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Actualités - OPINION

En quoi consisterait la protection internationale des députés ?

Au plus fort du drame très médiatisé, tant à l’échelle internationale que sur le plan national, de l’assassinat des députés libanais – et des civils au passage, des voix s’élèvent pour faire appel à une assistance internationale en matière de police et de sécurité. Afin d’aborder les conditions juridiques en droit international de la protection internationale des personnalités officielles, il convient de voir si la Finul est mandatée à jouer un rôle de sécurité « intérieure », ou à défaut les mécanismes possibles pour une contribution internationale à la protection des sujets en question. I. L’incompétence de la Finul en matière de sécurité intérieure En examinant la résolution 1701, force est de constater que la Finul dispose de compétences « musclées » en matière de rétablissement de la souveraineté de l’État libanais dans la zone géographique de son déploiement, à savoir le sud du Liban. En effet, la délimitation territoriale du théâtre d’opération de la Finul est rappelée à maintes reprises dans la résolution 1701 : – dans le préambule, il est indiqué que la Finul assistera l’armée libanaise, « selon que de besoin, pour faciliter l’entrée des forces armées libanaises dans la région », c’est-à-dire au « Sud-Liban » ; – au paragraphe II, « le Conseil de sécurité demande au gouvernement libanais et à la Finul (…) de déployer leurs forces ensemble dans tout le Sud » ; – au paragraphe VIII, « le Conseil de sécurité lance un appel (…) » à travers « l’adoption d’un dispositif de sécurité qui empêche la reprise des hostilités, notamment établissement, entre la ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul » ; – au paragraphe XI, alinéa b, le Conseil de sécurité « décide que la Finul devra (…) accompagner et appuyer les forces armées libanaises à mesure de leur déploiement dans tout le Sud, y compris le long de la ligne bleue » ; – au paragraphe XI, alinéa e, le Conseil de sécurité décide que la Finul devra « aider les forces libanaises à prendre des mesures en vue de l’établissement de la zone mentionnée au paragraphe VIII » ; – enfin, au paragraphe XII, où de larges compétences sont reconnues à la Finul, nous constatons que le Conseil autorise « la Finul à prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées (…) » et « à veiller à ce que son théâtre d’opérations ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit ». Par ailleurs, quand il est fait exception quant à la compétence territoriale de l’opération de maintien de la paix assurée par la Finul, il est indiqué expressément et clairement ce en quoi consiste cette compétence-assistance. En effet, c’est au paragraphe XIV que cette exception de compétence est indiquée, concernant la sécurisation « des frontières et des autres points d’entrée, de manière à empêcher l’entrée au Liban sans son consentement d’armes ou de matériels connexes ». Face à ces considérations clairement soulignées dans la résolution 1701, et par la suite dans les règles d’engagement, nous pouvons affirmer avec force que pour le dispositif sécuritaire dans le pays, hormis dans le Sud et tout au long des frontières libanaises – sur demande du gouvernement libanais –, la Finul n’est pas mandatée à exercer ses compétences d’assistance, encore moins à protéger les députés ou autres sujets libanais, ou des zones géographiques sensibles. C’est pourquoi, afin de pouvoir exercer ces nouvelles compétences, il faudrait une autre décision adoptée par le Conseil de sécurité demandant à la Finul d’assister le gouvernement dans une mission de sécurité intérieure, ne se limitant plus au Liban-Sud ou tout au long des frontières libanaises, mais incluant cette fois le territoire libanais dans son ensemble. Que cette mission soit demandée à la Finul ou à une autre force/autorité onusienne par le Conseil de sécurité, son contenu prend un autre nom que le maintien de la paix. Il s’agirait d’une mission de police internationale relevant d’une force ou d’une autorité de l’ONU. Vu qu’il n’y a pas de chapitres précis dans la Charte de l’ONU ou des conventions spécifiques à ce sujet, il est opportun de se tourner vers la pratique du Conseil de sécurité dans ce domaine et d’analyser le contenu de la mission d’une police internationale ainsi que son contexte de mise en place. Cela nous amènera à constater qu’au Liban et face aux appels non officiels de protection internationale limitée dans le temps, les mesures adéquates seraient que le gouvernement fasse appel à des forces multinationales, sans faire abstraction, à moyen terme, des mesures à entreprendre à travers l’appel à la police internationale. II. Le