Actualités - OPINION
IMPRESSION Esthétique du provisoire
Par ABOUDIB FIFI, le 18 août 2007 à 00h00
Dans la région des Pouilles, exactement sur le talon de l’Italie, des habitations étranges caractérisent le paysage. Ce sont les trulli, maisons champignons sous dômes de pierres empilées, troués d’une cheminée et surmontés d’un motif symbolique. Cette architecture de Schtroumpfs est, dit-on, la version méridionale de l’igloo. Dans ces contrées où le soleil tape fort, elle permet de conserver la fraîcheur l’été et la chaleur l’hiver. Mais seuls les autochtones vous en révéleront le secret véritable : les trulli doivent leur existence à l’invention de l’impôt sur les fenêtres. Au passage de l’inspecteur, il suffisait d’ajouter quelques pierres pour boucher les issues, toujours situées à hauteur d’homme. C’est donc en se tapant sur les cuisses à la perspective de ce mauvais tour que les Italiens du Sud ont construit ces mamelons telluriques. Trois siècles plus tard, les trulli se fondent si bien dans le paysage, ils ont une telle charge d’humour qu’ils continuent à réjouir qui les croise au détour d’un chemin.
Au Liban, notamment dans les villages de montagne, l’effet de la fiscalité de l’habitat fut par contre désastreux. Ici, des maisons de parpaing et de ciment cancéreux dressent leur laideur sur de flageolants pilotis. Pis encore : aux pilotis du bas répondent d’incompréhensibles pilotis du haut en une même cacophonie de ciment. Explication : pour éviter de payer deux fois le permis de construire, il suffit d’ébaucher le chantier de l’étage avec quelques piliers. Si l’occasion, l’envie ou la nécessité se présentent, on songera à « fermer », poser un toit, harmoniser le tout. Mais l’étage suivant achevé, le même démon revient et de hideux piquets se dressent à leur tour, attendant l’occasion, l’envie ou la nécessité…
On dit qu’un mécène aurait offert la construction de toits en tuiles aux habitants de son village. Mais on imagine le dilemme ainsi posé entre une maison belle et définitive, ou laide et extensible à souhait. Au regard de l’instinct grégaire qui régit les familles et de l’indivisibilité chronique des propriétés, il n’est pas difficile de prévoir un bel avenir aux pilotis aériens.
En somme, la loi libanaise aura permis l’invention d’un nouveau style architectural qui ne manque pas d’interpeller le touriste. Pourquoi ces bâtons de béton qui ne soutiennent rien, pourquoi ces tentacules de fer rouillé, ces méduses surréelles qui affleurent dans la brume, pourquoi ces gens plantent-ils des piquets dans le ciel ? Se trouvera-t-il quelqu’un pour inventer l’impôt sur le piquet, qu’enfin, à défaut d’un toit, on plante là quelque vigne ?
À force de dire que le Liban est un mouchoir de poche, voilà que nous le prenons pour un Kleenex. À vivre dans le provisoire, à n’entreprendre qu’à moitié, à sans cesse attendre des jours meilleurs, nous laissons notre environnement se dégrader. En retour, celui-ci nous dégrade.
Dans la région des Pouilles, exactement sur le talon de l’Italie, des habitations étranges caractérisent le paysage. Ce sont les trulli, maisons champignons sous dômes de pierres empilées, troués d’une cheminée et surmontés d’un motif symbolique. Cette architecture de Schtroumpfs est, dit-on, la version méridionale de l’igloo. Dans ces contrées où le soleil tape fort, elle...
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