Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

LE POINT Dilemme irakien

« The Road Home » (le chemin du retour) : étalé sur la moitié de la page du New York Times, le titre annonce le ton de l’éditorial, particulièrement sévère, d’un journal qui se pose volontiers en censeur de la vie politique. Le verdict est déjà dans les trois premières lignes : « Il est temps pour les États-Unis de quitter l’Irak, sans autre délai que celui permettant au Pentagone d’organiser un repli en bon ordre. » Tel est aussi l’avis d’un nombre de plus en plus important de législateurs et de la majorité des Américains, inquiets devant l’entêtement de leur président à faire fi de toute opinion contraire à la sienne et à celle de son numéro deux. Pourtant elle s’étoffe, au fil des heures, la chronique d’un désastre annoncé. Le général Colin Powell révélait en week-end qu’il avait passé deux heures et demie à tenter de convaincre George W. Bush de ne pas se lancer dans l’aventure mésopotamienne. Devant les participants à un séminaire organisé à Aspen (Colorado), l’ancien secrétaire d’État est revenu sur cette rencontre. « J’ai essayé d’éviter la guerre, a-t-il dit. J’ai évoqué les conséquences qu’aurait notre présence en tant qu’occupants dans un pays arabe. » Puis cette phrase, terrible dans sa concision : « En définitive, la guerre civile sera réglée par les armes. Ce ne sera pas beau à voir, mais il n’existe aucun moyen de la prévenir ; elle est déjà en cours. » Si la Maison-Blanche hésite encore à faire sienne cette vision pessimiste de l’ex-chef de la diplomatie US, il n’en est pas de même du Congrès. Jadis un modéré, devenu un critique impitoyable de la politique officielle, le sénateur Harry Reid, leader de la majorité démocrate, se désole de la frilosité de certains membres de son parti. « Nous n’en faisons pas assez », répète-t-il ces jours-ci, alors que se précisent déjà les contours de la bataille de novembre 2008. Confidence désolée d’un cacique du Grand Old Party : « Aujourd’hui, il ne fait pas bon figurer dans le camp du pouvoir. » De fait, les républicains se bousculent pour prendre leurs distances avec le chef de l’Exécutif. À l’instar de Richard G. Luger (Indiana) et George V. Voinovich (Ohio), membres de la commission des Affaires étrangères, ou encore de Pete V. Domenici (Nouveau-Mexique) et John W. Warner (Virginie), un spécialiste des questions militaires. Ce dernier joue son avenir l’an prochain, tout comme Domenici, qui s’apprête à solliciter un septième mandat. Sur les bords du Potomac, on attend fébrilement le retour de John McCain, qui effectue une visite sur le terrain et qui s’apprêterait, à en croire ses proches, à opérer un virage à angle droit, lui qui fut le principal partisan de la stratégie bushienne à Bagdad. Nous ne pouvons pas continuer à réclamer de nos troupes davantage de sacrifices alors que le gouvernement irakien ne fait aucun progrès notable, soulignent d’une même voix les adversaires de la ligne suivie par la présente Administration. Un point de vue partagé – étrangement – par… Moqtada Sadr, dont les porte-parole donnent pour imminente la chute d’un cabinet qui fait la quasi-unanimité contre lui, ce qui ne facilite pas la tâche du corps expéditionnaire yankee ni surtout celle de l’ambassadeur Ryan Crocker. Dans la capitale fédérale, tous ceux qui attendaient le rapport, promis pour septembre, du général David Petraeus en seront pour leurs frais. Dans l’incapacité de faire état des progrès censés avoir été accomplis au cours des six mois écoulés – date à laquelle des renforts ont été envoyés sur place en prévision d’une relance de l’offensive –, le commandant en chef aurait opté pour un silence prudent et choisi de s’effacer devant Robert Gates, secrétaire à la Défense. C’est Tony Fratto, porte-parole adjoint de la Maison-Blanche, qui, involontairement peut-être, a vendu la mèche. Ce n’est un secret pour personne, s’est-il laissé à lâcher devant un groupe de journalistes, que des discussions sont en cours sur la nouvelle stratégie à adopter. En réalité, on serait déjà passé du stade des discussions à celui des ultimes préparatifs. Dès octobre prochain, une première brigade de 3 000 hommes sera rapatriée, le rythme devant s’accélérer tous les trente ou soixante jours pour en définitive ne maintenir sur place, d’ici au mois de novembre 2008, que des effectifs de l’ordre de 50 000 à 70 000 GI. James A. Baker et Lee H. Hamilton ne recommandaient pas autre chose dans leur rapport de décembre 2006, superbement ignoré par une équipe s’appuyant sur Dieu et son droit. Mais de nouveaux éléments pourraient être appelés à se produire, qui bouleverseraient un ordre des choses déjà passablement bousculé. Il en est ainsi, ce n’est là qu’un exemple, de ces 140 000 soldats turcs massés aux portes du Kurdistan irakien en prévision d’une incursion militaire destinée à déloger les rebelles du Parti des travailleurs. Une intervention dont les USA se passeraient volontiers. Pour peu qu’ils aient leur mot à dire. Christian MERVILLE
« The Road Home » (le chemin du retour) : étalé sur la moitié de la page du New York Times, le titre annonce le ton de l’éditorial, particulièrement sévère, d’un journal qui se pose volontiers en censeur de la vie politique. Le verdict est déjà dans les trois premières lignes : « Il est temps pour les États-Unis de quitter l’Irak, sans autre délai que celui permettant au Pentagone d’organiser un repli en bon ordre. » Tel est aussi l’avis d’un nombre de plus en plus important de législateurs et de la majorité des Américains, inquiets devant l’entêtement de leur président à faire fi de toute opinion contraire à la sienne et à celle de son numéro deux.
Pourtant elle s’étoffe, au fil des heures, la chronique d’un désastre annoncé. Le général Colin Powell révélait en week-end qu’il avait...