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Actualités - OPINION

Lignes de démarcation

Jusqu’à quand les rues livrées à des bandes de voyous, le saccage des biens publics, les agressions contre les forces de sécurité, les citoyens innocents ? Jusqu’à quand la politique du bord du gouffre, les mensonges, le double langage qui se sont traduits, hier soir, par les désordres de Chiyah, de la route de l’aéroport et de Mar Élias ? Une situation dangereuse qui risque de rallumer les discordes communautaires, de rétablir les anciennes lignes de démarcation autant dans les esprits que dans les rues. Une insécurité entretenue, planifiée, qui fait perdre au Liban toute immunité face aux plans criminels, face aux assassins qui se livrent impunément à leur sinistre activité. Jusqu’à quand ? Les pays arabes discutent, palabrent, ergotent… et les Libanais continuent de mourir sur les plateaux préfabriqués des multiples théâtres de l’absurde. Washington s’offusque, Paris condamne, l’Europe unanime clame « c’en est assez »… et les Libanais continuent de tomber sur les voies ordinaires du terrorisme. En une semaine, la Quarantaine d’abord, la Chevrolet ensuite, des victimes par dizaines, des vies sacrifiées, et les Libanais, tels des zombies, empruntent d’autres chemins, d’autres parcours, en une communion aveugle avec un rite sacrificiel. Instinct de survie, accoutumance, résignation ? Tout à la fois, une banalisation de l’horreur, l’acceptation irréfléchie d’un sort, d’un lot quotidien qu’on a appris à apprivoiser : c’est quand les nouveaux désordres, c’est quand le prochain attentat, c’est qui la prochaine victime ? Des interrogations lancinantes, la litanie de l’horreur, une fatalité qui s’impose, qui s’incruste dans les esprits, l’attente permanente de la catastrophe à venir. Et quand le drame survient, quand la mort fauche au détour du chemin, on est, paradoxalement, toujours étonné. Pour la simple raison que dans les tréfonds de notre conscience, l’espoir subsiste, un menu espoir qui nous pousse à croire qu’un jour ou l’autre, tout cela prendra fin, que tout cela n’aura été, finalement, qu’un long cauchemar que la réalité, au réveil, effacera des mémoires. Et pourtant, cet espoir ténu, entêté, se fracasse sans cesse sur les murs d’une poste restante, réceptacle de colis piégés dont les destinataires sont inévitablement les mêmes, ceux qui s’échinent, qui s’escriment à faire de sorte que la vérité, la justice ne sombrent pas dans les méandres, dans les sinuosités de la realpolitik, de la diplomatie des faits accomplis. Le Liban arène des conflits régionaux, des bras de fer internationaux ? C’est trop d’honneur pour le pays du Cèdre qui se serait bien passé d’une telle distinction. Mais le fait est là : c’est chez nous que se règlent les comptes syro-saoudiens, que s’échangent les mises en garde entre l’Iran et les États-Unis, c’est à travers notre territoire que la Syrie véhicule ses messages à l’adresse de l’Occident, l’Amérique en tête, et c’est maintenant sur notre sol que les filières intégristes mettent en place les nouvelles phases de leur croisade contre les impies, contre les infidèles. Une vipère nourrie au lait de la haine et du mal suprême, mercenaire au service d’États voyous passés maîtres dans l’art de la persuasion par la terreur. Pauvre Liban ouvert à tous les vents, maintenu sans défense par ses propres fils, ceux-là mêmes qu’on a vus, hier, à l’œuvre, ceux-là même qui s’évertuent à détruire l’État et qui lui reprochent en même temps de ne rien faire pour se remettre en selle. Le drame, le véritable drame est là, car si les colis piégés viennent de l’extérieur, si le comploteur est étranger, tout frère qu’il puisse être, le facteur, le livreur, lui, est Libanais, il vit et se déplace parmi nous, entre dans nos foyers, nous assomme, tous les jours, de ses mensonges, de ses insanités. Exécutant des sales besognes ou saboteur de toutes les tentatives de solution, le résultat est le même : le chaos, le vide institutionnel, le désordre. Hier les Européens, aujourd’hui les Arabes, une même impotence, une même impuissance face au terrorisme et au chantage, la même timidité, la même frilosité quand il s’agit de mettre les poins sur les i, de désigner du doigt les empêcheurs de tourner en rond. Une imprévoyance qui risque de coûter fort cher car si le Liban tombe, s’enfonce dans le désordre, c’est toute la région qui s’en ressentira : les monstres, quels qu’ils soient, finissent toujours par se retourner contre leur géniteur, et il en est de même de l’hydre terroriste. Ne désespérons donc pas, et l’histoire est là pour nous rassurer : à la barbarie succèdent toujours les lumières, et c’est de l’obscurantisme que naît inévitablement l’espoir. Grandeur, décadence, résurrection, un éternel recommencement. Mais pour nous il y a urgence : cela fait plus de trente ans que le malheur nous poursuit, nous tient compagnie ! Nagib AOUN
Jusqu’à quand les rues livrées à des bandes de voyous, le saccage des biens publics, les agressions contre les forces de sécurité, les citoyens innocents ? Jusqu’à quand la politique du bord du gouffre, les mensonges, le double langage qui se sont traduits, hier soir, par les désordres de Chiyah, de la route de l’aéroport et de Mar Élias ?
Une situation dangereuse qui risque de...