Proprement proverbiale est la patience des hommes du désert. Mais elle n’est pas infinie, et on vient d’en avoir la démonstration avec le phénoménal coup de gueule des autorités saoudites à l’adresse du vice-président de Syrie Farouk el-Chareh, littéralement qualifié de menteur. Pire encore, de menteur voué à être un jour emporté par le vent.
Bref rappel des faits : mardi dernier, el-Chareh déplore la paralysie qui, selon lui, frappe le royaume wahhabite. À celui-ci, il reproche de n’avoir pas assuré le suivi des résolutions de la rencontre interpalestinienne de La Mecque comme d’avoir brillé par son absence à la récente conférence de Damas sur l’Irak. Entre autres amabilités, le numéro deux syrien fustige ceux des Arabes que chagrinent et inquiètent les échecs essuyés par les Américains dans la région. La réponse ne s’est pas fait attendre et elle a pris la forme d’un communiqué gouvernemental d’une virulence sans précédent, puisqu’il accuse les Syriens de rompre l’unité des rangs arabes et de propager l’anarchie et les troubles dans cette partie du monde.
Une telle vigueur dans la riposte illustre à quel point s’est alourdi, ces derniers temps, le contentieux syro-saoudite. L’Irak limitrophe des deux pays y est pour beaucoup, certes. Et l’affaire s’est corsée depuis que les Syriens ont entrepris d’héberger des ressortissants saoudiens, candidats à la guérilla contre les troupes d’occupation américaines. On n’a aucune peine à imaginer en effet l’inquiétude de Ryad à la seule perspective d’un retour au pays de ces exaltés bénéficiant des filières de recrutement jihadistes, mais aussi de facilités de transit syriennes parfaitement susceptibles de fonctionner dans les deux sens.
Outre l’Irak, avant même l’Irak peut-être, il y a cependant le Liban, étrangement absent pourtant de cette polémique. C’est au Liban en effet que le royaume a été atteint au plus profond de sa chair, de son cœur et de son prestige avec l’assassinat en 2005 de Rafic Hariri qui détenait aussi, comme on sait, la citoyenneté saoudite. Au roi Abdallah que l’on surnommait jadis l’Émir rouge tant il manifestait de bienveillance envers les régimes arabes les plus radicaux, il aura fallu des trésors de sang-froid pour recevoir plus tard dans son palais le président d’une Syrie tenue, dès le premier instant, pour le commanditaire de cet attentat. Peine perdue, puisque Damas n’a jamais renoncé par la suite à sa politique de déstabilisation du Liban. Pomme de discorde supplémentaire, le soutien syrien au Hezbollah a conduit aux dernières extrémités lors de la guerre de l’été dernier, avec la diatribe que prononçait le président Assad contre les rois et chefs d’État arabes, qualifiés de demi-hommes.
Le plus extraordinaire cependant est que cette crise survient en marge d’un modus vivendi saoudo-iranien négocié il y a quelques mois. Celui-ci se résume, il est vrai, à un simple pacte de non-recours à la violence entre musulmans sunnites et chiites, notamment au Liban où les tensions sectaires n’ont cessé de monter depuis la campagne de l’opposition contre le gouvernement Siniora. Mais il n’en constitue pas moins, à ce jour, le seul barrage à toute dérive susceptible de mener à la guerre civile. D’où l’importance de savoir si l’épisode el-Chareh traduit ou non une première faille dans le couple syro-iranien.
Ce qui est loin d’être extraordinaire en tout cas, c’est que le débat s’est instantanément transposé, avec toute son âpreté, sur la scène locale : cela sur fond de grandes manœuvres tournant autour de l’échéance présidentielle. Déclarées ou travesties, les premières candidatures au poste se bousculent déjà. Et dans sa sainte obsession à épargner au pays l’ultime anormalité, c’est-à-dire le vide, même le patriarcat maronite en vient à se résigner par avance – s’il n’y a vraiment pas d’autre moyen – à cette procédure des plus anormales que serait un amendement de la Constitution.
La seule promesse de normalité en cette fin de semaine, c’est finalement l’annonce officielle du choix de La Haye pour abriter le siège du tribunal international pour le Liban. En dépit des obstacles, de l’intimidation, de la terreur, le processus est bel et bien en marche. Un État de non-droit a martyrisé un État que ses propres contradictions condamnent à n’être hélas que celui de tous les passe-droits. Et c’est dans la capitale du droit de toutes les nations que sera tranchée l’affaire.
Issa GORAIEB
Proprement proverbiale est la patience des hommes du désert. Mais elle n’est pas infinie, et on vient d’en avoir la démonstration avec le phénoménal coup de gueule des autorités saoudites à l’adresse du vice-président de Syrie Farouk el-Chareh, littéralement qualifié de menteur. Pire encore, de menteur voué à être un jour emporté par le vent.
Bref rappel des faits : mardi...
Tout notre contenu en illimité
Retrouvez tous nos analyses, décryptages et reportages pour 1$ seulement !
Les plus commentés
Pourquoi il faut tourner la page Mikati
La surprise Salam : une victoire, mais de nombreux défis
L’option Nawaf Salam relancée... en attendant Riyad