans la foulée...