Actualités - OPINION
La (non-) demande en mariage
le 14 août 2007 à 00h00
C’est martial ; on entendrait même, entre les lignes, la soldatesque marche de Franz Schubert. Finies désormais les crise de l’âme, les hésitations et les angoisses (compréhensibles parfois), les réprobations flanquées de menaces de démission, confirmées il y a quelques mois à la télévision par Élias Murr, son ministre de tutelle ; désormais, Michel Sleimane se pose volontiers, franchement, en capitaine du navire Liban, écartant d’un revers de galons l’éventualité même, à quarante-cinq jours de l’élection présidentielle, d’un quelconque fléchissement. Est-il concevable que je quitte le commandement du navire alors qu’il est ballotté par les vagues de tous les côtés ? Au cœur et en conclusion de son discours choc de ce 13 août, cette question/réponse, cette annonce faite au monde au lendemain d’une très remarquée visite à Dimane auprès du patriarche Sfeir a surligné les bombinettes politiques qu’il a larguées avec une précision millimétrique d’une fluorescence qui a dû en aveugler plus d’un.
Comme un nombre insoupçonné de maronites, Michel Sleimane attend. Sauf que son attente à lui est grave, stakhanoviste, surchargée d’actions, de verbes, de placements : non seulement gère-t-il les combats de ses boys à plus d’un front, entre Nahr el-Bared, le sud du Litani, la frontière libano-syrienne (où son travail, plus qu’ailleurs, est observé à la loupe par la communauté internationale), et les zones multi ou intersectaires à risque à surveiller, mais le voilà qui se consacre en parangon ultime de l’équidistant, de l’impartial. Du consensuel. Dans ce discours du 13 août, le général Sleimane, que la bataille contre Fateh el-Islam a élevé au rang de sauveur, notamment aux yeux de la communauté sunnite, a été carrément par quatre chemins pour bien faire comprendre, à tous, ce qu’il est, ce qu’il vaut et ce qu’il veut.
Un : il a rassuré à la fois l’Alliance du 14 Mars et les prosyriens, actifs ou passifs, en assénant, le jour de l’inscription par Washington de Fateh el-Islam sur sa liste terroriste, que le groupuscule islamiste est uniquement d’obédience el-Qaëda, un postulat évidemment et éminemment discutable. Deux : il a renvoyé les armuriers de la planète, les États-Unis en particulier, à leur copie en leur rappelant très sèchement et très précisément combien sa troupe est sous-équipée. Trois : il a fait acte d’allégeance à l’accord de Taëf et à la Constitution du Liban, à sa souveraineté et à son indépendance, tout en expliquant bien que c’est la Loi fondamentale, éventuellement amendée ( !), qui définit les conditions dans lesquelles s’achève la mission du patron de l’armée. Quatre : par un ahurissant tour de passe-passe, il a laissé un statuesque commandeur prendre le pas sur le commandant, en invitant très officiellement les leaders du pays à se conformer à l’esprit et à la lettre du texte républicain sacré.
Alors, faiseur de roi ou prétendant au trône ? Je resterai à la tête de l’armée jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République et la formation d’un nouveau gouvernement. Certes rassurante – Michel Sleimane, sa troupe et sa volonté de rester à égale distance des deux camps ont toujours été cet unique et véritable tiers de garantie que l’opposition Hezb/CPL veut subtiliser et déformer –, cette phrase n’en reste pas moins obèse d’ambiguïté, de sous-entendus, de portes béantes ouvertes. À l’heure où commencent à se multiplier les déclarations d’intention des uns et des autres, parfois assorties d’insensés et nazillons ultimatums, de menaces de chaos, cette vraie-fausse annonce de candidature a soufflé sur le Liban, et au-delà, avec une force typhonienne.
Michel Sleimane sait pertinemment qu’il bénéficie en ce moment d’un état de grâce qui le place en tête de la liste des présidentiables dits consensuels. Et que ces présidents dits consensuels sont, malheureusement ou pas, d’hyperactualité. Mais Michel Sleimane sait beaucoup d’autres choses : que la majorité des Libanais, qui applaudissent des deux mains son action à la tête de l’armée, a un mal fou à imaginer, encore un militaire à la première magistrature ; que le patriarcat maronite, jusqu’à bien récemment, ne voyait jamais d’un bon œil un amendement de la Constitution, quelle qu’en soit la raison, et qu’il est rarement recommandé, et recommandable, de se débarrasser d’un uniforme taillé à sa mesure et qui lui va comme une deuxième peau pour une quelconque cravate. Il a deux bons exemples sous les yeux – et encore : les uniformes étaient loin d’être aussi bien découpés.
Ziyad MAKHOUL
C’est martial ; on entendrait même, entre les lignes, la soldatesque marche de Franz Schubert. Finies désormais les crise de l’âme, les hésitations et les angoisses (compréhensibles parfois), les réprobations flanquées de menaces de démission, confirmées il y a quelques mois à la télévision par Élias Murr, son ministre de tutelle ; désormais, Michel Sleimane se pose volontiers,...
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