rôle non exécutif de la police internationale en matière de sécurisation des personnes Dans le cas libanais, le processus de paix sur l’ensemble du territoire est caractérisé par le paradoxe habituel qui accompagne les questions de police en situation de postconflit ou de transition – nouvelle indépendance. La nécessité de trouver une force militairement neutre, assurant la sécurité des personnes et de leurs biens tout en faisant respecter les lois, vient en discordance avec la difficulté d’inscrire les questions de police au titre de priorités de premier ordre. À cela deux principaux facteurs explicatifs sont évoqués : d’abord, le fait qu’en période postconflit – transitoire –, non seulement les questions liées aux forces armées représentent la préoccupation la plus immédiate, mais aussi que les forces de police répondent difficilement aux attentes, nécessitant elles-mêmes une réhabilitation préalable du point de vue tant des moyens que des modes de fonctionnement. Dans une approche comparative des différentes missions de police internationale menées en RDC, à Haïti, au Soudan, en Afghanistan ou au Cambodge, il ressort que les principales activités de cette composante policière internationale qui s’inscrit dans une durée à moyen terme – 2 à 4 ans – sont les suivantes : – aider à la professionnalisation de la police locale, à travers la formation de policiers et le conseil technique dans les unités ; – préparer les recommandations pour une expansion éventuelle de la police internationale dans l’État concerné ; – développer les contacts avec les organes de sécurité intérieure ; – conduire une évaluation approfondie de l’institution policière, ses besoins, ses capacités et, si nécessaire, au niveau des communautés de base ; – contribuer à la réforme de la police locale ; – et enfin, contribuer à la formation d’une unité de police intégrée. Juin 2001 – juillet 2003 : deux ans ont suffi à la RDC de réhabiliter ses forces de sécurité grâce à la contribution de la police internationale ; l’action de formation de la Polciv devait s’orienter vers l’appui à la formation des unités de police devant assurer la sécurité de la transition. La Polciv avait à son actif la formation de 107 formateurs congolais, 253 officiers de la police judiciaire et 265 officiers de la police d’intervention rapide. En l’espèce, si nos autorités libanaises souhaiteraient s’inspirer de ces pratiques d’assistance de police internationale, elles devraient miser sur le facteur temps pour obtenir un résultat qui serait à la hauteur des attentes de la population. Une mission effectuée durant une période allant de deux à trois ans permettrait d’évaluer le système sécuritaire dans notre pays, qui fonctionne parfois en îlots, afin de disposer par la suite d’une stratégie de réforme, basée principalement sur la professionnalisation de la police libanaise et sur la formation d’une unité de police intégrée, ayant en charge la coordination des efforts des composantes sécuritaires du pays, pour le sortir des îlots systémiques. Or, cette stratégie à moyen terme ne répond pas forcément aux appels des personnalités libanaises qui se sentent menacées par les actions terroristes… Encore faut-il rappeler que les demandes formulées pour une assistance quelconque à l’adresse d’organisations internationales ou d’État(s) ne deviennent officielles que quand le pouvoir exécutif les formule à travers un acte officiel. En l’occurrence, il s’agit du Conseil des ministres libanais qui devrait prendre, le cas échéant, une telle décision et formuler ses besoins à l’organisme concerné ou au sujet de droit international de son choix. Cela dit, sous quelle forme peut-on considérer en droit international un mandat exécutif d’une force armée policière dans un État en défaillance sécuritaire ? Au vu des précédents contemporains, il s’agit de forces multinationales qui interviennent dans le cadre d’une mission ponctuelle, tactique et non stratégique. Qu’en est-il au fond ? III. Force multinationale et mission de protection ponctuelle En revenant au cas de la RDC, force est de constater que le district d’Ituri, devenu célèbre pour la récurrence des massacres et des tensions interethniques, souffrait d’un problème fondamental relatif à la détérioration des systèmes judiciaire et sécuritaire dans leur globalité. L’échec d’intégrer ce district dans la stratégie de réforme policière de la RDC – vu la résistance violente des milices sur place et les exactions commises à l’encontre des agents publics, policiers et civils – a amené les autorités congolaises à faire appel à d’autres formes d’intervention militaire. Il s’agit de la « Force multinationale intérimaire d’urgence » baptisée « opération Artémis » qui a compris à son niveau