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Actualités - OPINION

LE POINT Vox populiste

Au pays de la miniature, on ne fait pas dans la dentelle. Plus de la moitié des candidats khatamistes aux législatives iraniennes du 14 mars prochain se sont résignés hier à faire leurs adieux à leur grandioses projets de réforme : d’un trait de plume, l’auguste Conseil des gardiens a donné son aval à la décision des organes de contrôle de rayer leurs noms des listes. Motif : les intéressés, a fait savoir Alireza Afshar, responsable du « triage » à la grande gare électorale, ont un « lourd casier » – comprendre par là qu’ils ont osé, par le passé, des critiques à l’adresse des dirigeants. Encore heureux qu’ils aient échappé à la prison à vie, le régime prenant mal, mais alors très mal toute atteinte à l’autorité se traduisant par une remise en cause des principes de la révolution de 1979. On se permet tout de même de relever en passant qu’il existe un progrès certain, que des organisations comme Human Rights Watch ne manqueront pas de relever : ils étaient 1 800 « bannis » il y a quatre ans ; ils sont près de 3 000 cette année – sur un total de 7 168 aspirants à la députation –, signe que le système, à défaut de la démocratie, fonctionne parfaitement, merci pour lui. On tremble à l’idée que les peines auraient pu être plus lourdes puisque les chefs d’accusation portent sur l’instauration de libertés plus grandes, la présence au jour J d’observateurs internationaux ou encore les prérogatives, jugées trop larges, du chef de l’État. La gravité des charges retenues signifie que les personnes concernées, dont plus de 250 femmes, ne peuvent espérer une possible révision en leur faveur que déciderait l’organe suprême de contrôle. Au mieux, celle-ci serait intervenue le 5 mars, ne laissant qu’une petite semaine aux bénéficiaires pour mener leur campagne. Bon prince, un responsable a daigné appeler au calme ceux qu’effleurerait l’idée iconoclaste de succomber à la tentation démocratique : « Au lieu de crier au scandale, leur a-t-il lancé, suivez donc la procédure légale pour faire appel. » Tout cela n’empêchera pas cependant quelque 43,7 millions d’Iraniens ayant 18 ans révolus de se présenter dans les bureaux de vote pour accomplir leur devoir. Tout en sachant fort bien que le décompte de leurs voix sera laissé à la discrétion des inconditionnels du régime, pasdarans, bassidjis et autres. Certains journalistes ne sont pas près d’oublier que dans un passé relativement récent, le nombre de bulletins dans une localité du sud profond dépassait celui de la population. Ni que lors de la présidentielle de 2005, Mahmoud Ahmadinejad figurait en queue du peloton, ce qui ne l’avait pas empêché d’accéder à la charge suprême (après celle du guide, en vertu du principe du vilayet e-faqih). À ce propos, son irrésistible ascension, l’actuel chef de l’État ne la doit-il pas à Mojtaba, le fils de l’ayatollah Ali Khamenei et gendre de Gholam-Ali Haddad-Adel, actuel président du Majlis, lequel avait déployé à cette fin des trésors d’ingéniosité ? Et l’ultraconservateur Conseil des gardiens n’est-il pas constitué de six religieux et de six magistrats devant bénéficier, pour accéder à cette fonction, du soutien du guide ? Et pour boucler la boucle, on notera que les décisions du Parlement, lequel compte 290 membres, doivent nécessairement être soumises pour ratification au dit Conseil, dont le chef est l’ayatollah Ahmad Jannati, un inconditionnel de… Non, on vous laisse deviner le nom de son suzerain. Plus sérieusement, tout a basculé en novembre dernier, avec la publication d’un rapport de la National Intelligence Estimate (NIE) américaine indiquant que Téhéran avait arrêté quatre ans auparavant son programme nucléaire militaire. La politique intérieure iranienne passait alors, selon Alex Vantanka, l’un des responsables de la prestigieuse Jane’s Intelligence, de la priorité donnée jusqu’alors à la confrontation avec les États-Unis aux problèmes d’ordre domestique : cherté de vie, flambée des prix des carburants (dans un pays producteur de pétrole !), chômage. Force est de reconnaître que sur ce terrain, Ahmadinejad et ses protecteurs sont mal armés, eux qui avaient mené campagne sur le thème de la redistribution des richesses. En face, le camp des libéraux – Mohammad Khatami, l’ancien négociateur en chef sur le dossier du nucléaire Hassan Rouhani, Ali Akbar Hachemi-Rafsandjani, le maire de la capitale Mohammad Baqer Qalibaf, l’ex-chef des gardiens de la révolution Mohsen Rezaie – se préparait déjà à surfer sur la crête de la vague réformatrice, avec la quasi-certitude de gagner la partie, quand est survenu le coup de frein d’hier. Entre les deux tendances, le grand arbitre pourrait être tenté d’opter pour la voie médiane, renvoyant dos à dos les tenants de la ligne dure et les partisans d’une ouverture sur l’Occident. Cela ramènerait le pendule au centre. Et épargnerait le tournis aux adversaires de cette bien déconcertante nation. Christian MERVILLE
Au pays de la miniature, on ne fait pas dans la dentelle. Plus de la moitié des candidats khatamistes aux législatives iraniennes du 14 mars prochain se sont résignés hier à faire leurs adieux à leur grandioses projets de réforme : d’un trait de plume, l’auguste Conseil des gardiens a donné son aval à la décision des organes de contrôle de rayer leurs noms des listes. Motif : les intéressés, a fait savoir Alireza Afshar, responsable du « triage » à la grande gare électorale, ont un « lourd casier » – comprendre par là qu’ils ont osé, par le passé, des critiques à l’adresse des dirigeants. Encore heureux qu’ils aient échappé à la prison à vie, le régime prenant mal, mais alors très mal toute atteinte à l’autorité se traduisant par une remise en cause des principes de la révolution de 1979. On...