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Actualités - OPINION

La majorité aphone

Que peut-on constater après les piètres élections qu’on vient d’organiser au Metn et à Beyrouth ? D’abord on peut constater le niveau dégradant du discours politique. Ensuite, l’échec triomphaliste d’un ancien président de la République et la victoire en demi-teinte d’un ancien Premier ministre, et surtout la médiocre performance du candidat de la majorité à Beyrouth, qui n’a recueilli que 16 %. Je voudrais également dire qu’une victoire est une victoire et que les Arméniens sont les premiers chrétiens d’Orient, qu’on le veuille ou pas. À cet effet, je voudrais revenir deux ans en arrière : selon les dernières élections de 2005, les principaux hommes politiques (qui se sont si bien distingués dans leurs propos élogieux) ont obtenu les pourcentages suivants : Michel Aoun : 14,5 %, Saad Hariri : 17,2 %, Hassan Nasrallah : 14,6 %, Walid Joumblatt : 6,3 %, Nabih Berry : 8,6 %, Samir Geagea : 5,1 % (des suffrages exprimés). Car si on doit tenir compte des électeurs inscrits, ils totaliseraient beaucoup moins. Quant aux reliquats de KC, il serait dérisoire de chiffrer leur poids politique. Donc pour être plus explicite, ces messieurs qui tiennent le haut du pavé politique (depuis bientôt trente ans) sont des leaders minoritaires, tandis que ceux qui ne votent pas depuis 1992 (et j’en fait partie) représentent la vraie majorité qu’on appelle « silencieuse » (53,68 %). Constatation : il n’y a pas de majorité fictive ou effective. Tout au plus, y a-t-il une partie agressive, captative, harnachée de groupuscules minoritaires qui impose sa prépondérance hégémonique ou ancestrale (indésirables) à ces pauvres Libanais, ballottés de haut en bas et de gauche à droite. Alors je m’adresse à ces Libanais que l’on considère comme majoritaires et frustrés. Vous qui n’approuvez pas la ligne de conduite oblique ou perpendiculaire de ces présomptueux géomètres politicardisés, vous qui vous êtes donné pour objectif de réconcilier le Liban avec la civilisation et la dignité, vous qui n’avez jamais participé aux vols, aux meurtres, aux violations des droits de l’homme, à la destruction du pays, j’ai envie de vous dire, à la veille de confrontations décisives : n’ayez pas peur. Ne vous laissez pas intimider. Refusez les surenchères des bateleurs antisyriens ou des marioles pro-baas. Soyez vous-mêmes ! Osez montrer ce que vous êtes. C’est-à-dire de vrais patriotes, des patriotes prêts à enclencher la rupture avec le passé. Donnez au Liban de bonnes raisons d’espérer. Parce que le Liban va mal. Il est patraque, il déprime. Les liens sociaux, intellectuels, économiques, confessionnels s’effilochent. Pour retrouver sa sérénité, notre pays a grand besoin d’une démocratie conquérante. Il faut réagir, il ne faut plus laisser la place aux requins qui dévorent les menus fretins. Vous vous êtes laissés voler la légitimité nationale que l’effondrement du régime tutélaire syrien vous a donné. C’est de nouveau le verbalisme stérile qui sert de mètre-étalon à la démagogie. Comme si le clientélisme et la magouille n’avaient jamais existé. Face à la régression de l’éthique qui a saisi la majorité des forces politiques, un seul impératif : le courage. Il y a désormais urgence, car le paysage politique s’assombrit. Le populisme maronite a déjà son héraut : l’officieux candidat Aoun (bien qu’écorné). Le beylicat druze itou en l’auguste personne de Joumblatt. La rue sunnite s’est trouvé un champion dans le check-book Hariri, et le checkmate Nasrallah s’est imposé comme le chef de file du chiisme éclairé. D’autres cheikhs (sans provisions) végètent çà et là au sein des diverses communautés, prônant tantôt l’intolérance, tantôt l’obscurantisme. Il serait donc paradoxal que seule la famille politique, prise au dépourvu, soit celle dont le Liban a en vérité besoin pour sortir de l’impasse : la majorité silencieuse. Rompez donc avec les mauvaises habitudes, avec les mentalités préhistoriques, faites taire le double langage désuet, effacez le triple menton démagogique, débarrassez-vous du mercantilisme dégénéré. Souvenez-vous que les joutes verbales et surtout militaires des années 70, 80, 90, inspirées par les Palestiniens, les Syriens et les Américains, ont donné trente ans de tutelle à Hafez el-Assad. Vous ne le savez que très bien, mais vous n’agissez pas assez. Alors grouillez-vous, sinon... vous risquez de devenir une majorité aphone dans une république atone ! Nahi LAHOUD Producteur de théâtre * NB : En restant allongé sur le sol, on ne risque pas de tomber, mais de s’endormir.

Que peut-on constater après les piètres élections qu’on vient d’organiser au Metn et à Beyrouth ? D’abord on peut constater le niveau dégradant du discours politique. Ensuite, l’échec triomphaliste d’un ancien président de la République et la victoire en demi-teinte d’un ancien Premier ministre, et surtout la médiocre performance du candidat de la majorité à Beyrouth, qui...