maximal 1 000 militaires venant de France et de 17 autres pays d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. En effet, cette opération a été mise en place, d’une part afin de faire face à la persistance de cet état de fait « violent » à Ituri allant à contre-courant du processus global de paix en RDC et, d’autre part, pour ne pas confondre forces de maintien de la paix qui relèvent du commandement de l’ONU (Monuc), et forces de maintien de l’ordre et de la sécurité intérieure relevant d’un commandement multinational. De juin à septembre 2003, l’opération « Artémis » sert de force de stabilisation à Ituri avant le déploiement de la brigade onusienne, un groupement tactique de 4 800 militaires qui assure l’expansion de la présence de la Monuc dans tout le district. Ces opérations militaires multinationales, aussi robustes soient-elles, sont confrontées dans leur action aux problèmes de compétence et de capacité de police. Rechercher les renseignements sur la circulation des armes, perquisitionner les domiciles pour les armes, ainsi qu’arrêter et détenir des personnes sont des actes ayant nécessité de manière urgente la définition d’un cadre juridique propice. Les dispositions prises à cet égard ont consisté en l’élaboration de directives encadrant les actions menées par les militaires. Elles se voulaient provisoires et préconisant une solution définitive passant par l’assistance d’une force de police locale, dans le cadre d’une chaîne pénale réhabilitée. À cet effet, il convient de signaler qu’il aurait fallu que certains États acceptent de mettre certains de leurs éléments sous le commandement de l’ONU une fois l’opération « Artémis » achevée ; c’est ainsi qu’ont procédé les Australiens au Timor- Oriental après leur intervention (Interfet) afin que l’opération des Nations unies qui a pris le relais puisse bénéficier de leur posture dissuasive. Dans une approche analogue incluant le cas libanais, force est de reconnaître qu’il existe plusieurs éléments de similitude : – rétablissement significatif de la souveraineté libanaise sur l’ensemble du territoire ; – consensus régional et international relatif au processus de rétablissement de la paix dans le sud du Liban et de sa démilitarisation ; – actions violentes et terroristes ayant pour but de compromettre l’avancement des deux processus susmentionnés ; – volonté du Conseil de sécurité de ne pas confondre opération de maintien de la paix confiée à la Finul et opération de maintien de l’ordre plus coercitive ayant des compétences plus étendues – donc plus problématiques – sur la scène intérieure ; – Prédisposition de puissances régionales – Arabie saoudite et Égypte – à chercher un moyen de protection extra-onusien en réponse aux besoins formulés officieusement par certains acteurs nationaux. Face à ces éléments de convergence, il est plus opportun politiquement et plus subtil juridiquement de faire appel, en cas de reconnaissance publique de la défaillance de la police nationale, à une police internationale pouvant être une composante de la Finul et opérant pour une durée allant de 2 à 4 ans, sans mandat exécutif. En revanche, pour une intervention coercitive plus ponctuelle, opérant dans une zone déterminée ou à l’égard d’une population donnée, il faudrait considérer une autre forme de force, éventuellement multinationale, comme ce fut le cas ailleurs ; mais là aussi il faudrait prendre en considération deux éléments non mois complexes : d’une part, il faudrait prévoir une abstention des États déjà participants dans la Finul de prendre part à la nouvelle force multinationale, pour des raisons d’opportunité politique, afin de ne pas compromettre, le cas échéant, la sécurité de leur personnel travaillant dans le Sud. D’autre part, cette action pour le moins délicate nécessite un consensus de l’ensemble des acteurs internationaux (Conseil de sécurité, secrétariat général, grandes puissances intéressées, institutions de Bretton Woods et G8), régionaux (organisations régionales et sous-régionales) et locaux (autorités étatiques et partis d’opposition). Le pari n’est pas gagné d’avance… il faudrait commencer à convaincre les acteurs locaux, toutes factions comprises. Rappelons-nous à cet effet que le sang des martyrs est la pièce « maîtresse » à conviction ! P. Fady FADEL Docteur en droit public et secrétaire général de l’Université antonine
Au plus fort du drame très médiatisé, tant à l’échelle internationale que sur le plan national, de l’assassinat des députés libanais – et des civils au passage, des voix s’élèvent pour faire appel à une assistance internationale en matière de police et de sécurité.
Afin d’aborder les conditions juridiques en droit international de la protection internationale des...