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Actualités - OPINION

LE POINT Sarkozy le Yankee

Adieu les « Freedom Fries », bienvenue aux « French Fries »… Qu’il est loin le 11 mars 2003, quand deux honorables représentants républicains, Robert W. Ney (Ohio) et Walter B. Jones (Caroline du Nord), imposaient aux restaurants du Congrès d’américaniser dans leurs menus – Irak oblige – les noms des plats à consonance française. Le week-end dernier, Nicolas Sarkozy partageait avec le clan Bush au complet hotdogs, hamburgers, épis de maïs, haricots et tourte aux myrtilles, pendant que la presse US s’étonnait : « Imagine-t-on Jacques Chirac à Kennebunkport ? » et que le vénérable Washington Post croyait pouvoir en rajouter, parlant d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays. C’est bien vrai que les choses ont changé depuis l’arrivée à l’Élysée d’un hôte qui a tout pour plaire aux Américains : jeunesse, dynamisme, anticonformisme, volonté de secouer le cocotier ainsi que le prouve la décision de passer des vacances « comme 900 000 Français » chaque année, sur les bords du lac de Winnipesaukee, dans le New Hampshire. Et si la villa, propriété de Michael Appe, un ancien dirigeant de Microsoft, louée pour l’occasion 30 000 dollars la semaine, se trouve à quelques encablures de la résidence familiale des Bush, c’est seulement que le hasard fait bien les choses – ce que les mauvais esprits n’ont pas compris, qui continuent à échafauder les hypothèses les plus invraisemblables. Il reste que samedi, les petits-enfants de la tribu, pour accueillir le visiteur, brandissaient des panneaux portant l’inscription « Bienvenue, Mr. President », que Bush père s’est hasardé à prononcer un mot en français et que son fils a bien failli l’imiter, lui qui parle à peine l’anglais (il l’a avoué en riant aux journalistes). Ainsi, sous un ciel soudain redevenu uniformément bleu, comment croire qu’il n’a été question que d’une amitié retrouvée, vieille de 250 ans, et de frites qui, après tout, sont plus belges qu’hexagonaux ? Nul d’ailleurs ne s’y est trompé. À l’heure où des pays d’Europe se préparent à rappeler leurs boys malencontreusement fourvoyés sur les rives de l’Euphrate, des problèmes continuent de se poser, innombrables, aux quatre coins d’un globe qui ne tourne plus rond. L’Iran figure en tête d’une longue liste, avec la menace que fait peser sur le monde son programme nucléaire, mais aussi cet Afghanistan qui n’a pas encore réussi à exorciser ses démons talibans, les risques d’une déstabilisation – à plus court terme peut-être qu’on ne le pense – du Pakistan, le drame des réfugiés du Darfour, enfin le sommet consacré aux changements climatiques, appelé à se tenir le mois prochain à Washington. Expédié, presque comme une formalité, le traditionnel couplet à la gloire de la démocratie et de la liberté si chères au cœur de tout Américain, le nouveau chef de l’État français a reconnu, tout comme son hôte quelques instants auparavant, l’existence de désaccords, « ce qui n’empêche pas la grande famille de demeurer unie ». Des deux hommes, c’est probablement le chef de l’Exécutif US qui avait le plus besoin d’un soutien aussi inespéré alors qu’autour de lui tout vacille et menace de s’écrouler. Dernier en date à lui faire faux bond, Karl Rove vient d’annoncer sa prochaine démission, le 31 août, de son poste de conseiller politique de la Maison-Blanche. Cette éminence grise du président – son âme damnée, n’hésitent pas à dire certains – a fini par payer le prix de ses erreurs : calculs désastreux ayant mené à la guerre contre l’Irak, méthodes brutales pour éliminer les adversaires politiques, scandale de l’affaire Valerie Plame… Depuis le 6 mai dernier, murmure-t-on dans la capitale fédérale, les caciques du Grand Old Party se prennent à rêver à ce qui, hier encore, paraissait impossible. Si, en France, un conservateur a pu succéder à un autre conservateur devenu impopulaire au bout de douze ans d’un pénible surplace, alors un autre républicain pourrait, après tout, être élu en 2008. À Paris pendant ce temps, l’opposition ((essentiellement socialiste) en est réduite à débiter des lieux communs venus d’une autre époque, tel Pierre Moscovici qui croit devoir prodiguer des conseils, au nom du Parti socialiste, au vainqueur de Ségolène Royal : « Ce serait une lourde erreur de s’aligner sur Bush, un “lame duck” (canard boiteux) qui cohabite avec un Congrès démocrate et qui a commis énormément d’erreurs. Il faut rester lucide. » Le Français moyen pour sa part donne l’impression de vouloir effectivement un peu moins de hâte dans le rapprochement avec l’allié d’outre-Atlantique. Il n’en approuve pas moins le nouveau style présidentiel et cette manière de se trouver constamment en première ligne qui satisfait son besoin d’un chef. Ernest Hemingway, Steve McQueen et (mais oui…) Sylvester Stallone peuvent être contents de leur « fan ». Panache retrouvé, mission en cours d’accomplissement. Christian MERVILLE

Adieu les « Freedom Fries », bienvenue aux « French Fries »… Qu’il est loin le 11 mars 2003, quand deux honorables représentants républicains, Robert W. Ney (Ohio) et Walter B. Jones (Caroline du Nord), imposaient aux restaurants du Congrès d’américaniser dans leurs menus – Irak oblige – les noms des plats à consonance française. Le week-end dernier, Nicolas Sarkozy partageait avec le clan Bush au complet hotdogs, hamburgers, épis de maïs, haricots et tourte aux myrtilles, pendant que la presse US s’étonnait : « Imagine-t-on Jacques Chirac à Kennebunkport ? » et que le vénérable Washington Post croyait pouvoir en rajouter, parlant d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays.
C’est bien vrai que les choses ont changé depuis l’arrivée à l’Élysée d’un hôte qui a tout pour...