Étranges étudiants que ces jeunes munis de masques à gaz, armés de kalachnikov appelés par leurs chefs à lancer des attaques-suicide contre les forces de l’ordre, mais prêts à se rendre pour 5 000 roupies, l’équivalent de 83 dollars. Étranges encore ces écoles plantées au cœur d’Islamabad, dirigées par Abdul Aziz et Abdul Rashid Ghazi, plus proches des talibans qu’ils ne veulent l’admettre, qui prêchent la haine de l’Occident en général et de l’Amérique en particulier après avoir constitué le principal vivier dans lequel ses agents recrutaient leurs combattants contre l’Armée rouge. Étranges enfin ces « étudiantes » de la Jamia Hafsa, dont certaines, entrées là dès l’âge de 4 ans, se transforment en escadrons de combattantes pour prôner la vertu et lutter contre le vice, fermant des...
Actualités - OPINION
LE POINT Mosquée rouge sang
Par MERVILLE Christian, le 05 juillet 2007 à 00h00
Étranges étudiants que ces jeunes munis de masques à gaz, armés de kalachnikov appelés par leurs chefs à lancer des attaques-suicide contre les forces de l’ordre, mais prêts à se rendre pour 5 000 roupies, l’équivalent de 83 dollars. Étranges encore ces écoles plantées au cœur d’Islamabad, dirigées par Abdul Aziz et Abdul Rashid Ghazi, plus proches des talibans qu’ils ne veulent l’admettre, qui prêchent la haine de l’Occident en général et de l’Amérique en particulier après avoir constitué le principal vivier dans lequel ses agents recrutaient leurs combattants contre l’Armée rouge. Étranges enfin ces « étudiantes » de la Jamia Hafsa, dont certaines, entrées là dès l’âge de 4 ans, se transforment en escadrons de combattantes pour prôner la vertu et lutter contre le vice, fermant des maisons de passe, prenant en otages des officiers de police et refusant de porter le voile sinon devant les étrangers.
Et à ceux qui les accusent de contribuer par leur action à « talibaniser » la société pakistanaise, ces jeunes filles répondent : « Du temps où il était maire de New York, Rudolph Giuliani avait fait fermer les maisons de passe de la ville. Serait-il un adepte du mollah Omar ? » Il faut croire que les leçons, administrées par des enseignants mâles, ont servi à quelque chose… Le défi est de taille, lancé à la face de tout l’establishment militaire au pouvoir, et dont la dernière manifestation a été la crise de la Mosquée rouge, culminant après des mois d’une tension qui est allée crescendo jusqu’aux affrontements sanglants de mardi, avec leur cortège de tués et de blessés.
Juillet 2005 : le monde, stupéfait, découvre l’existence de Lal Masjid lorsqu’un commando d’élite entreprend de donner l’assaut à l’école coranique, au lendemain des attentats meurtriers de Londres, dont l’un des auteurs, Shehzad Tanweer, aurait suivi les « cours » de l’établissement. Lors de l’affaire des caricatures danoises, c’est de là que part l’agitation qui devait gagner le monde ; de là aussi qu’est lancée la campagne contre la démolition de certaines mosquées construites illégalement, décidées par le gouvernement, ou encore la bataille pour obtenir la réouverture d’une station de radio accusée de faire campagne pour une stricte application de l’islam. Au plus fort de la crise qui agite alors le pays, l’ancien Premier ministre Chaudhry Shujaat Hussain est chargé de notifier les frères Ghazi de l’acceptation par l’État de toutes leurs demandes, y compris celle ayant trait à l’application de la charia. Du moins est-ce ainsi que sa démarche est comprise. En fait, le propos de l’émissaire du général-président était bien plus nuancé : « Aucun musulman, aurait-il dit devant ses interlocuteurs, ne refuserait l’idée d’une application d’un système islamique dans le pays. »
L’affaire, de l’avis de tous les « pakistanologues », ne représente que la partie visible de l’iceberg. Aujourd’hui, il existe à travers les quatre provinces du pays des milliers de madrassas – les estimations variant entre 13 000 et 40 000 – dont les effectifs avoisineraient 1,5 million de personnes. Les deux tiers de ces établissements seraient sous le contrôle direct des anciens maîtres de l’Afghanistan et fourniraient l’essentiel des recrues d’el-Qaëda. Regroupés au sein d’un Wakf el-Madariss, ils relèvent des Deobandi, du nom de la ville de Deoband, à 165 kilomètres au nord de New Delhi où est née en 1867 cette secte qui prône un islam pur et militant.
Musharraf se serait volontiers passé de ce nouveau problème, culminant avec des effusions de sang à l’approche d’échéances cruciales. L’affaire Iftikhar Muhammad Chaudhry, du nom du président de la Cour suprême suspendu le 9 mars de ses fonctions, vient de rebondir avec la décision d’un magistrat de rejeter les preuves accumulées par l’État pour justifier cette mesure. Dans le Balouchistan, la plus pauvre des quatre provinces du pays, l’agitation est en train de gagner en ampleur, menaçant même de faire tache d’huile. Il y a enfin la fronde des avocats et le forcing pour des élections législatives anticipées (dès le mois courant, aux dires de certains) qui permettraient à l’actuel maître du pays de solliciter, espère-t-il, le renouvellement de son mandat.
Quatrième militaire en près d’un demi-siècle – sur les soixante ans d’indépendance – à accéder, en 1999, à la plus haute magistrature, Pervez Musharraf n’est pas certain de voir son vœu exaucé. De Mohammad Ayoub Khan (1958-1969) à Mohammad Zia ul-Haq (1977-1988), en passant par Yahia Khan (1969-1971), jamais la transition ne s’est effectuée en douceur. De plus, il est aujourd’hui un élément dont les Pakistanais préfèrent ne pas parler : ces cinq dernières années, l’Amérique a contribué à raison de un milliard de dollars par an à la lutte contre le terrorisme. Avec les piètres résultats que l’on voit cette semaine. Cela devrait donner à réfléchir à plus d’un.
Christian MERVILLE
Étranges étudiants que ces jeunes munis de masques à gaz, armés de kalachnikov appelés par leurs chefs à lancer des attaques-suicide contre les forces de l’ordre, mais prêts à se rendre pour 5 000 roupies, l’équivalent de 83 dollars. Étranges encore ces écoles plantées au cœur d’Islamabad, dirigées par Abdul Aziz et Abdul Rashid Ghazi, plus proches des talibans qu’ils ne veulent l’admettre, qui prêchent la haine de l’Occident en général et de l’Amérique en particulier après avoir constitué le principal vivier dans lequel ses agents recrutaient leurs combattants contre l’Armée rouge. Étranges enfin ces « étudiantes » de la Jamia Hafsa, dont certaines, entrées là dès l’âge de 4 ans, se transforment en escadrons de combattantes pour prôner la vertu et lutter contre le vice, fermant des...