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Actualités - OPINION

Quelle paix peut-elle émerger de Doha ? Fady NOUN

Nos responsables politiques sont donc réunis à Doha, capitale du Qatar, pour discuter de l’avenir de notre démocratie. Étrange rendez-vous ? Pourquoi au Qatar ? C’est que, par un coup de génie diplomatique, la Ligue arabe a enfin trouvé un « terrain neutre » où cet avenir pouvait être discuté loin des regards curieux, des observateurs syrien, iranien ou saoudien représentant les puissances régionales ou mondiales qui se déchirent et déchirent avec eux ce beau pays grand comme une île grecque. Le plus dangereux, dans les négociations de Doha, c’est que les différentes factions politiques ne jouent pas cartes sur table, mais continuent de cacher leurs véritables objectifs. Ce qui vient de se passer à Beyrouth n’est pas pour apaiser les craintes des forces démocratiques qui soupçonnent le Hezbollah, assimilé à un régime totalitaire, l’Iran, d’être en train de mener un coup d’État rampant pour renverser le régime. Le chef du parti des Forces libanaises a exigé à juste titre que la conférence de Doha aborde clairement la nature des rapports qui doivent exister entre le Hezbollah-résistance et l’État libanais. Le fait que ce parti, armé jusqu’aux dents et possédant des fusées capables d’atteindre Tel-Aviv et le site nucléaire de Dimona, ait lancé de véritables opérations de guérilla urbaine à Beyrouth laisse craindre qu’il n’hésitera pas à le refaire quand il considérera que son intérêt l’exige. Il faut redouter donc que ce qui s’est passé ne soit comme un avant-goût de ce qui peut se reproduire et que la Résistance ne se soit transformée en une force type « gardiens de la révolution ». Dans ce cas de figure, la Résistance finirait par retourner ses armes contre « l’ennemi de l’intérieur », bouclant la boucle d’une résistance devenue révolution islamique, c’est-à-dire fin en soi et cherchant à perpétuer son existence par la force des armes utilisées « pour protéger les armes ». Certes, le Hezbollah a passé, avec le général Michel Aoun, un « accord d’entente » aux termes duquel cette hypothèse est exclue. Mais la confiance ne règne pas, et l’existence d’un lien politico-religieux entre le Hezbollah et la République islamique d’Iran, dit « wilayet el-fakih », fait obligation au parti islamiste de suivre les directives venues de Téhéran. De quoi empêcher les autres partis libanais de dormir sur leurs deux oreilles. Le fait que les États-Unis considèrent le Hezbollah comme « une organisation terroriste » et que l’axe du mal passe par deux pays considérés par Washington comme des États voyous, l’Iran et la Syrie, n’arrange pas les choses. Pour comprendre ce qui se passe, il faut rappeler aussi que la crise actuelle est intrinsèquement liée à la dégradation des rapports entre le Liban et la Syrie après l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Pointé du doigt, le régime syrien s’est toujours défendu d’y être mêlé. Toutefois, pour certains, les présomptions contre la Syrie pèsent d’autant plus lourd que le voisin le plus proche du Liban demande pour lui non seulement un droit de regard sur la politique libanaise, mais aussi un droit de parole. On voit ainsi comment la crise libanaise est tributaire d’un écheveau complexe de facteurs, dont le Liban ne parviendra à se dégager que grâce à une doctrine de « neutralité positive » qui le mettrait à l’abri des secousses de l’histoire. Une paix peut-elle émerger de Doha ? Cela dépendra de la maturité de tous les acteurs politiques, y compris des acteurs internationaux et régionaux. Comprendra-t-on enfin que l’intérêt du monde consiste à laisser vivre en paix ce « laboratoire de convivialité » considéré par Jean-Paul II comme un «message » au monde entier ? Les Libanais sauront-ils faire prévaloir leur volonté de vivre en commun, si éprouvée par les derniers combats, sur toute autre considération, et accorderont-ils à leurs propres paix et prospérité, voire à leur existence même, la priorité sur d’autres causes ? Sauront-ils, en somme, faire passer « le Liban d’abord » ? Avant l’Iran, avant la Syrie, avant même la Palestine, quelle que soit la cruauté de ce drame qui secoue la conscience de tout Arabe ? Comme Ulysse attaché au mât de son navire, pour résister à l’appel des sirènes, il faut attacher le Liban au mât de sa propre vocation historique pour qu’il cesse de céder aux appels venus des quatre coins du monde et qui le menacent régulièrement d’éclatement, et le mettre définitivement à l’abri de toutes les désillusions.
Nos responsables politiques sont donc réunis à Doha, capitale du Qatar, pour discuter de l’avenir de notre démocratie. Étrange rendez-vous ? Pourquoi au Qatar ? C’est que, par un coup de génie diplomatique, la Ligue arabe a enfin trouvé un « terrain neutre » où cet avenir pouvait être discuté loin des regards curieux, des observateurs syrien, iranien ou saoudien représentant...