Il n’y a aucun tort qui ne soit redressé.
Léonard de Vinci
Trente-troisième semaine de 2007.
Il y a tous ceux qui croient et défendent une idée message et une identité définitive du Liban, un avenir champagne pour ce pays. Tous les pôles du 14 Mars sont les transporteurs politiques, le vecteur de cette foi et de cette défense qu’ils ont en partage, au-delà de leurs divergences sur les moyens, sur la manière, au-delà de leurs passés respectifs, de leurs calculs et de leurs magouilles… Cela fait deux ans que ce 14 Mars est au pouvoir, avec un bilan extrêmement mitigé : de très belles et bonnes choses à son actif (le tribunal, la 1701, l’obstination en faveur de la souveraineté, l’ébauche de Paris III), aussi bien que de gigantesques et innombrables lacunes, ratages, absences. Cela fait pourtant deux ans que ce 14 Mars, qui n’a fait finalement que venir se greffer à la vision du Liban telle que défendue depuis bien avant 2005 dans ces mêmes colonnes, échappe à la sanction, au désaveu, à la reddition de compte : il est éthiquement, politiquement, scientifiquement et malheureusement impossible (et inadmissible) de le faire tant que cette majorité est garrottée, bâillonnée, piégée et enlisée par une opposition dont le seul fait d’arme est d’avoir réussi, avec une maestria inouïe et en se servant des vicissitudes inhérentes à toute mosaïque pluricommunautaire, à prendre en otages un pays, ses institutions et ses besoins d’avenir.
Mais voilà que cette interpellation va devenir possible, nécessaire, légitime même, puisque l’élection présidentielle est cette occasion en or qui devrait permettre à l’Alliance du 14 Mars de prouver qu’elle peut se montrer digne des espoirs et des sacrifices dont elle continue, malgré tout, de bénéficier. La raterait-elle qu’elle perdrait immédiatement cette fragile crédibilité, ce magnétisme on ne peut plus bancal qui restent les siens, deux ans après. Et une élection présidentielle ne s’improvise pas : elle se prépare, elle se cuisine, elle se travaille. Surtout face à un camp qui affiche volontiers sa cohésion, fût-elle pure poudre aux yeux, et qui est prêt à miser ses trente millions de pétrodollars perses mensuels sur un éclatement de la majorité, sur une implosion des digues sous le poids des ambitions, des prétentions, des tactiques diverses et variées qu’un tel scrutin, naturellement, surgonfle.
Il n’est pas demandé à la majorité de singer la méthodologie totalitaire de ses adversaires politiques, d’imposer par la force, ni de réparer aujourd’hui, il est parfois réellement trop tard, sa très grave faute de 2005, celle de ne pas avoir libéré la première présidence du quasi ultime reliquat de l’occupation syrienne. Il lui est juste demandé d’arriver à l’échéance présidentielle indivisible et, avant toute chose, armée et blindée. Il lui est juste demandé, même si cela paraît a priori un peu difficile, d’être intelligente, d’avoir du bon sens et de la jouer collectif. Il lui est juste demandé de se réunir dès aujourd’hui, autant de jours et de nuits qu’il le faudrait, de mettre tous les paramètres, locaux, régionaux, internationaux, dans la balance, et d’accoucher certes d’un nom, un seul nom autour duquel ils se solidariseraient tous, mais surtout d’un programme rationnel et exhaustif qui serait en fait celui, cruellement manquant, du 14 Mars et que son candidat, s’il était désigné, se chargerait de veiller scrupuleusement, au nom de sa famille politique, à son application.
Dévierait-elle de cette unique marche à suivre que l’Alliance du 14 Mars se suiciderait politiquement. Et, faut-il s’en réjouir ou en pleurer, c’est aux chrétiens de l’Alliance que revient l’obèse et peu enviée responsabilité de mener à bien cette mission, dans un laps minimal de temps. Réussirait-elle qu’elle assénerait une claque monumentale à tous ses détracteurs, une leçon absolue de démocratie et la preuve que le pluralisme peut être source de toutes les richesses, à commencer par celle de posséder l’arme politique absolue : l’initiative, l’action, l’attaque. L’Alliance du 14 Mars est désormais face à son baptême du feu ; elle n’a surtout plus la moindre excuse : elle est la seule, en l’occurrence, à pouvoir se saborder. Sachant que la très trendy hypothèse d’un président de consensus, à même, éventuellement, si la conjoncture astrale s’y prête, de faire la somme entre les revendications et les prétentions des deux camps, ne devrait en aucun cas l’empêcher de présenter et d’adouber un candidat.
Aucune excuse n’est permise, mais la tâche, évidemment, est d’une rudesse insensée : l’attrait éléphantesque et disproportionné qu’exerce le fauteuil de Baabda ne se contente pas de fasciner les candidats et leurs alliés d’ici ou d’ailleurs, de les transformer en lapins tétanisés par les phares d’une voiture ou en gamins tous prêts à ouvrir des cadeaux de Noël rêvés depuis des années. D’abord et surtout, ce fauteuil les lobotomise.
Il n’y a aucun tort qui ne soit redressé.
Léonard de Vinci
Trente-troisième semaine de 2007.
Il y a tous ceux qui croient et défendent une idée message et une identité définitive du Liban, un avenir champagne pour ce pays. Tous les pôles du 14 Mars sont les transporteurs politiques, le vecteur de cette foi et de cette défense qu’ils ont en partage, au-delà de leurs divergences...
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