Ah, les estivales langueurs (et l’incroyable candeur !) de ce colosse yankee si prompt d’ordinaire, pourtant, à enfourcher son dada
antiterroriste !
Cela fait plus de trois mois qu’a littéralement surgi des entrailles de la terre, c’est-à-dire du fond des tunnels de Nahr el-Bared, un monstre sanguinaire se donnant le nom de Fateh el-Islam que s’emploie à réduire, depuis, l’armée libanaise. Et c’est maintenant seulement que l’Administration américaine s’avise de placer ce groupe sur la liste des organisations terroristes. Qu’on se le dise, les militants de Fateh el-Islam ne pourront plus désormais aller faire du tourisme en Floride ni avoir recours au circuit bancaire américain pour gérer leurs mouvements de fonds. Ce genre de sanctions, on en avait eu la primeur, il est vrai, avec les interdits et autres gels d’avoirs financiers qui ont frappé des personnages syriens et libanais accusés d’œuvrer à déstabiliser notre pays. Aux dernières nouvelles, ils n’ont pas renoncé pour autant.
C’est sur un autre plan cependant que surprend surtout – et ne laisse pas d’inquiéter – l’étrange indolence de l’Oncle Sam. Sans citer nommément Washington, le commandant de l’armée a déploré ainsi lundi, devant ses camarades de promotion, le ravitaillement insuffisant de ses troupes en armes et en munitions, à l’heure où elles sont engagées dans les combats les plus durs qu’elles aient jamais eu à livrer.
Ce n’était pas là cependant le seul pavé lancé dans la mare par le général. En décrétant que Fateh el-Islam est stricto sensu une simple, bien que redoutable, émanation d’el-Qaëda (et qu’il ne relève donc pas des services de renseignements syriens), Michel Sleimane a pris le contre-pied d’un discours officiel américain systématiquement accablant pour Damas. Le plus remarquable cependant, c’est que son diagnostic contredit surtout la thèse gouvernementale voulant que Fateh el-Islam, né d’une scission de Fateh el-Intifada, a bel et bien été exporté au Liban par le manipulateur syrien avec pour mission d’y répandre le chaos.
Que le général ait lavé le même gouvernement des accusations de financement des extrémistes sunnites portées contre lui par l’opposition ne change rien à cet effarant constat : toute coopération demeure inexistante entre les deux agences de renseignements libanaises les plus influentes à l’heure actuelle, à savoir le deuxième bureau militaire et la salle d’opérations des FSI ; c’est à des conclusions diamétralement opposées en effet que sont parvenus ces deux organismes censés veiller de concert, avec tous les autres services similaires, à la sécurité du pays.
Non moins notables sont les retombées politiques des propos de Sleimane dont on nous assure, mais un peu tard, qu’ils n’étaient pas destinés à la publication. En prenant ses distances avec un peu tout le monde, en sermonnant une classe politique passablement oublieuse, selon lui, de l’esprit et de la lettre de l’accord de Taëf, en s’engageant à assumer en toutes circonstances ses immenses responsabilités sécuritaires, le général, qu’il s’en défende ou non, s’est placé au centre d’une actualité dominée par la course à la présidence de la République.
Pour n’être pas vraiment nouveau, le phénomène appelle bien des observations. La première qui vient à l’esprit cependant est cette propension des militaires (devenue tradition ?) à lorgner le raccourci qui, du Pentagone de Yarzé, mène au palais de Baabda. À briguer les plus hautes charges politiques, dans un pays qui se trouve être le seul du monde arabe à pratiquer la démocratie, aussi imparfaite puisse-t-elle être.
Depuis l’indépendance de 1943 en effet, non moins de deux commandants de l’armée ont accédé à la magistrature suprême, avec les bilans différents à l’extrême que l’on sait. Un troisième s’y est employé sans succès dans les conditions les plus dramatiques et il continue, près de deux décennies plus tard, de se poser en unique alternative au chaos. Le quatrième, enfin, peut s’enorgueillir d’un parcours sans faute depuis le séisme de 2005, ainsi que du soutien unanime manifesté à la troupe dans son héroïque combat contre le terrorisme retranché à Nahr el-Bared ; mais à tout prendre, n’est-ce pas le même, angoissant et inacceptable message que recèle son discours ?
Issa GORAIEB
Ah, les estivales langueurs (et l’incroyable candeur !) de ce colosse yankee si prompt d’ordinaire, pourtant, à enfourcher son dada
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