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Pourvu que la rue tienne… Philippe ABI-AKL

En général, le politique commande le sécuritaire. Mais l’inverse peut se produire. Les Libanais, éprouvés par tant de guerres, ne l’ignorent pas. Et, aujourd’hui, leur soulagement se voile d’inquiétude. Car ni l’accord de Doha ni l’élection du président Sleimane n’ont empêché de graves incidents de se produire à Mazraa puis à Aramoun. Des appréhensions avivées par l’aveu des parties politiques, aussi bien organisées qu’elles soient ou se prétendent, qu’il existe dans leurs mouvances respectives des éléments incontrôlés. De jeunes têtes chaudes toujours prêtes à la violence. Dont toute résurgence pourrait à son tour s’avérer incontrôlable. Les rancunes sont tenaces et perpétuent de vives tensions. Le calme revenu reste précaire et il faut d’urgence le conforter. Les services publics ont pris leurs dispositions, et leurs responsabilités, à cet effet. En interdisant provocations manifestes, convois bruyants, emblèmes et motos pour razzias rapides de film d’action. Ou encore en procédant à des arrestations et à des enquêtes. Mais cela ne suffit pas, car le véritable bouclier reste aux mains des formations politiques. Les regards se tournent dès lors vers le joueur-jouteur au plus fort potentiel de terrain : Hassan Nasrallah. Il prévoit certes un été tranquille, en riposte à Condoleezza Rice ou à David Welch, lequel avait auguré, lors de sa dernière visite à Beyrouth, d’un été libanais agité. Mais les loyalistes se rappellent qu’à la table du dialogue national, en 2006, le leader du Hezbollah avait également promis un été serein. Juste à la veille, pour ainsi dire, de la guerre de juillet, si dévastatrice. Le Sud À ce propos même, les majoritaires se demandent si le Hezb dispose d’informations et d’assurances qu’il n’y aurait pas de nouvelle agression israélienne contre le Liban dans les mois à venir. L’échange de prisonniers prévu pour dimanche est un indice de détente. Mais il peut s’agir, aussi, d’un leurre, d’une opération de diversion. Car l’État hébreu affiche, plus que jamais, sa soif de revanche et son hostilité à l’encontre du Hezb. Au point d’exiger de la Syrie qu’elle lâche cet allié, comme condition préalable à la reprise des négociations concernant le Golan. Les loyalistes observent cependant, à juste titre, que le plus grave des dangers c’est encore la discorde interne. Surtout que les tensions larvées restent sous-tendues, nonobstant les dénégations des leaderships, de confessionnalisme exacerbé. Notamment entre jeunes sunnites du Futur et militants chiites du tandem Amal-Hezbollah. Mais aussi, au niveau des seniors. Ainsi, le mufti Kabbani a refusé de recevoir des dignitaires chiites qui se proposaient de lui présenter des excuses pour les vexations qu’il a subies lors de l’assaut contre la capitale. Des efforts sont déployés pour régler la question à travers un éventuel sommet religieux national, ou à tout le moins musulman. En tout cas, il subsiste un état d’esprit d’animosité qu’une cinquième colonne, ou des fractions fanatisées pourraient assez facilement exploiter, en provoquant des troubles perlés, mobiles. Le président Sleimane met en garde contre ce péril et souligne que les responsables des partis doivent veiller à ne pas attiser les passions, mais favoriser la modération, la tolérance et la coexistence pacifique. Il s’en soucie d’autant plus que l’État-pompier n’est pas encore solidement rétabli, et peut être pris de court par tout départ d’incendie. Le chef de l’État se soucie de cette priorité et il se répète que l’Intérieur devrait revenir, dans le prochain cabinet, à un ministre relevant de lui. Question Saad Hariri abonde dans le sens d’un même appel à la retenue. Mais, en même temps, il se demande si le Hezbollah n’estimerait pas qu’il lui faut frapper les forces de la modération, pour les marginaliser. Concluant sur cette interrogation lourde de sens : au profit de qui ? Il est en tout cas évident que le Liban n’en a pas encore fini du rôle de bouc émissaire, de soupape commode pour les règlements de comptes entre parties extérieures. En fait, la sortie de ce piège épuisant ne dépend que des composantes locales du pays politique. En se rabibochant mieux qu’elles ne le font, en cimentant la réunification des rangs internes. C’est ce que réclament, avec force, les instances de la société civile. Exigence résumée dans la charte nationale que proposent les avocats. Tandis que les organismes économiques répètent inlassablement que sans stabilité interne il ne peut y avoir ni afflux de capitaux, ni investissements, ni redressement général. Concrètement, il faudrait rajouter aux mesures urbaines précitées que les rues libanaises ne devraient s’orner que de portraits de compatriotes, leaders ou martyrs, à l’exclusion des figures étrangères. De même, on devrait suspendre les permis de port d’armes. Frapper d’une main de fer toute atteinte à l’ordre public. Effacer les séquelles de l’invasion milicienne de Beyrouth. Supprimer les îlots et les périmètres dits de sécurité, notamment aux abords de l’aéroport. Sanctionner les constructions illégales et les spoliations de terrains. Établir en somme le règne de la loi. C’est tout à fait nécessaire. Mais, jusqu’à nouvel ordre, cela relève du rêve.
En général, le politique commande le sécuritaire. Mais l’inverse peut se produire. Les Libanais, éprouvés par tant de guerres, ne l’ignorent pas. Et, aujourd’hui, leur soulagement se voile d’inquiétude. Car ni l’accord de Doha ni l’élection du président Sleimane n’ont empêché de graves incidents de se produire à Mazraa puis à Aramoun. Des appréhensions avivées par l’aveu des parties politiques, aussi bien organisées qu’elles soient ou se prétendent, qu’il existe dans leurs mouvances respectives des éléments incontrôlés. De jeunes têtes chaudes toujours prêtes à la violence. Dont toute résurgence pourrait à son tour s’avérer incontrôlable. Les rancunes sont tenaces et perpétuent de vives tensions. Le calme revenu reste précaire et il faut d’urgence le conforter. Les services publics ont...