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L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Le nœud chrétien

Que la trentaine de personnalités chrétiennes réunies lundi sur les cimes du Kesrouan, à l’initiative de Samir Geagea, ne soient guère les représentants exclusifs de cette communauté est chose évidente. Qu’à l’approche de l’échéance présidentielle elles ne soient pas seules à réclamer à cor et à cri le rétablissement du poids historique des chrétiens dans la conduite des affaires libanaises est bien connu aussi. Ce qui est nouveau cependant, c’est que ce conclave de Meerab – auquel répondaient comme par hasard, dès hier, des assises chrétiennes d’opposition tenues, celles-là, autour du général Michel Aoun à Rabieh – a traduit une approche de la question équivalant au plus paradoxal des cocktails : un fort louable souci de concertation démocratique et, par-dessus, une bonne dose de détermination à disputer une partie hors règles si l’adversaire venait à renverser les règles du jeu. Pourquoi tant d’agitation chrétienne pour une élection présidentielle qui est l’affaire de tous les Libanais sans distinction ? Parce que, dans le climat de vive émulation sectaire où se trouve plongé le pays, il faut bien constater que les deux autres présidences, celles de l’Assemblée et du Conseil, ont été pourvues d’autorité par les deux grandes branches de l’islam, lesquelles ne se sont pas trop préoccupées pour cela de rechercher un quelconque consensus national. Et qu’il serait donc juste que le chef de l’État, bien que dévolu au rôle d’arbitre suprême (rôle que s’était arrogé le tuteur syrien), soit enfin, pour le moins, largement agréé des chrétiens. Que ces derniers soient profondément divisés ; que les candidats à la présidence soient légion au sein même du 14 Mars, même s’ils se sont sportivement engagés à s’effacer devant le plus favorisé d’entre eux ; et que de toute évidence il n’y ait pas de champion maronite toutes catégories, malgré l’incroyable obstination de Michel Aoun, déployée hier encore, à dénier toute représentativité à ses adversaires, ne devrait évidemment pas servir de prétexte pour occulter le problème. La véritable catastrophe, cependant, serait que, par l’effet du vertige des hauteurs ambiant, les antagonismes s’affrontant au nom de la défense des chrétiens conduisent à cette totale ruine chrétienne, mieux encore libanaise, que serait l’évaporation du scrutin présidentiel. Sur ce point précis, c’est un ultimatum parfaitement clair qui a été lancé lundi : l’élection aura lieu quoi qu’il arrive, et même si n’est pas réuni le quorum des deux tiers de l’Assemblée, proportion avalisée pourtant (et même littéralement consacrée) par le patriarche maronite. Non moins remarquable d’ailleurs est le rejet absolu de tout amendement de la Constitution, éventualité à laquelle avait paru se résigner – encore qu’en toute dernière extrémité – le chef de l’Église maronite, dans un entretien de presse paru la semaine dernière. Depuis, le cardinal Sfeir ne s’est pas peu dépensé pour remettre les pendules à l’heure et dissiper tout malentendu : c’est toujours non à l’amendement, sauf s’il ne reste vraiment plus d’autre moyen d’éviter le naufrage. Et surtout c’est non, un non d’une clarté sans précédent lui aussi, à l’exigence d’un nouveau gouvernement avancée par l’opposition car il y a là défi et que la priorité absolue doit aller à une réunion parlementaire garantissant l’élection d’un président. Au milieu de tout cet embrouillamini, on ne se consolera tout de même pas à l’idée que le vertige libanais vient de gagner, à son tour, la puissante Amérique. En l’espace de quelques heures hier, l’on aura eu droit à non moins de trois éditions différentes des vues US sur la question de l’amendement constitutionnel : un pourquoi pas émanant il est vrai de source subalterne, suivi de deux non, l’un catégorique et l’autre plutôt implicite. Patience, les Yankees finiront bien un jour par nous faucher notre bon vieux yaani... Issa GORAIEB

Que la trentaine de personnalités chrétiennes réunies lundi sur les cimes du Kesrouan, à l’initiative de Samir Geagea, ne soient guère les représentants exclusifs de cette communauté est chose évidente. Qu’à l’approche de l’échéance présidentielle elles ne soient pas seules à réclamer à cor et à cri le rétablissement du poids historique des chrétiens dans la conduite...