RÉTROSPECTIVE - Photographies de Herbert List (1930-1970) à l’immeuble Kettaneh Éloges du beau et de la vie

Une exposition organisée par le Goethe Institut en collaboration avec Nayla Kettaneh Kunig présente, de façon représentative et rétrospective, le travail éclectique du photographe allemand Herbert List. Œuvres métaphysiques, monuments antiques, portraits, instants, nus, reportages... Quatre-vingt-dix-neuf tirages, accrochés aux cimaises de la salle d’exposition de l’immeuble Kettaneh*, rendent hommage au beau et à la vie. Jusqu’au 31 mars. Né à Hambourg en 1903 et décédé à Munich en 1975, Herbert List a été un grand photographe, un voyageur attentif et curieux, un fin collectionneur, un poète de la vision capable de « construire des images d’une rigueur formelle parfaite et d’une beauté bouleversante », estiment les critiques d’art. Il n’y a pas de doute que la photographie de List est équilibrée, puissante et parfaite. Un jeu d’ombres, un reflet sur la mer, un rayon de soleil dans les ruelles de Rome : pour chaque plan, List parvient toujours à figer des fragments de réalité, parfaits dans la combinaison de lumières et de formes au point de devenir uniques, et donc rares et précieux. À ses débuts, Herbert List use et abuse du masque, du miroir, de la surimpression pour une série intitulée Fotografia Metafisica, où l’insolite s’ajoute aux mises en scène, la réalité flirte avec l’illusion. C’était dans les années trente, une époque qui l’a beaucoup rapproché des surréalistes Giorgio de Chirico, Dali et Magritte, où il a pu explorer les techniques de détournements de l’image. Résultat : des natures mortes aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs. Il y aura ensuite la série des Fils du soleil, ces jeunes hommes, amis ou rencontres fortuites saisis sur les plages de la Baltique et de la Méditerranée, qui font écho aux icônes de la Grèce antique. Les corps sont beaux, jeunes, pleins de vie, mais sans faire l’objet d’aucune glorification. Au naturel, sur le sable, comme un éloge à la beauté qui ferait se rencontrer l’architecture et le corps. Des torses bâtis comme des colonnes grecques qui traduisent un goût hédoniste de la vie et des arts. Cette série ne sera publiée qu’après la mort d’Herbert List et fait partie du travail qui, avec ses critiques virulentes du nazisme et ses amitiés homosexuelles, l’a poussé à fuir l’Allemagne en 1936. Le photographe allemand passera ensuite par sa période Portraits. Il y a là un Marc Chagall hilare, un Pasolini impérial, une Anna Magnani émouvante... Toute une galerie de portraits d’artistes et d’intellectuels de l’Europe de l’après-guerre, et surtout des amitiés nouées avec les plus grands artistes : Picasso, Braque, Cocteau, Morandi, Colette, Stravinsky, Gide, Pasolini... Sur le portrait, List a écrit en 1943 : « Pour qu’un portrait soit convaincant, il faut que le photographe soit en empathie avec la personnalité de son sujet. Il ne lui est guère possible de créer une image vraiment ressemblante d’un être auquel rien ne le lie. » Il garde le souci de confronter ses propres visions avec la réalité. Ce qui lui importe n’est pas de reproduire la beauté d’un visage, mais d’en saisir le caractère. Enfin, l’exposition se termine sur la série des Instants. List, entré à l’agence Magnum en 1952 (à la demande de Robert Capa), réalise, à l’occasion de nombreux voyages en indépendant ou pour l’agence, des reportages où apparaissent ses préoccupations artistiques. Avec Le soir après le travail, un instant de vie dans la Rome populaire des années 50, le photographe montre, en plus du document sociologique, une intimité particulière qui le rapproche du néoréalisme italien. Voilà donc autant de témoignages, d’éloges du beau comme de la vie qui rendent compte des obsessions de List, combinant avec raffinement son érudition humaniste bourgeoise avec une esthétique parfois surréelle. M.G.H. Immeuble Kettaneh, Mar Mikhael, près EDL. Horaires d’ouverture : lundi à samedi, de 14h00 à 20h00. Information : 01/745058 (ext. 14).