Actualités - OPINION
LE POINT Sarko l’Américain Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 08 novembre 2007 à 00h00
Marie-Joseph-Paul-Yves-Roch-Gilbert du Motier, cela risque fort de ne réveiller aucun souvenir, même en cherchant bien. Essayez plutôt : « Lafayette, marquis de, 1757-1834 », comme il est dit dans le dictionnaire. Autrement dit l’homme dont Nicolas Sarkozy a chaussé les bottes avant de s’en aller en pays d’Amérique non pas, cette fois, pour libérer les autochtones indépendantistes du joug britannique, mais pour perpétuer la tradition, ainsi qu’il l’a dit dès mardi soir, dans un toast porté devant un George W. Bush qui visiblement buvait du petit lait, lui qui depuis longtemps ne touche plus à une goutte d’alcool. Et le lendemain mercredi, juste retour des choses, il s’adressait aux membres des deux Chambres du Congrès, dans le cadre solennel de Capitol Hill, pour répéter encore et encore qu’on peut avoir des désaccords tout en restant amis. Et cette fois, tout le monde était là alors que pour le discours de son prédécesseur, en 1996, plusieurs travées étaient vides, les honorables représentants du peuple entendant protester contre les essais nucléaires dans le Pacifique. Autant d’évidences qui allaient sans dire, mais qu’il convenait de rappeler après une brouille de quatre ans motivée par l’expédition en terre mésopotamienne.
L’Irak précisément. Aujourd’hui à Washington, on peut se permettre de railler les « freedom fries » et les bouteilles de bordeaux versées dans le Potomac. Bill Maher peut rappeler méchamment, dans son programme « Real Time », l’époque où la simple évocation du mot Hexagone provoquait levées de boucliers et froncements de sourcils courroucés, une manière de souligner sa désapprobation, car « que dire d’un pays trop stupide pour prendre en marche le train d’une guerre merveilleusement conçue et brillamment menée », dit l’humoriste. Oubliée une époque longtemps placée sous le signe du discours de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité. Le successeur de Jacques Chirac voulait conquérir le cœur de l’Amérique ; c’est chose faite. Le temps dira si l’opération a été effectuée « de façon durable », ainsi que le voulait l’intéressé, tant il importe de distinguer entre liens politiques et bruit médiatique. Pour l’heure, les Américains ont vu, ils ont été conquis, reconnaît par exemple Stephen Hess, chercheur à la Brookings Institution.
Il n’en reste pas moins qu’une visite de vingt-six heures, c’est nettement insuffisant pour aborder les innombrables sujets inscrits à l’ordre du jour : Irak, Liban, Syrie, processus de paix proche-oriental, Kosovo, Birmanie, Afghanistan, Darfour, OTAN, échanges commerciaux, relations transatlantiques, réchauffement climatique, sécurité, ressources énergétiques… Sans compter, pourrait-on dire en paraphrasant le mot célèbre d’Henri Rochefort, les sujets de désaccord. Car il y en a, sur l’adhésion de la Turquie à l’Europe des 27 par exemple, la faiblesse du dollar et l’envolée de l’euro, la politique agricole, la régulation des marchés, en particulier celui, redoutable, des fameux hedge funds, enfin le système de santé et une certaine conception des rapports internationaux. La semaine dernière, le ministre français des Affaires européennes Jean-Pierre Jouyet affirmait dans Les Échos que l’ascension de la monnaie unique du Vieux Continent était le résultat de la politique US et ne représentait pas un problème européen. Quant à l’Alliance atlantique, à laquelle le général de Gaulle avait tourné le dos en 1966, ce n’est pas demain que Paris va en retrouver le chemin. Pas plus qu’on ne la voit emboîter allégrement le pas aux généraux du Pentagone si d’aventure, il leur prenait envie, demain, de bombarder les sites nucléaires iraniens. Sur tous ces sujets, le président français s’est prononcé, s’il ne les a pas abordés expressément, quand il a déclaré être un allié de l’Amérique, sans pour autant être inconditionnellement aligné sur elle.
Quelque lyriques qu’elles aient pu être – et les envolées n’ont cessé d’émailler le périple –, les manifestations de sympathie mutuelle ne doivent pas masquer un réalisme certain qui continue de marquer les rapports entre les deux rives de l’Atlantique. Au bilan de ces deux journées dans la capitale fédérale, on notera qu’il y eut beaucoup de belles paroles (les Américains parlent joliment de happy-talk), peu d’engagements formels, mais un net rapprochement. Et surtout quelques moments forts, comme l’accueil prononcé en français par George W. Bush : « Bienvenue à la Maison-Blanche ». Ou encore cette séance de travail à Mount Vernon, dans la demeure historique de George Washington.
Pour la circonstance, il serait bon peut-être de rappeler que, sur ces préférences américaines, le chef de l’État français s’était déjà confié dans son livre Témoignage, avouant que s’il avait été amoureux de l’Amérique, il serait allé y vivre. En aurait-il été pour autant le président ?
Marie-Joseph-Paul-Yves-Roch-Gilbert du Motier, cela risque fort de ne réveiller aucun souvenir, même en cherchant bien. Essayez plutôt : « Lafayette, marquis de, 1757-1834 », comme il est dit dans le dictionnaire. Autrement dit l’homme dont Nicolas Sarkozy a chaussé les bottes avant de s’en aller en pays d’Amérique non pas, cette fois, pour libérer les autochtones indépendantistes...
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