Dans Chiraz, ce joyau de roses habillé qu’ont chanté jadis Hafiz et...
Actualités
LE POINT Valse-hésitation
Par MERVILLE Christian, le 01 mai 2008 à 00h00
Dans l’imbroglio iranien que Téhéran et Washington, pour ne citer que les deux principaux protagonistes, prennent un malin plaisir à compliquer chaque jour un peu plus, il serait difficile, même au plus avisé des « persologues » de se retrouver. Sans doute la diplomatie assume-t-elle là une part de responsabilité, lorsqu’elle se plaît à naviguer à l’aveuglette dans les brumes épaisses qui représentent à la fois son élément naturel et sa raison d’être. Convenons qu’en plus, il y a le fait que chacune des deux parties voit un service rendu à sa cause dans les prises de position outrancières de l’autre camp, assorties de menaces militaires ou de nouvelles sanctions économiques alternant avec des appels à la raison peu suivis d’effet.
Dans Chiraz, ce joyau de roses habillé qu’ont chanté jadis Hafiz et Saadi, le guide suprême de la révolution s’est longuement adressé hier à des dizaines de milliers de concitoyens, inquiets de voir la crise empirer et les risques de dérapage augmenter. C’était pour leur dire que, somme toute, les choses ne vont pas aussi mal que dans d’autres pays et que, loin de plomber le commerce et l’industrie, les multiples tours de vis décidés par le Conseil de sécurité des Nations unies ont permis à la République islamique d’accéder au rang de première puissance de la région. Oh, bien sûr, il y a une pénurie d’eau et une envolée des prix, mais dues la première à une pluviométrie peu généreuse ces temps-ci, la seconde à un phénomène mondial, dont la raison d’ailleurs est à rechercher en Occident. Il n’en reste pas moins, a-t-il conseillé, que la population devra se serrer la ceinture d’un cran supplémentaire, en attendant des jours meilleurs. Le chef de l’État, lui, n’avait pas craint de frapper fort quand il avait invité, dans un discours prononcé le 23 avril à Hamadan, ses concitoyens à opter pour « la culture du martyre » s’ils veulent que les choses aillent mieux, s’attirant un flot de critiques sarcastiques qui ne semblent pas l’avoir ému outre mesure. La mort pour que prospèrent les affaires, a osé un journaliste, aucun capitaliste occidental n’est allé aussi loin.
Davoud Danesh-Jafari ne partage pas l’avis de celui qui fut son boss. Cet ancien ministre de l’Économie, qui fut en poste durant 33 mois, vient d’être remplacé par Hossein Samsami. La larme à l’œil, il a fait ses adieux, la semaine dernière, à ses collaborateurs, dans un discours qui ressemblait fort à un acte d’accusation. Mahmoud Ahmadinejad y est notamment mis en cause parce qu’il dirige les affaires à coups de mesures plus politiques qu’économiques. En d’autres termes, de faire du populisme, un œil fixé sur la présidentielle de l’an prochain, quand il sollicitera un nouveau mandat, avec la bénédiction de son protecteur, l’ayatollah Ali Khamenei. Quand au gouverneur de la Banque centrale, Tahmasb Mozaheri, il se bat depuis longtemps, et avec l’énergie du désespoir, pour obtenir un relèvement des taux d’intérêt. Contre ses détracteurs (de plus en plus nombreux), le régime pense avoir trouvé la parade : les galeux aujourd’hui, ce sont les membres des mafias locales qui pompent sans vergogne les richesses et s’acharnent à démolir ce que l’État est en train de construire.
Reconnaissons que, sans être idyllique, le tableau est (légèrement) moins sombre qu’il y paraît. La croissance, selon des chiffres concordants, s’inscrit à une moyenne annuelle de 5,8 pour cent, si l’inflation frôle les 20 pour cent et si le chômage dépasse le chiffre officiel de 11,2 pour cent. On estime que, bon an mal an, entre 700 000 et un million de jeunes cherchent à se placer sur un marché du travail qui peine à créer entre 300 000 et un demi-million d’emplois. C’est pourquoi le régime a mis en chantier quelque 28 programmes d’assistance sociale qui subviennent difficilement aux besoins de 4,5 millions de pauvres. Le pétrole, qui fut autrefois le nerf de la prospérité, traverse lui aussi une crise malgré la flambée des cours mondiaux. La production des nappes fléchit ; les équipements se font vétustes alors que les investissements nécessaires devraient être de 9-10 milliards de dollars par an ; la demande intérieure s’affole et la politique de subvention ne suffit pas à elle seule à rétablir l’équilibre. Tout cela explique les gains réalisés par les adversaires du pouvoir lors du récent scrutin législatif. Des gains impressionnants mais insuffisants pour provoquer un infléchissement de la ligne suivie depuis l’avènement d’Ahmadinejad.
Échaudés par les expériences irakienne et afghane, les États-Unis se gardent bien de faire un pas en avant sans aussitôt l’accompagner d’un pas en arrière. L’arrivée du USS Abraham Lincoln dans le Golfe ? Un simple rappel de notre puissance dans la région, a souligné le secrétaire à la Défense Robert Gates. L’aide iranienne au Hamas ? Une guerre par procuration, à en croire sa collègue du département d’État, Condoleezza Rice. Allons, encore un petit effort. Histoire de ne pas être en reste avec Hillary Clinton qui vient de menacer de rayer l’Iran de la carte – mais seulement en cas d’attaque contre Israël.
Christian MERVILLE
Dans l’imbroglio iranien que Téhéran et Washington, pour ne citer que les deux principaux protagonistes, prennent un malin plaisir à compliquer chaque jour un peu plus, il serait difficile, même au plus avisé des « persologues » de se retrouver. Sans doute la diplomatie assume-t-elle là une part de responsabilité, lorsqu’elle se plaît à naviguer à l’aveuglette dans les brumes épaisses qui représentent à la fois son élément naturel et sa raison d’être. Convenons qu’en plus, il y a le fait que chacune des deux parties voit un service rendu à sa cause dans les prises de position outrancières de l’autre camp, assorties de menaces militaires ou de nouvelles sanctions économiques alternant avec des appels à la raison peu suivis d’effet.
Dans Chiraz, ce joyau de roses habillé qu’ont chanté jadis Hafiz et...
Dans Chiraz, ce joyau de roses habillé qu’ont chanté jadis Hafiz et...